Pour Trump, qui confond bulle et prospérité, tout ralentissement économique sera imputable à la Fed. Mais cette dernière devrait bientôt renoncer à toute normalisation.
Une confrontation fabuleusement frauduleuse est en train de se mettre en place…
D’un côté se trouve Donald J. Trump, qui prétend avoir déjà « rendu sa grandeur à l’Amérique » et accusant la Fed d’avoir ruiné son bel ouvrage. Il veut que la Fed baisse les taux, au lieu de les augmenter.
De l’autre se trouve la Fed elle-même, qui prétend être l’architecte et créateur de cette incroyable économie et souhaite désormais la guider vers la perfection. Elle croit qu’elle « normalise » l’économie en augmentant graduellement les taux.
Qui a raison ?
Ah cher lecteur… vous avez deviné, n’est-ce pas ? Ils se trompent tous les deux.
D’abord parce que l’économie américaine n’est pas « belle ». C’est un vilain pétrin, dangereux et malhonnête.
Ensuite parce que tant Trump que la Fed sont à blâmer pour avoir fait d’elle ce qu’elle est.
Troisièmement parce que Le Donald n’a pas besoin de s’en prendre à la Fed. Ils sont dans la même équipe — manipulant activement l’économie à leur propre avantage et aggravant encore la situation.
La grandeur de la bulle, pas de l’Amérique
Si les deux pouvaient être traduits en justice devant un juge honnête, et correctement accusés d’une combinaison de fourberie, fraude et négligence, les deux feraient de la prison… et la Fed aurait la sentence la plus lourde.
La banque centrale américaine complote pour falsifier les marchés — et transférer la richesse vers l’élite financière — depuis trois décennies.
M. Trump avait raison durant sa campagne présidentielle. La Fed, avait-il accusé, a créé « une grosse bulle bien moche ». Une fois en poste, il aurait dû immédiatement remplacer Janet Yellen par un banquier honnête de type Paul Volcker.
Au lieu de cela, il a laissé les scélérats en place et s’est attribué le mérite de la bulle.
Ensuite, à mesure que les marchés grimpaient et que le chômage baissait, il a doublé son pari… parlant de « son » économie et affirmant qu’il avait « déjà rendu sa grandeur à l’Amérique » grâce à sa baisse d’impôts, ses augmentations de dépenses et ses autres initiatives.
Évidemment, les réductions d’impôts et les augmentations de dépenses ont flatté les chiffres du Donald (« ses » chiffres).
On peut quasiment toujours se payer une petite hausse en dépensant de l’argent qu’on n’a pas. Mais à moins d’investir dans quelque chose qui dégagera un profit, on perd simplement du temps et de l’argent… tout en aggravant la situation.
Des dépenses qui ne rapportent rien
Nous avons lu la semaine dernière que la moitié de la croissance supplémentaire durant les années Trump (à ce jour) provient d’un accroissement des dépenses gouvernementales — principalement militaires.
Inutile de vous le dire, cela n’a aucune chance de rapporter quoi que ce soit. Les Etats-Unis pourraient se protéger avec une fraction de ce qu’ils dépensent actuellement pour leur « défense ». Donner de l’argent supplémentaire au Pentagone revient à souffler dans un violon.
Un autre coup de pouce temporaire est en fait une conséquence inattendue de la guerre commerciale de M. Trump.
En anticipation de la hausse des taxes douanières, les importateurs ont avancé leurs commandes afin d’éviter les taxes supplémentaires. Cela a approfondi le déficit commercial avec la Chine, mais a augmenté la consommation… pendant un temps.
L’année prochaine, nous devrions voir l’effet opposé, les commandes chutant tandis que les stocks déclinent.
Quant aux baisse d’impôts, si on ne les compense pas par une réduction des dépenses, elles ne font que transférer le fardeau du gaspillage gouvernemental vers les marchés du crédit et les futurs contribuables.
Sans le soutien de la Fed (qui a arrêté d’acheter de la dette gouvernementale), le gouvernement devra demander du crédit au marché privé, ce qui fera grimper les taux d’intérêt.
C’est en partie pour cela que les taux immobiliers ont déjà dépassé les 5%. Selon nos calculs, les ménages perdent autant (à cause de la hausse des taux) qu’ils gagnent grâce à la baisse des impôts.
Des taux plus élevés ralentissent aussi l’économie tout entière. CNN nous en dit plus :
« Les hausses de taux mettent déjà les entreprises sous pression…
Les ventes de voitures et de maisons ont déjà calé ces derniers mois en dépit d’une confiance élevée des consommateurs et d’un chômage bas.
Les ralentissements ont été nourris au moins en partie par les efforts de la Réserve fédérale d’éliminer la dépendance de l’économie aux taux zéro. La hausse du coût de l’emprunt met sous pression les secteurs automobile et immobilier, qui ont profité d’une décennie d’argent bon marché.
‘Il est très clair que la hausse des taux d’intérêt a un effet sur l’économie’, a déclaré Nicholas Colas, co-fondateur de DataTrek Research. ‘Les deux achats les plus chers, pour un consommateur, sont une maison et une voiture. Les deux sont sensibles au coût du crédit’.
Maintenant que l’économie s’est remise de la Grande récession, la Fed tente de lui enlever ses béquilles. Cette tâche délicate est encore plus difficile actuellement parce que les taux sont allés très bas — et y sont restés longtemps.
Les secteurs automobile et immobilier sont en première ligne de ce changement des coûts de l’emprunt. Les taux immobiliers ont récemment dépassé les 5% pour la première fois depuis 2011. Même si les taux immobiliers sont toujours bas historiquement, les acheteurs commencent à en ressentir les effets.
Les ventes de maisons neuves ont chuté de 5,5% en septembre, pour atteindre leur plus bas niveau en près de deux ans, a déclaré le département du Commerce US la semaine dernière. Les ventes ont plongé de près de 41% dans le nord-est et ont chuté de 12% à l’ouest, même s’ils ont connu une hausse modeste dans le Midwest. Les ventes de logements neufs sont désormais 22% inférieures à leur récent sommet de novembre 2017, selon Barclays ».
Rien à craindre d’une normalisation
Toutes ces choses — sans parler des chiffres de l’emploi, largement frauduleux — indiquent qu’une récession pourrait bien se produire prochainement aux Etats-Unis.
M. Trump attaquera alors la Fed avec encore plus de vigueur, affirmant qu’elle a détruit sa magnifique économie.
Il ne devrait pas se donner cette peine. Il n’a rien à craindre de la Fed.
Comme nous l’avons souvent répété, la Fed ne « normalisera » jamais sa politique… pas avec 250 000 milliards de dollars de dette dans le monde dépendant de taux anormalement bas.
Au premier signe de crise, la Fed paniquera, avec ou sans encouragement du président.
Et cette panique ne peut que mener à la pire réaction possible de la part des deux acteurs-clé.
La Fed réduira ses taux à des niveaux négatifs. Elle achètera des actions en plus des obligations. Et, comme la banque centrale japonaise, elle deviendra le banquier de premier et dernier recours pour le gouvernement fédéral.
[NDLR : C’est de très mauvais augure pour le dollar… mais de bon augure pour vous, car vous pouvez transformer tout déclin du dollar en opportunité de gain ! Plus d’explications par ici.]
Quant à l’équipe Trump, elle se lancera à toute vapeur dans les dépenses gouvernementales — infrastructures… « dépenses »… crédits d’impôts… et ainsi de suite ! Et tout cela sera financé avec de l’argent gratuit de la Fed.
Tous dans la même équipe…
… Travaillant de concert à ruiner le pays.
3 commentaires
Bonjour
« Travaillant de concert à ruiner le pays. »
Visiblement, la ruine n’est pas pour demain.
1/ personne ne s’inquiète si la FED double ou triple son bilan (elle l’a déjà fait)
2/ La « ruine » (chute de la monnaie) est toute relative. Dans la mesure ou les autres (Japon, Europe etc…) sont dans la même situation (ou pire): fuir le $ pour aller où ? (l’or étant autant, voir plus, manipulé que le $)
3/ L’armée US permettra de faire payer l’impôt impérial si besoin :
– Les européens/Saoudien paieront pour la protection US
– la Chine/Japon paieront (via l’annulation unilatéral de la dette US) pour commerce déloyal.
Trump a beaucoup plus de cartes en main que de mot à son vocabulaire bien moche.
Je suis plutôt d’accord avec Djamel (sauf concernant le doublement du bilan de la FED qui serait sans conséquences négatives).
» Nous avons lu la semaine dernière que la moitié de la croissance supplémentaire durant les années Trump (à ce jour) provient d’un accroissement des dépenses gouvernementales — principalement militaires »
Les dépenses gouvernementales ne créent aucune croissance puisque bien qu’elles soient intégrées dans le PIB elles sont pour conséquence direct une contraction du PIB généré par le secteur privé.
En effet face à un accroissement du déficit résultant d’une hausse des dépenses, l’Etat peut soit augmenter les impôts (pas besoin d’élaborer), soit créer de la monnaie (ce qui aurait pour conséquence une hausse de l’inflation, hors le PIB est calculé après application du déflateur), soit s’endetter.
Dans le dernier cas, on recommence une boucle, on a soit un effet d’éviction (autrement dit moins de crédit disponible pour le secteur privé), soit une hausse de l’inflation (si ce crédit est financé par la création monétaire), soit un accroissement du déficit commercial (si le crédit augmente plus vite que l’épargne et qu’on a pas recours à la création monétaire, on doit importer des ressources de l’étranger, or le déficit commercial est déduit du PIB).
Lorsque les gens parlent du PIB comme d’une somme de dépenses, ils oublient qu’à la fin de l’équation vous avez également le solde de la balance commercial, or si la demande agrégée est supérieure à la production, vous avez un déficit commercial. Par conséquent le PIB mesure en fait la production (d’ailleurs l’une des formules consiste à additionner les dépenses ajusté de la balance commerciale, mais d’autres méthodes sont basées sur la production, et par définition il s’agit de la somme des valeurs ajoutées).
Je suis désolé, Sébastien, mais je ne comprends pas votre raisonnement :
En effet, le PIB, c’est la somme des valeurs ajoutés.
Si des entreprises industrielles privées du secteur militaire ont une forte augmentation de leurs revenus par addition des commandes de l’état, il s’agit bien d’une augmentation du PIB liée directement à de la dépense publique !
Je ne vois pas de retraitement possible à ce niveau…
Par ailleurs, vous oubliez une chose dans votre deuxième boucle, c’est que la dette peut être épongée par un surcroit de dette 🙂