La politique est une activité gagnant-perdant : elle consiste à prendre de l’argent sans contrepartie équitable. Seul l’intermédiaire s’enrichit mais il y a des exceptions…
Nous faisons un petit tour de l’Irlande, histoire de découvrir le pays. L’une de nos premières étapes a été Lissadell House, dans le comté de Sligo… où nous avons appris qu’une grande famille pouvait causer sa propre ruine.
Les Anglais achevèrent leur reconquête de l’Irlande au début du XVIIème siècle, et divisèrent ensuite le pays en vastes plantations.
En 1622, Paul Gore, un commandeur anglais, s’est vu attribuer une vaste étendue de terres au nord de l’île, dans le comté de Donegal, d’où vient la famille de votre correspondant.
En 1900, Sir Henry William Gore-Booth était l’un des hommes les plus riches d’Irlande, avec 32 000 acres de terrain.
Mais la roue tourne… et la fortune aussi. Au début du XXème siècle, les Anglo-Irlandais perdaient leur emprise sur l’Irlande… tandis que la famille de Sir Henry perdait le contact avec la réalité.
Le dangereux carrefour entre la politique et l’argent
Ces derniers temps, nous examinons le croisement entre la politique et l’argent. Il est dangereux… et les accidents y sont fréquents.
Le plus souvent, prêter attention à la politique est une erreur. La politique est une activité gagnant-perdant, tandis que l’argent est principalement gagnant-gagnant.
Dans le monde moderne, c’est le travail qui rapporte, non la guerre. On gagne de l’argent en offrant quelque chose aux autres. Votre temps, votre attention, votre épargne, vos inventions ou vos innovations — généralement, plus vous donnez, plus vous recevez.
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Se mêler de politique, généralement, finit en distractions et tromperies : plus vous forcez les autres à donner avec un canon braqué sur la tempe, moins vous avez à donner en retour.
La politique ne crée pas de richesse. Elle ne fait que la « redistribuer » — de ceux qui la gagnent vers ceux qui s’accaparent le butin ainsi volé.
Au bas de l’échelle, les programmes sociaux redistribuent des quantités minimales. Les zombies obtiennent assez pour vivre… mais guère plus.
Au sommet, quelques compères s’enrichissent grâce aux escroqueries fédérales — mais ils ne sont pas nombreux. C’est un jeu difficile, parce que vous faites concurrence à d’autres compères… souvent encore plus impitoyables que vous.
Parfois, cependant, il faut s’intéresser à la politique. Parce que, comme le disait l’activiste des droits civiques Stokely Carmichael, elle pourrait s’intéresser à vous.
Le crime peut payer
Dans la Russie de 1917, par exemple, inutile d’essayer de trouver la meilleure action boursière ou la meilleure obligation… ou de faire une bonne affaire avec cet appartement sur Nevsky Prospekt.
Des tendances macroéconomiques naissaient… des mouvements politiques hideux… qui faisaient des accords gagnant-gagnant une perte de temps. Les gains que vous étiez sur le point de faire ne tarderaient pas à être confisqués.
De même, il ne servait pas à grand chose de spéculer sur l’immobilier en front de mer à Pompéi en 79 av. J.C…. et il était parfaitement inutile de tenter de trouver le bon endroit pour votre stand de nouilles à Hiroshima en août 1945.
S’il y a effectivement un « crime oublié » derrière toute grande fortune, comme l’affirmait Balzac, celui des Anglo-Irlandais était évident : leur fortune venait de la guerre — l’accord gagnant-perdant par excellence –, achetée avec le sang de l’Irlande catholique.
Dans la cathédrale de Cashel (également sur notre route) en 1647, par exemple, les forces protestantes exterminèrent 1 000 soldats et civils. En tout, jusqu’à la moitié de la population irlandaise aurait été tuée durant les campagnes de Cromwell — plus de 600 000 morts à cause des massacres, de la maladie et de la faim.
En d’autres termes, les Anglo-Irlandais ont bel et bien volé leurs propriétés. Trois siècles plus tard, ils n’avaient pas de quoi se plaindre. Ils profitaient de leurs manoirs et de leurs grandes propriétés… mais aussi de leur statut, de leur prestige et de leur richesse… depuis le règne d’Elizabeth I.
Le crime avait payé… mais il était désormais temps de s’intéresser à la politique.
Pâques sanglantes et retour de la politique
Le soulèvement de Pâques, en 1916 — au cours duquel Constance Markievicz, l’une des filles de Lissadell House, joua un rôle important — marqua le début de la fin.
Cinq ans plus tard, l’Irlande avait pris son indépendance et la situation s’était inversée. La politique avait créé les grands domaines — à présent, la politique les démantelait grâce à un mélange d’impôts, de ventes forcées et de saisies.
Il était à peu près impossible d’entretenir ces grandes demeures sur le peu de terres qui leur restait. Beaucoup furent abandonnées et tombèrent en ruines.
Certaines furent vendues et transformées en logements, hôtels ou terrains de golfs. D’autres furent reprises par les autorités locales ou nationales.
Et tout comme la politique avait condamné le manoir de Lissadell, elle condamna la famille qui y avait vécu pendant tant d’année.
Henry Gore-Booth laissa derrière lui une bande hétéroclite — dont sa fille, Constance, qui épousa un Polonais et rejoignit plus tard les rebelles irlandais lors du soulèvement de Pâques.
Ainsi, radicalement engagée dans la politique, la famille entière sembla quitter le tableau de bord des yeux. Quelques années plus tard, elle avait foncé droit dans le mur.
Les Anglo-Irlandais — qui avait tant gagné par la conquête — avaient le sentiment qu’ils devaient se battre du côté anglais, quelle que soit la bataille. La cathédrale St Patrick à Dublin, par exemple, regorge de monuments aux soldats qui sont morts en Inde, en Afrique du Sud et en Amérique.
Se battre pour les Anglais n’avait aucun sens pour les Irlandais… mais pour les Anglo-Irlandais, c’était une question de fierté et d’habitude. Durant la Deuxième guerre mondiale, l’Irlande resta neutre — mais les Gore-Booth et le reste de l’aristocratie terrienne Anglo-Irlandaise envoyèrent quand même leurs jeunes gens au front.
Lissadell y perdit deux de ses fils. Un autre revint brisé. A cette époque, la famille était remplie d’activistes, de poètes, d’excentriques, de bonnes âmes et d’artistes. Mais il n’y avait personne qui puisse entretenir la maison… et les liens familiaux.
En 2004, la famille mit la maison en vente ; elle termina entre les mains d’un charmant couple de Dublin, qui l’a ouverte au public, passe son temps à réparer des fenêtres et planter des légumes.
A présent, les petites gens d’Irlande — qui autrefois coupaient du bois et portaient des plateaux dans la grande maison — s’y promènent, à six euros le ticket, et ouvrent de grands yeux devant les anciennes conditions de vie de la classe dirigeante.