** Tout un symbole ! A 17h29 vendredi, il ne manquait qu’un tout petit point d’indice au CAC 40 (5 523,6) pour ne pas terminer la semaine sur un score globalement négatif… Mais les opérateurs n’ont pas su profiter du fixing pour donner ce minuscule coup de pouce qui aurait évité de terminer sur une performance hebdomadaire de -0,01%.
Le SBF 120 (-0,84% vendredi dernier) ne s’en tire pas mieux et affiche -0,35% d’un vendredi sur l’autre. Les valeurs moyennes du SBF 80 ont connu une véritable débâcle jeudi et vendredi (chutant de 1,85% à deux reprises), ce qui se traduit par une correction de 2,65% (après -4,15% la semaine précédente).
Le SBF 80 enfonce ainsi ses planchers de la mi-septembre et se retrouve à 2% de son plancher annuel de clôture du 16 août dernier.
Il est difficile de nier que tout se passe comme si une rotation sectorielle s’exerçait au détriment des mid caps — jugées plus vulnérables à un ralentissement conjoncturel en Europe — que les blue chips du CAC 40 qui surfent sur la croissance mondiale.
Mais cette dernière risque d’être affectée à son tour par la crise du subprime, même si la consommation des ménages américains se maintient à un bon niveau, à moins d’une semaine de la célébration de Thanksgiving.
** Jeudi dernier, Wall Street avait clairement pâti des incertitudes concernant la croissance américaine et les questionnements au sujet de la santé des établissements de crédit américains n’ont pas arrangé les choses…
Une inquiétude alimentée par les commentaires très alarmistes de Mellon Bank, qui compare la crise de l’immobilier actuelle à 1929. Quant à Goldman-Sachs, il évoque des retombées négatives de « grande ampleur » de la crise immobilière sur l’économie américaine et l’activité des banques du pays.
Connaîtraient-elles collectivement de sérieuses difficultés de trésorerie à six semaines de la fin de l’année fiscale ? C’est ce que semble induire l’injection massive de 47,25 milliards de dollars de liquidités opérée jeudi par la Fed, soit trois fois le montant moyen pour ce genre d’opération. Qui a eu besoin d’autant d’argent dans l’urgence et surtout, pourquoi ?
** Les chiffres macro-économiques publiés la semaine dernière aux Etats-Unis n’ont pas détendu l’atmosphère, puisque la production industrielle en octobre reculait de 0,5% (au lieu de +0,1% anticipé). D’autre part, la balance des capitaux n’enregistre aucune embellie après les 150 milliards de dollars qui avaient quitté le sol américain au mois d’août (chiffres officiels publiés par le département du Trésor).
Un rééquilibrage était attendu (60 milliards de dollars) mais les étrangers continuent de se détourner des actifs libellés en dollar. Le mois de septembre se solde par 14,7 milliards de dollars de sorties de capitaux supplémentaires. Quant à la Chine, elle a réduit de quatre milliards de dollars son exposition sur les T-Bonds américains.
Mais vendredi, Wall Street s’est ressaisi en fin d’après-midi après que le Dow Jones a de nouveau tutoyé le seuil psychologique des 13 000 points en début de séance. Le Nasdaq 100, lui, au bout d’un quart d’heure de cotation, a effectué un passage en rase-motte au-dessus des 2 000 points.
A la mi-séance, le tableau avait bien changé puisque le Dow Jones affichait 0,6% à 13 200 points tandis que le Nasdaq Composite se redressait de 0,5%.
** Deux membres de la Fed se sont exprimés pour avertir les marchés que, de leur point de vue, les taux directeurs n’avaient pas besoin d’être modifiés et ne le seraient que si l’économie américaine véhiculait des signes de ralentissement beaucoup plus brutaux que ceux décelables cet automne. De surcroît, le renforcement des pressions inflationnistes ne se prête guère à un nouvel assouplissement monétaire d’ici trois semaines.
Le dollar en a profité dans un premier temps pour rétrograder sous les 111,3 yen mais il est rapidement retombé sous les 110,80 puis les 1,4660 euro.
** En fin de journée, le baril de pétrole est brusquement remonté au contact des 94 $ alors que l’OPEP a fait savoir qu’elle se montrerait réticente à ouvrir davantage les vannes pour des raisons écologiques.
L’OPEP — qui a réuni les chefs des Etats membres samedi à Ryad — affecte de se préoccuper des conséquences écologiques de la combustion du précieux liquide dans les centrales thermiques. Et pendant ce temps, la Chine inaugure chaque semaine une nouvelle unité fonctionnant au charbon,ce qui s’avère largement plus polluant en terme de rejet de CO2 !
Mais notre étonnement provient de la passivité des pays développés, tant au niveau de la neutralisation des émissions de gaz à effet de serre que du développement de carburants alternatifs, moins nuisibles à l’environnement. Malgré l’échec du protocole de Kyoto — torpillé par le cartel pétrolier qui avait financé la campagne de Georges W. Bush –, la plupart des experts affirmaient que le franchissement durable du cap des 50 $ le baril provoquerait une révolution comportementale. Selon eux, cette révolution allait se traduire par le biais d’une ponction devenant rapidement intolérable en termes de pouvoir d’achat pour des populations grandes consommatrices d’énergie.
L’or noir a triplé de valeur en trois ans, quintuplé en cinq et les 50 $ ne sont plus désormais qu’un lointain souvenir… Mais à part quelques éoliennes disgracieuses supplémentaires dans les pays nordiques et des biocarburants qui créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent — surtout ceux extraits du maïs –, les pays développés n’ont pris aucune mesure stratégique, de type Airbus ou « plan atome », pour épargner aux pays producteurs de pétrole l’épuisement de leurs ressources.
** L’Amérique ne craint pas non plus d’épuiser leur patience en sabotant le dollar. L’Iran presse l’Arabie Saoudite de faire pression sur Washington pour obtenir la stabilisation de la valeur du billet vert ou, le cas échéant, de changer de devise de référence. Mais Ryad ne veut pas prendre le risque d’évoquer le problème au moment où les détenteurs de réserves en dollars n’attendent qu’un signe d’impuissance (ou de refus) des Etats-Unis pour liquider massivement leurs positions.
Une des réalités bien cynique d’une époque qui ne l’est pas moins, c’est que la consommation effrénée de pétrole (et de ses dérivés) constitue une mine d’or pour les gouvernements occidentaux. En France, la taxe sur les carburants (ou TIPP) rapporte autant que l’impôt sur le revenu. Aux Etats Unis, cela enrichit les majors et les marchands d’armes. Alan Greenspan reconnaît lui-même que l’invasion de l’Irak avait comme principal motif la prise de contrôle du pétrole le moins cher du monde (en terme de coût d’extraction).
Et combien a coûté l’aventure irakienne au contribuable américain ? Plus de 1 000 milliards de dollars en quatre ans (ou bientôt cinq ans en comptant les préparatifs). La « sécurisation » de l’Afghanistan est estimée à 500 milliards de dollars. Cela représente une facture de 5 000 dollars par citoyen américain, plus de 20 000 dollars par famille… De quoi faire quelques pleins à la pompe de son quartier et remplir plusieurs fois sa cuve de fioul pour l’hiver !
** Mais il est grand temps d’oublier ces sombres considérations car le rush de Thanksgiving se profile. L’orgie de consommation annuelle requiert une contribution positive de Wall Street durant cette semaine décisive pour la grande distribution et le commerce de détail.
Il serait du plus mauvais effet de voir les indices américains dévisser comme ils l’avaient fait en début de semaine dernière. Nous parions donc sur un sursaut du Dow Jones et du Nasdaq au cours des prochaines heures… sursaut qui sera probablement le dernier cette année.
En ce qui concerne les opérations d’habillage des bilans, nous pressentons que la mode sera à la sobriété et au dépouillement (dans tous les sens du terme !) en cette fin d’année 2007…
Philippe Béchade
Paris