** Le président français était à Washington la semaine dernière, s’exprimant en français devant le Congrès US et demandant aux Etats-Unis d’arrêter de dévaluer le dollar — dévaluation qui risque de précipiter une crise financière mondiale.
* Oh là là… c’est comme au bon vieux temps…
* Le dollar ne peut pas rester le problème des autres, déclarait en substance Nicolas Sarkozy devant le Congrès mercredi dernier, reprenant peut-être la plaisanterie de John Connally, secrétaire au Trésor US de Richard Nixon au début des années 70.
* Connally avait déclaré que le dollar était la devise des Etats-Unis, mais "votre problème". Au contraire, a déclaré notre président cette semaine.
* Si nous ne faisons pas preuve de prudence, a-t-il continué, la débâcle monétaire pourrait se transformer en guerre économique. Nous en serions tous les victimes.
** Oh là là, bis ! Les remarques de Sarkozy rappellent celles d’un précédent président français, Charles de Gaulle.
* "Ce que [les Etats-Unis] doivent [à l’étranger], ils le lui paient, tout au moins en partie, avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre…", a grondé De Gaulle durant une conférence de presse qui ferait date, en février 1965. "Cette facilité unilatérale qui est attribuée à l’Amérique contribue à faire s’estomper l’idée que le dollar est signe impartial et international des échanges, alors qu’il est un moyen de crédit approprié à un Etat".
* Mais De Gaulle a fait bien plus que grommeler et se plaindre. Contrairement à Nicolas Sarkozy, il a eu la possibilité d’échanger ses dollars contre un actif bien réel et tangible — l’or physique.
* L’or "ne change pas de nature", affirma De Gaulle dans son discours de 1965, comme s’il annonçait au monde une nouvelle inédite. "[L’or] qui se met, indifféremment, en barres, en lingots ou en pièces, qui n’a pas de nationalité, qui est tenu, éternellement et universellement, comma la valeur inaltérable et fiduciaire par excellence".
* Comment obtenir ce parangon des actifs ? Dans les années 50 et 60, les gouvernements de la planète pouvaient simplement venir à la Réserve fédérale, toquer à la "fenêtre de l’or" et échanger leurs dollars contre du métal jaune.
* Et c’est bien ce qu’a fait De Gaulle.
* Dès 1958, il a ordonné à la Banque de France d’accélérer le rythme auquel elle transformait ses réserves de nouveaux dollars en or physique. Rien qu’en 1965, il a envoyé la Marine française de l’autre côté de l’Atlantique pour emporter 150 millions de dollars en or ; en 1967, les proportions des réserves nationales françaises détenues en or étaient passées de 71,4% à 91,9%. La moyenne européenne n’était qu’à 78,1% à l’époque.
* En 1968, De Gaulle s’était retiré du Gold Pool de Londres — un cartel gouvernemental qui travaillait activement à contrôler le prix de l’or, pour le maintenir en ligne avec les 35 $/once ordonnés par le gouvernement US. Trois ans plus tard, alors que l’or était transporté par voie aérienne depuis Fort Knox vers New York pour répondre à la demande étrangère de paiement en or, Richard Nixon mit fin au petit jeu de De Gaulle. Il cessa purement et simplement de payer en or.
* De Gaulle appela le dollar "le privilège exorbitant de l’Amérique", reprenant une phrase de son économiste préféré, Jacques Rueff. Ce privilège donnait aux Etats-Unis le droit exclusif d’imprimer le dollar, la "devise de réserve" de la planète, et de l’imposer au reste du monde en paiement de leurs dettes. Selon les accords d’après-guerre de Bretton Woods, en 1946, le dollar ne pouvait pas être refusé.
* En fait, aux côtés de l’or — contre lequel le dollar était parfaitement interchangeable jusqu’en 1971 — la devise US était du véritable argent, quelque chose de solide. Tout le reste pâlissait, à côté du dollar impérial. Tout, sauf l’or.
* Et qu’en est-il aujourd’hui ? C’est ce que nous verrons au prochain numéro…