L’or baisse en dollar… et alors ?

▪ C’est la canicule, dit-on. Personnellement, je n’en sais rien : je suis bien au frais dans mon bunker avec de l’or et de l’eau fraîche. Je ne veux voir personne et surtout aucun touriste en tongs et bermuda. Je n’ai rien contre les touristes, ni contre les tongs, ni contre les bermudas, notez bien. Mais j’ai envie de calme.

Toc, toc, toc !
– Quoi ?
– Madame Michu ?
– Oui, quoi ?
– Vous avez vu, l’or, c’est horrible…
– Comment ça horrible ?
– Eh bien, il coule.
– Evidemment, qu’il coule, l’or. Il est plus lourd que l’eau. L’or coule, le papier flotte tout au moins tant qu’il n’est pas imbibé d’eau. Demandez à Archimède, il a très bien décrit le truc.
– Mais non, ce n’est pas ça, l’or baisse, il cote 1 100 $ l’once.
– 1 100 quoi ?
– Dollars, Madame Michu, dollars !
– Et alors ?

Lorsque l’or cotait 1 800 $, 1 500 $, 1 200 $… vous disiez d’acheter de l’or et il baisse !

– Mais comment, et alors ? Lorsque l’or cotait 1 800 $, 1 500 $, 1 200 $… vous disiez d’acheter de l’or et il baisse ! Enfin, c’est n’importe quoi, vous prétendez vendre des conseils financiers, non ?
– Oui.
– Et alors, je fais quoi avec mon or ?
– Vous en faites ce que vous voulez, il est à vous. Ce n’est pas mon problème.
– Mais enfin, j’ai acheté de l’or sur vos conseils, je perds de l’argent et vous me dites que ce n’est pas votre problème. Vous ne manquez pas d’air !
– Non. Je ne manque pas d’air, mon bunker est bien ventilé. Mais pourquoi venez-vous gémir à ma porte blindée ? Je ne vous ai jamais dit d’acheter de l’or pour avoir plus de dollars ou d’euros ou de papier. Lorsque je vous disais d’acheter de l’or à 500 $, 600 $, 800 $, 1 000 $ et que par la suite il a coté 1 900 $ vous n’êtes pas venu frapper à la porte de mon bunker un jour de canicule en tongs et en bermuda pour me dire : ‘youpiii, l’or s’envole’… D’ailleurs l’or ne s’envole pas. Voyez avec Newton, il a bien décrit le phénomène.

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Je vous ai conseillé d’avoir de l’or (ou de l’argent) parce que vous avez ainsi une monnaie qui ne dépend de personne pour exister et que tout le monde connaît et reconnaît. Comme cette monnaie ne dépend de personne — et surtout d’aucun gouvernement ou banquier central –, on se moque de combien de papier elle vaut, de la couleur du papier, du signe qui figure sur le papier ou même de la signature du banquier central.

▪ Quelle est alors l’utilité de cette monnaie qu’est l’or ?
C’est très simple : si les bouts de papier de toutes les couleurs sont détruits, ou si pfffuiiiiiiiitttttt le solde "créditeur" de votre compte en banque s’évapore, votre or sera là. Ni coulé, ni envolé. Ni plus lourd, ni plus léger. Ni plus brillant, ni plus terne. Simplement là, comme hier, comme demain.

Mieux encore, vous risquez de trouver quelqu’un qui sera prêt à vous l’échanger contre beaucoup de choses aussi concrètes que l’or mais très utiles. Bon évidemment, vous ne pourrez pas vous acheter des amis sur Facebook, de l’amour ou des enfants dociles et aimants mais ce n’est pas le propos.

Il est possible que les bouts de papier ou le chiffre gravé dans la mémoire d’un ordinateur — bref, ce que vous appelez votre argent — disparaisse un jour et sans votre consentement

Mon propos est qu’il est possible que les bouts de papier ou le chiffre gravé dans la mémoire d’un ordinateur — bref, ce que vous appelez votre argent — disparaisse un jour et sans votre consentement.

Parce que voyez-vous, ceux qui manipulent la monnaie sont insolvables. Ils n’ont pas une simple fin de mois difficile à passer, non ; ils ont vraiment un gros problème financier. Prenons la Grèce : pensez-vous qu’il soit normal de prêter avec intérêt à un pays ce que nous n’avons pas et dont nous manquons cruellement ? Prenons la France : pensez-vous qu’il soit normal que nous empruntions depuis plus de quarante ans pour financer notre merveilleux système social ? Trouvez-vous décent qu’un tiers des revenus des gens proviennent de la "redistribution" et qu’une bonne partie en soit achetée à crédit ?

Les Etats sont insolvables mais ils ne peuvent faire défaut car le modèle d’Etat-Providence sauterait et ce serait la guerre civile ; ils ne peuvent revenir en arrière et supprimer des avantages (mal) acquis car c’est l’austérité et la population ne le supporte pas. Alors les banquiers centraux fabriquent de la monnaie pour faire croire que tout va bien. Ils s’évertuent à créer de l’inflation qui rongerait la dette mais n’y arrivent pas.

Faute d’inflation, il va falloir transformer la dette publique à taux déjà très bas en dette perpétuelle à taux quasi-nul. Le prêteur ne revoit plus jamais son capital et ne perçoit plus d’intérêts décents. C’est ce qu’on fait pour la Grèce et bientôt pour les autres pays buveurs de vin. Qui voudra acheter de la dette publique dont le principal ne sera jamais remboursé et qui ne rapporte rien ? Hein, qui ? Personne, dites-vous ? Hahahahahahaha, pauvre naïf ! Les acheteurs forcés seront tous ceux qui ont des comptes en banque, de l’épargne liquide, des assurances-vie. Ils l’achèteront car ils y seront contraints, obligés, taxés.

Il faudra bien que la grande réconciliation entre le crédit et l’épargne, entre la dette publique et les impôts ait lieu.

Quand cette grande réconciliation se produira-t-elle ? Je n’en ai aucune idée, mais il y aura un signe juste avant : l’or vaudra beaucoup, beaucoup de bouts de papier. Et vous ne viendrez pas me déranger dans mon bunker. Mon eau fraîche ne sera pas à vendre. Quant à mon or, après le jour de la grande réconciliation, s’il m’en reste assez, il faudra en discuter…
[NDLR : Plus de conseils percutants et de points de vue lucides sur l’état de notre économie ? C’est par ici…]