▪ Les banques vont bien, nous nageons dans la confiance et le bonheur. Rassurez-vous, les tests — que vous avez payés — montrent qu’il n’y a aucun danger dans le système financier. Vous avez payé le millier de fonctionnaires qu’a recruté fin 2013 la Banque centrale européenne pour cette "revue de qualité des actifs". Vous avez payé les employés de votre banque qui ont dû répondre aux questions pressantes, pointues et précises rédigées par ces nouvelles recrues et adressées par leur autorité de tutelle. Vous paierez si votre banque doit être renflouée malgré les efforts louables de Mario Draghi, grand magicien de la BCE, qui a promis de racheter quoiqu’il arrive toutes les créances pourries et même plus si affinités.
Tout va bien.
Pourtant, moi, misérable vermisseau ignorant du monde mystérieux de la finance moderne, je me dis qu’il existait un moyen plus simple et donc beaucoup moins coûteux de contrôler la santé des banques ; une façon qui évitait d’employer des bataillons de braves gens à éplucher des formulaires ou à répondre à des questions subtiles telle que "pensez-vous que cette créance immobilière pour laquelle votre emprunteur radié des listes du chômage n’a pas payé ses dernières trente-six mensualités est : 1) certainement recouvrable, 2) probablement recouvrable, 3) couverte par la valeur de l’actif immobilier dont le prix n’a chuté que de 35% dans les douze derniers mois ? Si vous avez coché la case 2, à combien estimez-vous la probabilité 90%, 80%, 70% et quel est votre modèle interne de calcul des risques ?"
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Quand on se fait confiance, entre gens qualifiés et de qualité, on se prête sans broncher, presque les yeux fermés |
J’avais un autre plan, mais personne au sein de l’establishment politico-financier ne me demande jamais mon avis bien que mon degré d’incompétence soit tout à fait honorable comparé à celui de nombreux experts régulièrement sollicités. Ce moyen simple et économe de l’argent du contribuable consiste à regarder les évolutions des prêts interbancaires. Car si tout va bien… il n’y a aucune raison pour que des banques très solides ne se fassent pas confiance entre elles. Et quand on se fait confiance, entre gens qualifiés et de qualité, on se prête sans broncher, presque les yeux fermés.
Donc, suivez-moi bien dans mon subtilissime raisonnement, cher lecteur dont je connais la profonde sagacité : si le marché interbancaire est florissant tout va bien et inversement, s’il cafouille, s’il s’assèche, s’il se tarit, c’est qu’il y a anguille sous roche. La banque A ne fait pas suffisamment confiance à la banque B pour lui prêter son pauvre petit argent excédentaire. Elle préfère donc le mettre bien au chaud tous les soirs dans la banque des banques, la BCE et ceci même si ça ne lui rapporte rien ou même si le gardien de nuit de Mario Draghi lui demande une petite pièce pour surveiller son dépôt.
▪ Il suffit de savoir où regarder
Figurez-vous que très complaisamment, les ordinateurs de notre bon Mario Draghi nous donnent ces informations lumineuses et transparentes sur le site de la Banque centrale européenne et ce depuis sa création. C’est gratuit, là, à portée d’oeil !
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Mais, ô surprise pour celui qui a le courage de s’immerger dans le marigot des liquidités de la BCE, il constate qu’il y a une grosse anguille sous roche…
Les banques ne se prêtent toujours pas entre elles !
Les banques empruntent auprès de la BCE car elles ne trouvent personne d’autre à qui emprunter |
Oui, les chiffres disponibles démentent la "revue de qualité des actifs" et le travail de fourmi d’un millier de merveilleux fonctionnaires internationaux hautement qualifiés. Alors que les banques empruntent 499 milliards d’euros à la BCE, elles y déposent 214 milliards. Donc, les banques empruntent auprès de la BCE car elles ne trouvent personne d’autre à qui emprunter. Et lorsqu’elles ont trop de cash, elles ne le prêtent surtout pas aux autres banques (qui d’ailleurs ne leur prêtent pas non plus) : elles le parquent à la BCE.
Pour fixer les idées, avant la crise, les dépôts à la BCE tournaient entre 20 et 40 milliards d’euros. Ils ont culminé à 340 milliards d’euros lors de la faillite de Lehman Brothers. Evidemment, les prêts octroyés par la BCE étaient alors rarissimes.
Si les banques ne se font pas confiance entre elles, pourquoi devrions-nous leur faire confiance ?
Quand les gens vont-ils se lasser d’avaler des couleuvres et réaliser qu’un système fou n’est ni contrôlable ni régulable ? Vous pouvez mettre un fonctionnaire derrière chaque guichetier de banque, l’économie de la dette et du crédit adossé à la planche à billets ne créera pas de vrai travail.
Mais nous avons recruté 1 000 fonctionnaires internationaux qui ne paient pas d’impôts… On n’arrête pas le progrès.