▪ Dans la vie, il y a des risques qu’on ne prend que parce qu’on ne les mesure pas. Si on les connaissait, si on avait une expérience en la matière, si on était conscient des conséquences de l’échec ou de la probabilité de réussite, on ne tenterait même pas sa chance.
Jules César n’aurait jamais traversé le Rubicon s’il avait su que Brutus possédait un poignard. L’actrice Norma Jean Mortenson ne serait sans doute jamais devenue Marilyn Monroe si elle avait su qu’elle serait enfermée de ce fait dans le rôle de la blonde voluptueuse, séductrice et écervelée. On ne peut contrôler ce que les autres pensent de soi et c’est pourquoi la réputation est une chose si surfaite.
Mais si on ne veut pas prendre de risques dans la vie, cela ne vaut pas la peine de se lever le matin |
Mais si on ne veut pas prendre de risques dans la vie, cela ne vaut pas la peine de se lever le matin. Dum vivimus vivamus. Tant que nous vivons, vivons. Et dans cet esprit, je salue le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Tant qu’il vit, il imprimera. Par ignorance !
La réunion très attendue du comité de la BCE n’a pas déçu. Draghi a déclaré :
"Plus [une inflation très basse] dure longtemps, plus le risque est élevé… C’est à cela que nous réagissons".
Et il a réagi. Depuis le 11 juin, le taux des réserves bancaires détenues en dépôt à la BCE est devenu négatif, à 0,10%. Si les banques ne prêtent plus d’argent pour lutter contre la déflation, la BCE leur fait payer la détention de liquidités.
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Ce n’est pas tout. La BCE a promis de mettre à disposition pour 545 milliards de dollars de prêts aux banques européennes, à condition que ces banques jouent le jeu et se remettent à prêter. C’est une autre opération de refinancement long terme. La maturité des prêts promis est de quatre ans. Cela est censé donner aux banques européennes suffisamment de temps pour relancer la croissance économique sans avoir à refinancer leurs dettes.
▪ Deux réalités différentes…
On pourrait se perdre dans les détails de cette politique. Mais concentrons-nous sur la réalité, ou plutôt sur les réalités (parce qu’il y en a deux). D’abord, le manque de croissance en Europe (l’inflation en mai était de seulement 0,5%) est démographique et historique.
Aujourd’hui, avec des taux d’intérêt proches de zéro, l’Europe est devenue le Japon. Et nous avons vu comment les taux d’intérêt nuls ont bien fonctionné pour la croissance japonaise. Cette politique est aussi efficace que planter un clou avec un doigt.
Les intérêts négatifs sur les réserves détenues à la BCE devraient faire monter le prix des actions européennes |
L’autre réalité — et c’est celle-ci dont les investisseurs peuvent tirer bénéfice s’ils souhaitent devenir des spéculateurs — est que les intérêts négatifs sur les réserves détenues à la BCE devraient faire monter le prix des actions européennes. Il suffit de regarder ce qui se passe. Les banques ne prêteront pas à des entreprises qui n’existent pas ou à des consommateurs qui n’empruntent pas. Elles spéculeront sur les actions.
Rationnellement parlant, c’est la chose la plus sensée à faire. Pourquoi payer un intérêt pour détenir du cash alors qu’on peut bénéficier d’un rally des actions qui s’autoréalise ? De plus, investir dans des actions donne droit au moins aux bénéfices générés par une entreprise réelle. C’est autre chose que de parier sa retraite sur un revenu qui repose sur la confiance et le crédit d’un Etat souverain (obligations).
▪ … et deux mondes différents
Lorsqu’on compare l’annonce de la BCE avec l’accord gazier de 400 milliards de dollars entre la Russie et la Chine annoncé la semaine dernière, on est dans deux mondes différents. L’Europe et l’Amérique sont des régions à faible croissance. Les marchés émergents connaissent une croissance beaucoup plus rapide que le monde développé.
L’Occident est encore riche. Mais de plus en plus, son contrôle du système financier mondial est son principal pouvoir économique. Les pays en voie de développement — Russie, Chine, Inde, Brésil, Indonésie, etc.– ne veulent pas faire partie d’un système où les Etats-Unis restent puissants parce que tout le monde est obligé d’utiliser le dollar américain pour faire des affaires (par manque d’une meilleure alternative).
Lorsqu’une croyance irrationnelle devient assez certaine pour devenir une opinion populaire, vous savez qu’elle a atteint l’apogée de sa crédibilité. La même dynamique prévaut sur les marchés boursiers. La plupart des investisseurs achètent des actions seulement après qu’elles ont atteint de nouveaux plus hauts. Ils attendent une preuve sociale, une confirmation du prix. C’est une erreur.