▪ Les indices boursiers avaient ouvert au plus haut du jour hier (+0,9%)… mais ils ont clôturé au plus bas ou pratiquement. L’Euro-Stoxx 50 plonge de 1,2% dans le sillage de Madrid (-2,6%), Milan (-1,9%) et surtout Dublin (-1,5%) — malgré le plan de sauvetage de 90 milliards d’euros dont devrait bénéficier l’Irlande.
Les premiers versements sont attendus début 2011. Cependant, les Irlandais sont déjà partagés entre laisser libre cours à leur colère contre le gouvernement… ou tout faire pour obtenir le rejet pur et simple du refinancement et des conditions qui l’ont rendu possible. Ceci équivaudrait à une sorte de rupture avec l’Europe, sans compter le risque d’entraîner la City et toute l’Angleterre dans son naufrage.
Le clan des europhobes est à présent largement majoritaire. Ce n’est pourtant pas la faute de Bruxelles si l’Irlande s’est tiré une balle dans le pied avec le dumping fiscal (auquel elle n’a jamais accepté de renoncer, y compris le week-end dernier, quoi qu’en pense Christine Lagarde)… puis une balle dans le genou avec des banques qui ont cru que Dublin allait devenir le Dubaï (celui d’avant la faillite) de la Mer d’Irlande.
Partie sur les chapeaux de roues, la bourse de Paris chutait au final de 1,07%. Les opérateurs n’ont pas tardé à relativiser les communiqués triomphateurs de la soirée de dimanche par rapport à la lecture du plan d’hyper-austérité budgétaire auquel l’Irlande a promis de se soumettre — sous la pression de Bruxelles.
Le résultat d’une telle purge n’est nullement garanti. Le pays se prépare à effacer des décennies de progrès social au seul profit d’un trio de banques qui vont de surcroît disparaître du paysage économique sous leur forme actuelle. Il s’imposera ensuite une véritable ère glaciaire économique — le sacrifice d’une dizaine de points de PIB sur trois ans — afin de réduire son déficit de 32% à 3% du PIB.
Une des trois principales agences de notations (Moody’s) s’apprêterait malgré tout à dégrader la dette irlandaise. Chacun se demande, dans ces conditions, si le Portugal n’est pas le prochain pays sur la liste… avant que l’Espagne se retrouve à son tour sur la sellette (le plongeon de 2,6% Madrid en témoigne).
▪ Le Portugal prétend que ses problèmes n’ont rien à voir avec ceux de l’Irlande ou de la Grèce… rien n’est plus vrai. Il existe une réelle différence de nature (pas de « banques zombie » désertées en masse par les clients, pas de comptabilité nationale trafiquée par le « gouvernement Sachs »). Cependant, les besoins en capitaux — pour financer les programmes sociaux et les retraites — pourraient être du même ordre que ceux de la Grèce, c’est-à-dire supérieurs à ceux qui viennent d’être accordés à la verte Irlande.
Le prix de l’argent que veulent lui faire payer les marchés (tout près de 7% ce lundi) prouve que le motif du refinancement importe peu à partir du moment où s’installe le soupçon que le remboursement de la dette ne va pas tarder à poser problème.
Le Portugal est plombé par un endettement public de 160 milliards d’euros (soit plus de 82% du PIB) qui ne se résorbe pas, pour cause de récession tenace… une des conséquences inexorables du plan de rigueur adopté à l’automne 2009.
Si le Portugal a bouclé sans trop se ruiner son refinancement pour couvrir ses besoins en 2010, la situation risque de se compliquer très fortement en 2011. En effet, 25,6 milliards d’euros de dettes arrivent à échéance, dont plus des deux tiers (soit 19,7 milliards d’euros) dès le premier semestre.
Afin de rassurer les éventuels bailleurs de fonds, le Parlement portugais s’apprête lui aussi à voter ce vendredi un budget d’une austérité sans précédent, cumulant baisses des salaires et hausses d’impôts pour ramener le déficit de 7,3% du PIB à 4,5% l’an prochain. Autant demander au marché de prêter à un malade qui se prépare à mourir guéri avant d’avoir pu assister aux prochaines vendanges.
▪ Mais les difficultés auxquelles se heurte le Portugal ne sont que le pâle reflet de celles qu’affronte son imposant voisin de la péninsule ibérique. Si l’Espagne n’était pas au bord de la faillite, personne ne presserait Lisbonne de faire appel au plus vite aux liquidités bon marché offertes par l’Europe et le FMI.
Toutes ces questions n’ont été évoquées que comme des ombres furtives au Salon Actionaria. Le mot d’ordre était de se focaliser sur les sujets agréables telles que les profits inespérés des multinationales (fut-ce au prix de délocalisations massives et de subventions gouvernementales non récurrentes)… ou le possible équilibre parfait entre un risque maîtrisé de déflation en Occident et une inflation-contenue dans des proportions raisonnables dans les pays émergents.
L’une des questions récurrentes parmi les visiteurs du Salon était donc la suivante : « à quand les 4 000 points » pour le CAC 40 ? Personne ne semble remettre en cause les bienfaits du « QE2 » de la Fed. La tendance haussière semble bien établie d’ici fin 2010 — et puisque tout le monde l’anticipe, nous ne terminerons pas l’année sans avoir revu les plus hauts de fin avril ou de la mi-novembre 2010.
Voilà donc bien emballée la « tarte à la crème » de novembre… mais elle précède peut-être la bûche de décembre… Oui, une belle bûche garnie de marrons — avec son cortège de plaies et de bosses — menace tous les suiveurs de tendance indifférents aux réalités du moment qui font une confiance aveugle aux marchés.
▪ Voyez comme ils se réjouissaient collectivement ce lundi matin de voir l’Irlande replonger vers le moyen âge social… puis ce Titanic rempli de mauvaises dettes bancaires foncer à pleine vapeur vers l’iceberg de la dépression économique.
Les acheteurs étaient soit heureux de penser comme tout le monde, soit de ne rien penser du tout — comme les robots qui font et défont les cours sans que personne juge jamais leur psychologie de synthèse absurde ou suicidaire.
Ces mêmes robots ont été éternellement acheteurs de France Télécom jusqu’au-delà des 200 euros… avant de passer éternellement vendeurs jusqu’à ce que le titre vaille moins de 10 euros. Ils ont aussi été éternellement acheteurs de dérivés de crédit immobilier (CDO, ABS, RMBS), « mathématiquement hyper-rentables et sans risques »…
▪ Et les voici éternellement acheteurs de valeurs « exposées aux émergents » (luxe et automobile). Comme si la Chine attendait l’arrivée des constructeurs occidentaux pour permettre à ses citoyens de connaître la joie des bouchons interminables — le centre de Pékin est saturé de 6h du matin à 21h le soir, malgré la construction de cinq périphériques — et du prix des carburants qui flambe à la pompe.
Nos marques françaises ne parviennent qu’à se frayer une minuscule place sur les parkings des centres commerciaux les plus huppés de Shanghai, où les Mercedes et les Porsche figurent en abondance.
Dans les avenues centrales du quartier des affaires, nulle concession Peugeot avec show-room : cela demeure le privilège de Ferrari et de Bentley… que des constructeurs locaux commencent déjà à copier pour proposer des clones intérieur cuir, commandes vocales et affichage des données sur pare-brise, à moitié prix !
Les Chinois accepteraient en revanche volontiers de construire des Mégane ou des 407 destinées au marché francophone (ce qui englobe l’Afrique), condamnant Sochaux à reconvertir son outil industriel en Musée de l’histoire de l’épopée automobile… avec un pavillon spécialement consacrée à la « croisière jaune » Paris-Pékin qui se transforme, 80 ans plus tard, en raid commercial massif Pékin-Paris.