▪ La séance de mercredi s’annonçait grise et ennuyeuse. La journée avait bien mal commencé, avec une rechute de 2,2% à Tokyo et de 1,5% à Hong Kong — sur fond de nouveaux records pour le yen face au dollar et de signaux de ralentissement économique en Chine.
Comme rien n’est jamais complètement joué d’avance, les optimistes pouvaient encore se raccrocher à l’espoir que les statistiques de la matinée comporteraient quelques aspects un peu rassurants… Cependant, tous les indicateurs macro-économiques publiés en Europe mercredi matin se sont avérés décevants ou carrément mauvais.
L’activité économique plonge en Grèce (-1,8% en données trimestrielles et -3,7% en rythme annuel)… La croissance tend vers zéro en Espagne… L’Allemagne affiche son premier recul des exportations de l’année (-1,5%)… La France creuse son déficit commercial à 4,18 milliards d’euros en juillet…
Et dans la foulée de l’enquête du Wall Street Journal publiée dimanche, Jean-Claude Trichet confirmait que de nombreuses banques (il ne précise pas lesquelles) devront augmenter leurs fonds propres — avant même de connaître précisément les ratios de solvabilité requis par le comité « Bâle III ».
Les experts de la Bundesbank estiment que les seuls établissements bancaires allemands pourraient devoir lever 100 milliards d’euros. Cela alimente les anticipations les plus folles concernant les banques espagnoles, portugaises ou irlandaises : trouver les fonds nécessaires s’avèrerait mission impossible.
▪ Nul doute que ce déferlement d’éléments positifs n’allait pas tarder à occasionner un de ces rebonds techniques dont les indices boursiers ont le secret chaque fois que le consensus baissier semble solidement installé… et nous n’avons pas été déçus.
Aux 12 coups de midi, voilà que s’amorça le retournement à la hausse tant attendu par… personne. Le rebond des indices boursiers — qui sont passés en l’espace d’une heure de -0,6% à +0,8% — a véritablement fait figure de pure aubaine, dans la mesure où les raisons d’une telle embellie échappaient à la majorité des opérateurs.
Certains ont invoqué une émission obligataire qui aurait reçu un bon accueil au Portugal. Toutefois, avec un rendement de 5% (sur une échéance assez inhabituelle de 11 ans), il n’était pas difficile d’appâter ceux qui doivent se contenter de 2,20% sur des Bunds allemands ou 2,50% sur des OAT 2020.
D’autres ont envisagé que la Fed publierait mercredi soir un Beige Book dans lequel elle entérinerait la fin du ralentissement estival tout en maintenant sa promesse d’adopter de nouvelles mesures de relance.
Il n’en a rien été, comme vous pouviez le deviner. La Fed relève au contraire une profusion de signes de ralentissement de l’activité dans tout le pays, contrairement aux périodes précédentes. Sur les 12 antennes régionales de la Banque centrale, deux seulement ont pu faire état d’une amélioration de la conjoncture.
Le principal point noir demeure l’emploi. La Fed ignorerait-elle à quel point les chiffres publiés vendredi étaient encourageants, puisque que « moins pires que prévus » ?
Comme rien ne pouvait le laisser présager, Wall Street a terminé en nette hausse. Le Nasdaq s’est adjugé +0,9%, un gain comparable aux +0,95% de l’Euro-Stoxx 50 ou aux +0,92% du CAC 40. Ce dernier a d’ailleurs refermé le gap des 3 674 points en milieu d’après-midi, puis testé les 3 685 points dans la foulée.
Les commentateurs auront bien du mal à prétendre que cette embellie résulte d’éléments d’actualité moins pires que prévus… car ce n’est à l’évidence pas le cas.
▪ La seule bonne surprise — et il est légitime de se demander si cela en est une — concerne la survie de la moribonde Anglo Irish Bank. Le gouvernement irlandais a fini par décider de recourir au procédé classique consistant à isoler les actifs de bonne qualité de la masse des créances pourries. Ces dernières seront logées dans une « banque poubelle » — une bad bank à l’image de celle créée pour solder le passif de Northern Rock ou de RBOS en Angleterre.
C’est maintenant à Bruxelles de donner ou non son aval… mais quoi qu’il arrive, l’Anglo Irish, qui fut le fer de lance de la bulle immobilière en Irlande, ne sera plus qu’une banque fantôme.
Combien d’agences seront-elles fermées ? Probablement la quasi-totalité… et la bad bank va certainement coûter aux contribuables l’équivalent des économies réalisées depuis l’instauration de la cure d’austérité en 2009.
Tant de sacrifices consentis pour un épilogue aussi calamiteux… Nous comprenons ceux qui souhaitaient une mise en faillite immédiate suivie d’un démantèlement pur et simple ! Mais attendez… qui sont ces créanciers auxquels il serait demandé de tirer un trait sur 10 milliards d’euros (dans le meilleur des cas) ?
Ils ne sont certainement pas du genre à se laisser tondre comme de vulgaires contribuables ! Ne cherchez pas plus loin pourquoi il a été décidé en haut lieu que ce cadavre bancaire devrait conserver l’apparence de la vie, y compris en l’immergeant dans un bain de formol, aux frais de la princesse.
▪ Alors oui, de ce point de vue, nous comprenons qu’une certaine catégorie d’investisseurs se soit sentie rassurée ce mercredi, voire qu’il leur soit poussé des ailes. Il est clair que quels que soient les risques pris ou les erreurs commises, aucun gouvernement ne se risque plus à infliger aux grosses banques incompétentes et arrogantes la faillite qu’elles méritent
Il fallait vraiment que « Hank » Paulson haïsse à ce point son rival Richard Fuld pour que la Fed signe l’arrêt de mort de Lehman il y a pratiquement deux ans jour pour jour !