▪ L’être humain déteste le changement.
Il me semble qu’un des principaux moteurs du progrès vise à un but majeur : empêcher les changements de s’accomplir : la médecine pour rester éternellement en bonne santé dans un corps jeune… les technologies pour communiquer avec le monde sans changer d’endroit…
A l’échelle individuelle, c’est déjà assez marqué. Et lorsqu’on passe à l’échelle mondiale — les structures économiques, financières et géopolitiques ou les gouvernements — cette phobie de l’inconnu atteint des sommets.
Normal, me direz-vous : entre la difficulté de maintenir l’équilibre de systèmes complexes (gérer une famille est déjà difficile, alors gérer un pays !) et les intérêts personnels de nos dirigeants — dont la carrière dépend de leur réélection –, pas étonnant qu’on s’effraie du moindre frémissement annonciateur d’une évolution.
Mais — pour reprendre une analogie chère à Bill Bonner — les systèmes économiques sont un peu comme des bateaux ; à force de ne pas bouger, ils s’encrassent. Des coquillages viennent se fixer sur la coque. Le sel et le calcaire attaquent et encroûtent les mécanismes. Des algues poussent sur l’hélice. Et en quelques décennies, le fier vaisseau est parfaitement paralysé.
Nous en sommes là actuellement. Bill le disait lui-même : "les paniers percés insistent sur le fait qu’il faut plus de dépenses pour protéger le système. Les fourmis affirment, au contraire, que c’est en les réduisant qu’on le préservera. Aucun ne doute que le système vaille la peine d’être sauvé".
Bill s’expliquait plus en détail avec un exemple concret — la crise du Japon dans les années 80 :
"’La situation aurait été pire si les autorités japonaises n’avaient pas agi’, disent les néo-keynésiens.
"Comment le savent-ils — voilà qui reste un mystère. Il s’avère qu’au final, en termes de richesse nominale, les investisseurs japonais ont perdu l’équivalent de trois années entières de PIB. Et l’économie nippone, aujourd’hui, ne s’est pas développée depuis 17 ans, pas plus qu’elle n’a créé un seul nouvel emploi".
"La dette n’a pas été réduite non plus. Au lieu de permettre au secteur privé de détruire et rembourser sa dette, le secteur public a lutté… empruntant lourdement pour essayer de déclencher une reprise. Résultat : pas de reprise… et presque exactement la même quantité de dette. Et tandis que le secteur privé remboursait sa dette, le secteur public a pris le relais de l’emprunt. A présent, c’est le gouvernement qui doit de l’argent un peu partout".
▪ La situation est désormais la même pour les Etats-Unis… et cette semaine, les choses ont pris un tour décidément inquiétant, comme l’expliquait Jérôme Revillier, analyste en chef du service FxProfitTrader, il y a quelques jours dans L’Edito Matières Premières & Devises :
"Le billet vert n’est plus un refuge. Et l’euro ne monte pas uniquement grâce au retour de l’appétit pour le risque".
"Il semble que la mentalité des citoyens américains ait changé ; pénalisant inéluctablement le mode de consommation et de croissance outre-Atlantique. Les Américains qui le peuvent épargnent, c’est nouveau et c’est très inquiétant. 70% du PIB américain venant de la consommation"…
"Si les plus gros consommateurs de la planète se mettent à épargner alors même qu’ils gagnent moins, l’impact sur la croissance américaine, et mondiale par ricochet, va être démultiplié".
"Ajoutez à cela, que bon nombre de ces anciens consommateurs sont maintenant au chômage et doivent rembourser des prêts bien trop gros pour eux. Vous avez ici à la fois un problème de consommation immédiat, et un problème de croissance future, car ceux-là ne peuvent pas encore épargner aujourd’hui et ne pourront donc pas alimenter le monstre économique dans les années futures".
A force d’imposer des contraintes pour éviter le changement… c’est le changement qui finit par s’imposer — et c’est généralement peu plaisant !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora