▪ La dépression se porte bien !
Les chiffres du chômage US ont été annoncés ; ils sont plus hauts que prévus.
Et les ventes de maisons neuves, en janvier, étaient à leur plus bas niveau. Les experts se sont empressés d’accuser la neige. Mais les ventes étaient en baisse même dans des régions ayant une météo meilleure que la normale.
Les revenus des ménages américains stagnent depuis 10 ans. Les actions ont subi une décennie perdue, elles aussi. Et Ben Bernanke déclare maintenant qu’il faut être prudent… parce que la reprise est loin d’être acquise.
Le chef de la Fed n’en a pas la moindre idée. Mais les citoyens moyens savent ce qui se passe. Ils savent combien il est difficile de trouver un emploi. Si on est dans le secteur immobilier… ou qu’on a seulement un an ou deux d’université derrière soi… on n’a vraiment pas de veine. L’âge de la retraite pourrait arriver avant que l’on retrouve un travail.
Voilà pourquoi il y a une telle chute de la confiance des consommateurs.
Mais regardez le bon côté des choses. Construire plus de maisons pour des gens qui ne pouvaient se permettre d’y vivre n’était pas exactement la meilleure stratégie économique. Et toutes ces personnes qui évaluaient les hypothèques et vendaient des maisons peuvent désormais trouver des emplois plus utiles. De vrais emplois. Pour faire des choses plus utiles. Quels seront ces vrais emplois ? Nous ne le savons pas encore. Il pourrait falloir beaucoup de temps avant de le découvrir. En attendant, on a une dépression sur les bras…
… Autant en profiter !
Comment profiter d’une dépression ? Eh bien, la première chose est de vous assurer que vous ne vous tenez pas sur son chemin…
Vous ne le savez peut-être pas, cher lecteur, mais en plus d’écrire la Chronique Agora, votre correspondant a un travail sérieux…
Oui, le matin, nous sommes philosophe moral… nous insultons gratuitement les autorités, des professions complètes et des nationalités entières. Nous leurs sommes reconnaissant… ils rendent la vie si distrayante ! Imaginez quel genre de monde nous aurions si les gens s’occupaient de leurs affaires et vivaient leur vie… Ils seraient plus riches et plus heureux, nous n’en doutons pas… mais qui pourrions-nous montrer du doigt en riant ?
Non, cher lecteur, le monde a besoin des gaffeurs, des idiots, des politiciens (est-ce que nous nous répétons ?), des escrocs (pardon… encore une répétition) et des mégalomanes. Il a besoin de quelqu’un pour défier les dieux de temps à autre. Sans ça, les dieux n’auraient pas le plaisir de leur rabattre le caquet. Et nous n’aurions pas le plaisir d’observer.
Pour en revenir à nos moutons… quels moutons ? Ah oui, le fait que nous avons aussi un travail sérieux. En plus d’écrire sur le monde de l’argent, nous devons également y vivre.
Vous voyez, nous avons un Bureau Familial… un petit groupe de chercheurs et d’analystes qui doivent en fait prendre des décisions… L’après-midi, nous devons décider. Que faire ? Long ou short ? Acheter ou vendre ?
L’une des choses que nous avons besoin de surveiller, ce sont nos émotions. En dépit de nos méditations, de notre cynisme et de notre détachement, nous sommes humain aussi. Nous nous attachons émotionnellement à nos idées. Ensuite, nous hésitons à les abandonner… aussi épouvantables qu’elles se révèlent être.
Nous nous rappelons… avec tristesse… que nous avons traîné des pieds après le marché haussier de l’or à la fin des années 70. Nous ne voulions pas vendre. Nous avons donc retardé… hésité… et lorsque nous avons enfin réalisé à quel point nous nous trompions, nous n’avions plus besoin de vendre. Le marché baissier du métal jaune était terminé ! L’or avait atteint son plancher. Il avait chuté de 70% par rapport au sommet. Bien plus en termes réels.
Mais rien de tel qu’un marché baissier de 20 ans dans votre classe d’actifs préférée pour vous aiguiser les idées. Nous avons réalisé qu’il nous fallait un meilleur moyen…
▪ Lorsqu’on investit de l’argent réel, on a besoin de discipline… et de quelques règles. Dans notre Bureau Familial, nous avons développé une approche méthodique qui nous laisse choisir des thèmes d’investissement très soigneusement — après beaucoup de réflexion, de consultations et de délibérations. Elle nous empêche ensuite de faire des changements… sauf, à nouveau, avec beaucoup de réflexion et de discussions. Nous avons également notre propre système de timing — et il faudrait presque une décision du Congrès US pour y contrevenir. Si le système dit qu’il faut sortir… nous sortons.
Pourquoi vous expliquer tout ça ? Parce que vous devez suivre des règles aussi — ou vous allez souffrir avec tout le monde, dans cette dépression.
Quelle est la première règle d’une dépression ? Conserver ses liquidités. Durant une dépression, le cash grimpe. Tout le reste baisse.
Quasiment tout le monde perd, durant une dépression. Tous les actifs chutent. Par rapport à quoi ? Par rapport à l’argent… aux liquidités. La chose à faire est donc évidente. Débarrassez-vous de vos investissements. Réduisez vos dépenses. Tenez bon. Ne faites rien. Attendez que la dépression ait suivi son cours.
Si l’on suit l’exemple du Japon, la situation pourrait durer pendant encore 10 à 20 ans — avec des prix chutant dans tous les domaines ou presque, en particulier pour les actions et l’immobilier.
Il va être difficile de rester sans rien faire durant un ralentissement si long. Vous allez être tenté de spéculer… de revenir sur le marché… Vous ne voudrez pas rester en arrière.
Pourtant, dans une vraie dépression, rester en arrière est ce que vous pouvez espérer de mieux.
▪ Il y a un an ou deux, nous aurions pensé qu’on ne pouvait pas augmenter la masse monétaire à tel point sans de graves conséquences inflationnistes. L’inflation — avec un retard d’environ 18 mois — était une certitude absolue. Maintenant que nous sommes plus proche de la situation, nous voyons que l’inflation pourrait être difficile à éviter… mais qu’elle est également difficile à générer. Le Japon n’y est pas parvenu. Et la Fed de Bernanke en semble incapable elle aussi.
Les banquiers centraux parlent d’augmenter leurs cibles d’inflation de 2% à 4% afin de se donner plus de flexibilité pour gérer des situations comme la crise des deux dernières années. Mais ils rêvent. On ne peut pas vraiment contrôler l’inflation si parfaitement. Peut-être ne peuvent-ils pas vraiment la contrôler du tout, sinon de manière grossière et maladroite. Ils ont triplé les réserves monétaires mondiales, ces sept dernières années. Les prix de l’or et du pétrole ont réagi plus ou moins en ligne avec la base monétaire. Mais la plupart des prix à la consommation dépendent lourdement des investissements en Chine… des prix de l’immobilier aux Etats-Unis… et d’un million d’autres choses que les économistes de la Fed ne peuvent même pas commencer à contrôler.
Bien entendu, in extremis, comme l’a expliqué Ben Bernanke autrefois au monde, une Banque centrale peut toujours créer de l’inflation incontrôlée. Ils ont "une technologie appelée planche à billets", a-t-il dit. Faites tourner la planche à billets… faites savoir aux gens que vous la faites tourner… et vous aurez de l’inflation en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
Mais les coûts financiers et économiques de la planche à billets sont si élevés qu’aucune Banque centrale… et certainement aucune Banque centrale d’un pays civilisé… n’est jamais assez imprudente ou hardie pour s’y risquer. C’est l’option nucléaire du monde monétaire. Il faut être vraiment désespéré pour choisir l’option nucléaire. Nous ne pensons pas que Bernanke et son équipe y auront recours… avant longtemps.
Ceci dit, il y a aussi des armes conventionnelles… comme celles qu’on utilise en ce moment. L’une en particulier — l’assouplissement quantitatif — présente une belle puissance de feu. Elle n’est pas nucléaire. Mais elle peut quand même faire de gros dégâts. Restez à l’écoute.