▪ Je suis inquiet à propos des tensions actuelles entre la Chine et le Japon autour des îles contestées de Senkaku/Diaoyu. S’il ne s’agissait que de cela, ce serait déjà assez effrayant. Malheureusement, c’est bien pire. Comme le rapporte le Wall Street Journal, de récents affrontements en mer ont « intensifié les peurs d’un conflit militaire entre les deux géants asiatiques — un conflit qui pourrait impliquer les Etats-Unis« . (C’est moi qui souligne).
Comment donc les Etats-Unis pourraient-ils être entraînés dans cette guerre ?
Toujours dans le Wall Street Journal :
« Ces tensions incessantes acculent Washington. Si les Etats-Unis ne veulent certes pas d’une guerre en Asie, ils ne peuvent cependant risquer d’affaiblir le Japon et d’enhardir la Chine sans remettre en cause toute leur stratégie dans le Pacifique… Les Etats-Unis, plus important allié militaire du Japon, sont liés par un traité de sécurité vieux de soixante ans visant à défendre le Japon de toute attaque ».
Ces informations sont tellement terribles que je ne sais par quoi commencer.
L’origine de cette « stratégie » et de ce « traité de sécurité » part d’une vision du monde défectueuse, une vision établie par de vieux bonhommes qui considèrent le monde comme un jeu d’échec. C’est ce genre de pensée qui a conduit à la Guerre froide avec l’Union soviétique, à la Guerre de Corée, à celle du Vietnam et à toutes les coûteuses incursions américaines à l’étranger depuis lors. Tout a commencé au sortir de la Deuxième guerre mondiale.
Le sang versé lors de la Deuxième guerre mondiale n’avait pas encore séché, les ruines des villes européennes n’avaient pas encore fini de fumer et pourtant entrer dans une nouvelle guerre démangeait déjà les puissances de l’époque.
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▪ Une conférence hollywoodienne pour des buts bien obscurs
Dans la soirée du 25 avril 1945, la Conférence des Nations unies sur l’organisation internationale s’ouvrit à San Francisco. Les témoins oculaires la comparèrent au lancement d’un film hollywoodien, sous les crépitements des flashs des photographes et la foule qui se pressait pour voir se réunir les architectes de la politique internationale. Ces derniers n’étaient guère impressionnants : un groupe d’hommes grisonnants, voûtés et ridés, en costume cravate. Excepté les larges robes et les coiffes des Saoudiens, on aurait pu croire que ces hommes travaillaient pour IBM ou dans un quelconque bureau de la Sécurité sociale.
Les apparences sont trompeuses parce que ce qui se passa lors de cette conférence fut sinistre et menaçant. Les journalistes sur place ne s’y trompèrent pas. Walter Lippmann, un célèbre reporter, observa : « la principale préoccupation de la majorité des personnes présentes ne fut pas l’Allemagne mais l’Union soviétique ». Il ajouta que des relations normales avec l’Union soviétique seraient impossibles « si nous cédons à tous ceux qui, pour le dire simplement, considèrent l’organisation internationale comme un moyen de contrôler l’Union Soviétique ».
La conférence de San Francisco fut un échec diplomatique. Les deux parties étaient fautives. (Je n’ai pas besoin de rappeler les crimes de Staline.) Et lorsqu’on examine aujourd’hui le compte-rendu de la conférence, les événements qui ont suivi semblent inévitables.
Si San Francisco était le tirage au sort avant le jeu, ce qui arriva par la suite fut le coup d’envoi. L’historien Alan Milchman, écrivant pour le journal Left & Right au printemps 1965 :
« Nous pouvons affirmer que la Guerre froide a véritablement débuté en mars 1947 lorsque le président a fait connaître sa désormais célèbre doctrine. La doctrine de Truman était une déclaration de guerre au communisme dans le monde entier et l’encerclement de l’Union soviétique y fut déclaré avec arrogance ».
En 1949, les puissances occidentales créèrent l’OTAN, ce qui rafraîchit encore plus les relations avec les nombreux pays exclus. Pendant les années qui suivirent, les Etats-Unis combattirent en Corée — au prix de plus de 35 000 vies américaines. Moins d’une décennie plus tard, les Etats-Unis s’engagèrent dans un conflit encore plus sanglant au Vietnam. C’est ainsi que se déroula le cauchemar de la politique étrangère américaine.
Lorsque je songe au conflit potentiel entre la Chine et le Japon (avec les Etats-Unis à tous les coups entraînés dans cette pagaille du fait de leur alliance avec le Japon), je le remets dans ce contexte et ne peut empêcher les comparaisons. D’un point de vue géopolitique, le résultat le plus important de la Deuxième guerre mondiale fut l’émergence de l’Union soviétique et de l’Amérique comme les deux superpuissances mondiales. Cette rivalité aura de sombres répercussions pendant longtemps.
Il ne faut pas oublier cela et il faut considérer la montée en puissance de la Chine comme celle d’un acteur tout en force sur la scène mondiale. Nous y reviendrons mercredi.
