▪ Il ne vous a pas échappé que l’or fait la une des médias. Est-il déjà rentré dans sa phase finale de folie, ou bien sa hausse est-elle justifiée et durable ? L’or n’est pas encore rentré dans une phase 3 hystérique et sa hausse est justifiée, je vous rassure tout de suite avant de vous le prouver.
▪ L’or monte parce qu’il retrouve son aspect actif financier
En deux mots : il se remonétise. Voici les preuves de ce que j’avance :
– les Banques centrales sont passées acheteuses nettes. L’or du FMI n’a pas eu le temps d’inonder le marché, il a vite trouvé preneur. Le moindre achat d’or est commenté par les médias. Ceci est très symbolique d’une nouvelle psychologie. Si l’or était une relique barbare inutile, les Banques centrales auraient dû depuis longtemps s’en débarrasser. Voilà que le métal jaune s’inscrit à nouveau dans les registres comme une réserve utile. Du coup, le pourcentage alloué à cette réserve, se trouve bien petit ;
– la demande d’or d’investissement reste vigoureuse : "La demande d’or physique a diminué de 34% au troisième trimestre par rapport à l’an passé", commentait assez superficiellement l’AGEFI au vu des derniers chiffres du World Gold Council. La perspective devient légèrement différente quand on se rappelle qu’au même trimestre 2008 éclatait au grand jour la crise dite des subprime. En septembre 2008, Lehman Brothers faisait faillite. En fait, en rythme annuel, la progression de la demande d’or d’investissement s’établit à +69% et la demande globale à +2%. Quand on constate par ailleurs que la production minière est déclinante, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes aurifères possibles.
Cette remonétisation est provoquée par l’inquiétude concernant les dettes publiques.
Après l’éclatement de la crise, cet endettement a été aggravé. L’endettement est si grave que les gouvernements sont insolvables. L’Asie et les pays émergents le savent et ont un impérieux besoin de se prémunir de la disparition de leur richesse entassée sous forme de réserve monétaire. D’où l’or.
▪ Ne surestime-t-on pas la valeur de l’or ?
Certains, cependant, persistent à penser que la hausse actuelle de l’or est exagérée. Ainsi, Brian Wesbury et Robert Stein, deux éditorialistes bullish (optimistes) de Forbes, font remarquer : "L’or a quadruplé depuis 2001, tandis que les actions sont au même niveau qu’il y a huit ans. La Réserve fédérale n’a pas quadruplé la masse monétaire, donc il apparaît que l’or exagère le niveau réel de l’inflation. (…) L’or est probablement maintenant surévalué, tandis que les actions restent sous- évaluées."
Pour contrecarrer cet argument, il faut se pencher sur le très remarquable rapport de Dylan Grice, un bear (pessimiste) qui vient (septembre) d’intégrer la Société Générale en tant que stratège. Son dernier rapport s’intitule Popular Delusions – A Minskian roadmap to the next gold mania. Traduction : Illusions populaires – Une lecture de la future hystérie de l’or selon Minsky.
Minsky est un économiste du XIXe siècle spécialiste de la monnaie. La dernière fois que les Banques centrales ont acheté de l’or, c’était à la fin des années 1960, en 1968 et jusqu’en 1970, exactement. Ce sont elles qui ont initié le grand marché haussier 1970/1980, explique Grice. Ces Banques centrales étaient soucieuses de la politique inflationniste des Etats-Unis. "Elles avaient décidé d’abandonner le dollar". La France en tête qui demande la conversion de ses dollars en or. La suite est connue : fin des accords de Bretton Woods et phase hystérique de l’or, commençant à la fin de 1979 pour s’achever aux Etats-Unis en 1980.
Première remarque : ce qui avait à l’époque réussi à mettre fin à cette hystérie c’est un taux directeur de 20% fixé par Volcker, à la tête de la Fed à l’époque.
Deuxième remarque : au sommet de l’hystérie la couverture du dollar en or était de 1,40 !
▪ Non, vraiment, l’or n’est pas trop cher
Si aujourd’hui, la couverture du dollar était de 1, sachant que la base monétaire de la Fed se monte à 1 700 milliards de dollars et que la Fed détient 263 millions d’onces, le prix de l’or serait de 6 300 $ l’once.
Nous n’en sommes donc pas encore du tout à la phase maniaque de l’or. Nous en sommes seulement à la prise de conscience de l’impasse dans laquelle se trouvent les pays surendettés.
Je maintiens donc mon objectif de 2 400$ l’once comme objectif raisonnable. Ce chiffre provient du sommet de 1980, réactualisé avec les chiffres officiels d’inflation. C’est un seuil psychologique important à retenir. Au-delà, il faudra se montrer très prudent, la phase hystérique commencera.
Et, un petit rappel pour nos lecteurs qui vivent en euro : je vous signale que le prix de l’or ne monte pas qu’en dollar, il monte dans toutes les monnaies. Regardez ce graphique, et dites-moi sur quoi vous auriez dû investir : l’or (en vert) ou le CAC 40 (en rouge) ?