▪ Les indices boursiers de l’Eurozone vont basculer les uns après les autres — le dernier sera le CAC 40 à 16h — vers l’échéance décembre sans avoir commis de faux pas irréparables.
Et pour cause : aucun support moyen terme n’a été sérieusement menacé car tout le monde a compris qu’une plunge protection team [NDLR : une équipe de protection contre les plongeons] (allusion à celle mise en place par la Fed au lendemain du krach d’octobre 1987) veille au grain depuis le 27 septembre dernier et un premier test critique des 3 350 points à Paris.
Depuis ce jour, la consigne est « n’y revenez pas », avec la menace implicite d’un tir à vue (des banques centrales) sur tout contrevenant.
C’est ce qui a été fait avec des balles en caoutchouc le 1er octobre puis de nouveau le 10 : depuis ces deux coups de semonce, les dissidents se tiennent à carreau.
Il suffit désormais de faire entendre le bruit de la culasse… et tous les éclaireurs venus observer les indices à proximité de leurs supports décampent.
▪ Fin des élections américaines : les marchés reprennent vie
La dissuasion ne fonctionnera qu’un temps, car les assauts des vendeurs ont fini par avoir raison des manoeuvres d’intimidation de la Fed au lendemain de la réélection de Barack Obama.
Les lignes de défense ont tenu le temps qui leur était imparti. Résister plus longtemps ne pouvait constituer qu’un gaspillage de moyens : chacun se rendait bien compte que le maintien de Wall Street en lévitation depuis mi-septembre n’était qu’un grand numéro d’illusion et un défi absurde lancé aux lois de la gravité.
▪ Le CAC 40 : un « petit marché » facile à manipuler
Les liquidités s’avèrent en effet bien plus utiles de ce côté-ci de l’Atlantique, où il y a encore pas mal d’argent à gagner en écrasant la volatilité jusqu’à l’ultime séance du terme de novembre.
La stratégie s’avère d’autant plus payante qu’elle n’est guère gourmande en capitaux, avec des volumes quotidiens inférieurs à 2,5 milliards d’euros à Paris. Rappelons que c’est ce qui s’échange chaque jour au cours de la première demi-heure sur Apple !
Vous l’avez bien compris, plus un marché apparaît étroit plus il apparaît manipulable à merci et le CAC 40 n’est pas loin de détenir la palme en la matière. Il faut plusieurs milliards pour faire décaler Apple de quelques dollars, mais quelques dizaines de millions d’euros en séance suffisent pour anéantir des titres comme Alcatel, Peugeot ou encore EDF.
Il ne faut pas davantage pour faire s’envoler symétriquement d’ex-victimes des « démolisseurs associés » comme Artprice, Crédit Agricole, Air France. Ces dernières peuvent tout aussi bien rechuter de 10% en quelques heures si la position acheteuse apparaît trop facile à déstabiliser.
Il en va ainsi de n’importe quel consensus, lorsque l’un des deux camps pense avoir la partie gagnée. Le cas de figure n’est pas nouveau ; il s’inspire directement de l’aphorisme in cauda venemum [NDLR : « dans la queue le venin »], qui date des premières conquêtes africaines de l’Empire romain, lorsque les occupants découvrirent qu’un scorpion est d’autant plus dangereux que l’on croit le faire battre en retraite.
Nouvelle illustration avec la séance de jeudi. Il ne fallait surtout pas s’endormir sur ses lauriers au cours des 10 dernières minutes de la séance !
▪ Un petit ravalement de façade de dernière minute pour les indices américains
Le Dow Jones (-0,23%) a repris 60 points d’indice entre 21h50 et 21h55 avant d’en recéder une dizaine à la toute dernière minute. Le Nasdaq a réduit sa perte de 0,7% à 0,35% au cours du même intervalle. Le S&P est repassé de -0,5% à -0,18%. Manifestement, quelques opérateurs bienveillants — et dotés des moyens de leurs ambitions — se sont appliqués à rendre la clôture de Wall Street plus présentable.
Il n’empêche que les principaux indices américains affichent leur plus mauvaise clôture depuis fin juin. La spirale baissière a cependant été enrayée in extremis et de nombreux day traders se sont fait dérouiller alors qu’ils pensaient avoir gagné la partie.
Les vendeurs auront l’occasion de prendre leur revanche car le Dow Jones a fait une incursion sous les 12 500 points. Le S&P, quant à lui, s’est enfoncé jusque vers 1 348 points. Tout ceci confirme l’alourdissement de la tendance avec le mouvement correctif amorcé sur cassure des supports moyen terme les 24 et 25 octobre dernier.
Au lendemain d’un décrochage de 1,5%, les acheteurs sont apparus absents durant 90% de la séance, se gardant bien de se lancer dans une vague de rachats à bon compte.
▪ La Fed prépare ses nouvelles cartouches de liquidités
Les circonstances se prêtaient théoriquement au retour du risk on, alors que la Fed confirmait jeudi soir être déterminée à soutenir la croissance par tous les moyens dont elle dispose.
Wall Street ne semble même plus entendre cette promesse implicite de prolonger l’opération Twist, qui expire le 31 décembre, par la mise en place de nouvelles mesures monétaires dès le 1er janvier.
De nombreux membres de la Fed (dont James Bullard ou plus récemment Janet Yellen) se sont déjà exprimés pour qualifier les 40 milliards de dollars d’achats mensuels de MBS annoncés mi-septembre potentiellement insuffisants pour doper l’économie américaine.
Les stratèges les plus influents (et généralement bien informés) sont convaincus que la taille du QE3 pourrait être accrue — voire doublée — au cours des prochains mois.
Nous supposons que certains initiés ont intégré depuis longtemps cette perspective dans leurs calculs et jugent que la promesse de plus de liquidités ne permettra pas aux Etats-Unis d’échapper au ralentissement conjoncturel qui frappe l’Europe. Cette dernière affiche une récession de 0,2% au troisième trimestre. Pour le Japon le PIB affiche -0,9% ; quant à la Chine, les véritables chiffres de la croissance sont probablement plus proches des 5% que des 7,5% réitérés pour 2013.
Parmi les signes précurseurs de sérieuses difficultés qui se profilent parallèlement à la falaise fiscale, l’indice Philly Fed a plongé, passant de +5,7 vers -10,7 en novembre. Le numéro un mondial de la distribution Wal-Mart voit ses perspectives de chiffre d’affaires se contracter au quatrième trimestre aux Etats-Unis, malgré Thanksgiving et les achats de Noël.
Nous ne voyons pas quel cadeau monétaire la Fed pourrait encore faire aux marchés qui ne se solde pas par un fiasco en termes d’emploi et de croissance.