▪ Pas franche du collier la hausse de 3,5% du CAC 40 la semaine dernière ?
Allons donc… le marché n’a pas fait courir les vendeurs à découvert pour rien ! Cela avait commencé avec les fausses rumeurs d’intervention des banques centrales pour soutenir la croissance. Cela s’est poursuivi vendredi avec la conviction que les Européens allaient être contraints de sauver l’Espagne — et par conséquent le monde — ce week-end.
Nous pressentions le coup fourré : Bruxelles, Berlin et le FMI décident, sous la pression de Barack Obama et du ministre des Finances espagnol, qu’il faut recapitaliser les banques ibérique… mais tapent au milieu de la fourchette évoquée par le FMI (de 40 à 100 milliards d’euros).
Si tel avait été le cas, disons 75 milliards d’euros comme pour le Portugal il y a un an, ce ne sont pas 2% qui auraient gagnés à l’ouverture ce lundi mais au contraire 3% qui auraient été perdus très rapidement, le temps de voir les taux espagnols grimper vers 6,5% et au-delà.
Parce que comme nous l’évoquions lundi matin, les 100 milliards d’euros promis au FROB (fonds de garantie des banques espagnoles) sont un simple acompte, juste de quoi tenir jusqu’à la fin de l’année. Dès janvier 2013, il faudra remettre ça… et nous n’avons pas la certitude que les marchés seront disposés à « recaver » le MSE dans des conditions avantageuses d’ici six mois.
Mais les acheteurs de la première heure, ceux qui payaient le CAC 40 au-delà de 3 130 en préouverture (puis 250 points de mieux sur le Dow Jones et +3% sur le DAX 30) n’ont joué que l’effet d’annonce. Ils se sont souvenu de fameux précédents où le prétendu sauvetage d’un pays avait provoqué des envolées de 5% à 10% des indices européens en quelques heures, dans le sillage de valeurs bancaires s’envolant de 15% à 20%.
▪ Guet-apens sur le CAC 40
Ce lundi n’a simplement pas donné lieu à de traditionnelles « ventes sur la nouvelle ». La brusque dégradation des marchés obligataires espagnols et italiens lundi après-midi, puis le retour de l’euro sous les 1,2500 $, démontraient que le repli n’était pas que technique : le malaise des opérateurs apparaît beaucoup plus profond.
Nous sommes bien convaincu que ceux qui ont arraché Wall Street à la hausse vendredi soir savaient pertinemment que l’initiative en faveur de l’Espagne ne résoudrait rien sur le fond. En revanche, une hausse « feu de paille » leur permettrait de se délester au plus haut, le temps que les habituels acheteurs qui volent au secours de la victoire réalisent qu’ils se sont fait truffer et que le marché n’ira pas plus haut que ce qui avait été programmé, peut-être dès mardi dernier — quand le CAC 40 s’est extrait de la zone des 2 950/3 000 points.
Ceux qui se sont rués sur le CAC40 à 3 110/3 120 points ont bien le sentiment d’avoir été victimes d’un guet-apens… Mais que dire des opérateurs qui ont ramassés l’indice Ibex 35 à plus de 6 900 points lundi à l’ouverture et qui l’ont retrouvé sous les 6 500 points peu après la reprise des cotations à Wall Street ?
C’est tout de même la première fois depuis très longtemps qu’un gain de 5% à l’ouverture à Madrid se trouve suivi d’une clôture en repli de -0,5% — soit une chute de 5,5% en ligne droite. Cela pourrait presque constituer l’écart trimestriel d’un grand indice occidental, sauf que cela s’est déroulé en six heures en non en 60 séances ! Mieux valait couper très vite ses positions dès que les indices ont commencé à plafonner (vers 10h30 à Paris ou Londres).
Au final, le CAC 40 se replie de -0,3% après avoir affiché +2,3%. L’Euro-Stoxx 50 en termine sur un score identique mais après avoir bondi de 2,7% jusque vers 2 201 aux environs de 10h30 — c’est à comparer avec un score de 2 137 points au final, soit 3% d’écart en moins de six heures.
Toutes les places européennes — à l’exception de Francfort qui grappille 0,15% — ont clôturé dans le rouge ; notamment Milan, qui affichait -2,8% au final contre un gain parfaitement symétrique hier matin.
▪ Quand les traders peinent à s’expliquer
Croyez-vous que la psychologie du marché explique de tels mouvements anachroniques — et antagonistes — des cours à 24 heures ? Croyez-vous que lorsque tant d’investisseurs d’une intelligence « dans la bonne moyenne » se font avoir, de tels scénarios sont dus au hasard ?
Certains de nos lecteurs ont-ils eu la curiosité de jeter un coup d’oeil à l’émission Cash Investigation consacrée au trading algorithmique diffusée vendredi soir sur France 2 ?
Ceux qui régulièrement écoutent nos commentaires connaissent notre ressenti concernant les « robots » (les « bots » en abrégé pour les professionnels). Au-delà des méfaits de la manipulation clairement intentionnelle des cours qui est évoquée dans l’émission, France 2 a réussi à interviewer quelques acteurs de l’algotrading.
Et là, c’est un véritable régal ! Un mafieux napolitain, un pirate somalien, un narcotrafiquant colombien seraient bien plus à l’aise devant les caméras pour répondre à des questions indiscrètes concernant leurs activités répréhensibles. Ils répondraient par une pirouette ou ne répondraient rien… mais ils n’auraient pas deux « attachés de communication » (en fait deux censeurs dont le métier de base est à l’évidence avocat d’affaires et non pas attaché de presse) pour superviser l’interview et faire signe aux journalistes que l’entretien est terminé dès qu’ils se sentent un peu coincés !
Bien plus que les non-réponses en teck massif, c’est le regard fuyant des interviewés, leur attitude corporelle marquant un malaise absolu face aux journalistes, qui apparaît saisissant.
On y apprend cependant que certains logiciels de trading (de manipulation de cours pour parler franc) ont une valeur de plus de 10 millions d’euros — en réalité c’est beaucoup plus. Ce n’est pas en interagissant avec les adeptes du HFT (high frequency trading) ou en optimisant le passage d’ordres que ce genre d’investissement peut être amorti.
Il s’agit bel et bien de machines appliquant des martingales (terme élégant pour signifier truquage des carnets d’ordres, saturation et parasitage des systèmes de cotation, génération de mouvement de cours totalement artificiels, et la liste est longue…) qui doivent rapporter très vite des centaines de millions — et pour certaines très grosses maisons, des milliards de dollars en quelques mois. Après, il faut changer d' »algo »… lorsque tout le monde commence à comprendre pourquoi untel gagne à tous les coups.
Le tout sans aucune corrélation avec la conjoncture ou la santé des entreprises !
D’ailleurs, certains quants — des mathématiciens de haute volée, ayant une formation d’astrophysiciens — avouent qu’ils ne connaissent strictement rien à la bourse, rien aux crédits immobilier ni aux dettes souveraines.
Ils ne savent pas si les entreprises — dont leurs machines manipulent les cours sans vergogne — produisent des composants pour les satellites ou des moules à gaufre ! Ils ne savent pas si l’entreprise victime de leurs robots fait ou non des profits… si elle emploie une centaine de geeks en chemise hawaïenne dans la Silicon Valley ou 100 000 salariés dans le monde (dont un tiers de spécialistes en thérapie génique). Tout ce qu’ils savent, c’est que le titre a un fort beta (forte volatilité) et qu’il existe une corrélation entre leur cours de bourse et l’indice de pluviométrie dans l’état du Sarawak (à l’ouest de Bornéo).
Il s’agit d’une variante de la théorie du battement d’ailes du papillon dans un jardinet bolivien qui déclenche une tempête de force 10 dans le golfe du Morbihan.
En conclusion, n’importe quelle cause anodine peut produire n’importe quel effet cataclysmique, ce n’est qu’une question de temps… Et les robots traders sont là pour transformer les semaines en minutes, et les minutes en millisecondes.
C’est comme cela qu’un Dow Jones attendu en hausse de 240 points peu après l’ouverture des marchés japonais (vers 2h du matin, heure française ce lundi) n’en gagnait pas plus de 60 à la reprise des cotations à 15h30… pour en céder 140 au final.
Sur la base des mêmes évidences — le pseudo-sauvetage des banques espagnoles et le dérapage de la dette italienne –, le Dow Jones a valu à quelques heures d’intervalle 12 750 et 12 400 points.
Chapeau les robots !
2 commentaires
Autre précision qui donne du piquant au reportage cash investigation: on apprend que les grandes banques de la place de Paris (SG & BNP) ont profité du crédit impôt recherche pour financer au frais du contribuable leur projet de programmes algorithmiques pompeusement recasé en frais de R&D.
Et quand on voit la responsable de l’organisme français censé surveiller la bonne allocation des crédits impôts recherche déclarer que dépenser de l’argent pour concevoir des programmes de trading automatisé donc de la spéculation assistée par ordinateur n’est en rien répréhensible on marche sur la tête.
De même quand l’ancien responsable de l’agence pour le numérique se fait tirer les oreilles par l’Élysée quand il se dit choqué sur les ondes de BFM que BNP encaisse 180 millions d’euros de crédit d’impôts pour concevoir de tels outils, on voit que Mr Sarkozy tient un double discours (la finance spéculative c’est pas bien devant les écrans de TV, mais derrière cela rapporte des plus values donc de l’IS donc c’est excusable voir louable).
Et que fait la COB ou plutôt l’AMF, le gendarme de la bourse ben il constate avec ses très faibles moyens que le trading algorithmique qui représente les 2/3 des transactions aux USA grignote de plus en plus de terrain sur les échanges réalisés sur la place de Paris ou plutôt de Londres vu que tous les serveurs qui gère les transactions du marché parisien ont été délocalisé dans la banlieue de Londres. Une économie de coûts supplémentaires pour Euronext surtout depuis qu’elle à fusionné avec le NYSE, mais surtout une bonne opportunité pour les banques anglo saxonnes d’impulser des rafales d’ordres d’achat et de ventes sur les titres phares de la cote parisienne pour mieux tromper et tondre les petits investisseurs ou day traders pris au dépourvu par des reversements de tendance aussi imprévisible et violents comme l’a été la séance d’hier.
Finalement ces robots et algorytmes rendent les choses plus simples pour l’investisseur utilisant la réalité comme guide. Avec un plan sur du moyen terme, du bon sens du commerce on s’en sort mieux. Par exemple on n’achetera plus du apple au plus cher qui a une vache a lait mais que samsung prend de l’avance sur la taille d’ecran smartphone et qu’il est facile de voir un mur a l’augmentation des dépenses d’applications feu de paille.
On ne peut pas plonger sur du facebooK qui s’envole quand enfle la révolte et le réflexe de protection d’early adopters échaudés et que l’on se souvient des premiers temps d’internet et de l’effet tout beau tout nouveau.
D’ailleurs merci à la chronique de confronter souvent ce genre de réalités, ce qui n’empêche pas la prise de risques bien sur.