▪ Avant-hier soir, nous nous sommes plongés dans les e-mails de nos lecteurs. Beaucoup d’entre vous pensent que nous sommes injustes, que nos critiques concernant Ben Bernanke, les banquiers et autres bons à rien de l’économie et de tout le spectre politique ne sont pas constructives. Prenons donc un moment pour expliquer les choses le plus clairement possible : les dirigeants et les politiciens sont des crétins.
On nous a dit que Ben Bernanke était la personne idéale pour nous sortir de la situation dans laquelle nous sommes. Mais Ben Bernanke n’est-il pas le principal responsable de cette situation ? Alan Greenspan et lui n’ont-ils pas baissé les taux d’intérêt au point de créer un boom du crédit qui aujourd’hui se dégonfle ? Ne seraient-ce pas leurs mesures qui ont permis aux banques et à Wall Street de titriser les prêts hypothécaires résidentiels et commerciaux qui ont envahi toutes les trésoreries du monde en tant qu’"actifs" ? Et ces actifs ne seraient-ils pas en train de perdre de la valeur, et de détruire la valeur au niveau des foyers et des entreprises ?
Il est clair que les politiciens servent encore, bien que de façon négligée, les intérêts des maîtres du secteur des entreprises dans le monde de la finance. Et il est clair que le monde de la finance a toutes les raisons d’encourager les plans de relance gouvernementaux, les garanties de prêts et une baisse des taux. Cela permet de continuer à faire fonctionner la grande machine du crédit à effet de levier de l’économie financière. Et cette machine maintient le secteur des finances bien au chaud.
▪ Qui plus est, les limites sur les salaires des dirigeants ne sont qu’une façade pour le public (les électeurs). Même si on limite les bonus en fonction du statut, nous pensons que les compensations supplémentaires vont simplement être transférées en stock options. Cela signifie que, pour que le secteur financier préserve son statut privilégié, le prix des actions doit augmenter. Et pour cela, rien ne facilite autant la tâche que le crédit. Empruntez de l’argent et réimplantez-le dans les actions pour vous remplir les poches. Est-ce que ça sonne comme quelque chose qui pourrait se produire ?
L’idée, c’est que tout l’interlude depuis l’effondrement de Lehman Brothers est une tentative visant à retrouver le statu quo qui a précédé tout ça. Si les outils de la politique monétaire et fiscale (maladroits et théoriquement inefficaces de toute façon) existent pour faire prospérer le secteur financier et immobilier, l’économie réelle va continuer à se faire avoir. Nous dirions que cette reprise récente n’est rien sinon une tentative de ressusciter l’arrangement qui consistait à brasser de l’argent et qui a tant rapporté jusqu’à la fin de l’année 2007.
▪ Au moins, certaines personnes sont de notre avis. "Aux Nations unies, un groupe de réflexion sur le commerce a prévenu que le rebond actuel du marché financier n’était pas une ‘reprise réelle’ et que la croissance économique mondiale enregistrée en 2010, quelle qu’elle soit, ne dépasserait probablement pas les 1,6%", rapporte le journal The Australian.
"La récession a été si importante qu’il y aura forcément un rebond… mais nous ne voyons toujours pas ça comme une véritable reprise", a affirmé Supachai Panitchpakdi, secrétaire générale de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). "L’augmentation actuelle des prix des matières premières est principalement guidé par un appétit pour plus de risque", a-t-il déclaré.
L’économiste en chef de la CNUCED, Heiner Flassbeck, a dit : "les marchés ont été alimentés par la spéculation financière, elle-même poussée par des attentes de reprise. ‘Mais l’anticipation de la reprise n’est qu’une fiction, elle n’est pas là’." La CNUCED a également noté que "l’effondrement des bénéfices dans l’économie réelle, l’excès d’investissement dans l’immobilier et l’augmentation du chômage vont continuer à forcer la consommation privée et l’investissement à la baisse dans un avenir prévisible".
Hmmm. Peut-être que la CNUCED lit la Chronique Agora. Mais si ce n’est pas le cas, pour ceux qui ont des yeux pour la voir, la vérité est bien là. On ne peut pas corriger les déséquilibres mondiaux d’un boom créé par l’effet de levier en faisant jouer encore plus l’effet de levier. Mais concentrons-nous sur les aspects spécifiques du rapport qui suggèrent que les prix des matières premières pourraient de nouveau être le sujet de spéculations financières. Est-ce que c’est vrai ?
Pour être franc, c’est difficile à dire. Nous sommes plus convaincus du fait que les bénéfices dans l’économie réelle — une fois qu’on soustrait l’effet du crédit et de l’argent du gouvernement — régressent à un niveau historique. Certaines entreprises vont gagner plus. D’autres moins. Mais la moyenne sera plus basse.