▪ Nous avons compulsé avec beaucoup d’intérêt les commentaires sur les forums boursiers vendredi au moment de la publication des chiffres de l’emploi du mois de mars aux Etats-Unis. Le sentiment général était que Wall Street allait se reconnecter brutalement au réel et risquait de vivre l’enfer lundi en cas de repli supérieur à 1,5% — ce qui semblait un minimum compte tenu de l’écartement du scénario d’un QE3 avant l’automne.
Certes, les indices américains alignent une troisième séance de consolidation, mais la seule qui mérite ce qualificatif est celle de lundi. En effet, le Nasdaq a progressé jeudi dernier de 0,4% tandis que le S&P s’effritait de 0,06% à la veille d’un week-end prolongé.
L’indice large a cédé jusqu’à 1,3% hier et touché un plus bas de 1 378 points en début de séance. Mais il clôture à -1,14% (1 382 points), ce qui reste de l’ordre du repli ordonné.
Même diagnostic pour le Dow Jones qui perd exactement 1,00% (à 12 929) ou le Nasdaq Composite avec un score de -1,08% (à 3 047 points).
▪ Apple fausse tout
L’indice électronique a vu son recul freiné par un titre Apple qui refuse une fois de plus de consolider et qui grappille 0,4% à 636 $. Il a même établi un nouveau zénith historique à 639,83 $ à 90 minutes de la clôture. Le Nasdaq 100 n’a d’ailleurs cédé que 0,82%.
Apple reste insensible à la déception causée par les chiffres publiés vendredi. L’économie américaine a créé pratiquement 100 000 emplois de moins que prévu en mars, et le recul du taux de chômage à 8,2% (au plus bas depuis trois ans) apparaît de plus en plus clairement comme le résultat du toilettage des statistiques de la population active.
Pour autant que nous le sachions, le nombre de citoyens américains continue d’augmenter, le nombre de personnes au travail et la masse salariale continuent de stagner. Seuls les départs en retraite peuvent expliquer l’embellie du taux de chômage qui se perpétue de mois en mois depuis l’automne 2011.
Il serait exagéré de prétendre qu’un repli moyen de 1,1% de Wall Street ne traduit aucun véritable accès de nervosité. L’indice du stress, le VIX, a fait un bond de 12,5% à 18,8, ce qui efface la décrue observée depuis la mi-janvier. Mais tant que l’indice ne repasse pas au-dessus du seuil des 20, la tendance positive moyen terme est préservée.
▪ Les partenaires économiques des Etats-Unis tirent la sonnette d’alarme
Le vrai problème pour les Etats-Unis pourrait provenir non pas de la nervosité des investisseurs (qui s’en remettent presqu’aveuglément à leurs algorithmes), mais de celle de leurs principaux partenaires économiques.
Après le coup de semonce du patron de la banque centrale chinoise le week-end précédent — qui avertissait Ben Bernanke que la mise en oeuvre d’un QE3 serait très mal perçu par Pékin — c’est au tour de Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, de fustiger la politique monétaire ultra-accommodante à tendance laxiste des Etats-Unis et de l’Europe.
Elle rappelle sans détour que le recours immodéré à la planche à billets pousse les feux de l’inflation dans les pays émergents par le biais d’un afflux massif de capitaux sans lien avec les perspectives de croissance locale. Cela provoque de fortes tensions sociales en causant la flambée de l’énergie et des produits de première nécessité.
Un phénomène que les autorités chinoises redoutent également — mais Pékin va plus loin en reconnaissant aujourd’hui que la surabondance de crédit et de liquidités a engendré de mauvais investissements à grande échelle. Pensons notamment aux usines sans débouchés… aux forêts de tours sans propriétaires ni occupants… à la corruption à tous les échelons de la société.
Pékin admet que les créances douteuses pourraient atteindre 15% de l’encours des prêts consentis par les principales banques du pays. Mais des experts occidentaux estiment que le montant total se situerait déjà autour de 20% et pourrait atteindre rapidement 25% si la croissance chinoise devait connaître un coup de frein plus brutal que celui annoncé début mars.
▪ La Chine, locomotive de la croissance… ou pas ?
Beaucoup d’économistes commencent à mettre en doute la réalité des chiffres sur lesquels les conjoncturistes s’appuient pour affirmer que la Chine demeure la locomotive de la croissance mondiale. Certes, l’activité et la demande intérieure demeurent soutenues (surtout en matière de produits de luxe) mais grèves, manifestations et fermetures d’usines se multiplient depuis un an, ce qui prouve qu’une crise couve sous un vernis de prospérité.
Enfin, et nous aurons l’occasion de vous en reparler dans la chronique de demain, Ben Bernanke s’alarmait la nuit dernière des « risques potentiels » que continue de faire peser le shadow banking sur la stabilité du système financier.
Près de 50% des transactions sur les produits de taux passent par le shadow banking, où les intermédiaires privés s’échangent entre eux des produits dérivés présentant des niveaux de risque inconnus dans la plus parfaite opacité.
Un système totalement dérégulé (et désormais incontrôlable) dont il convient de souligner à quel point Alan Greenspan l’avait appelé de ses voeux et encouragé sans relâche de 1996 à 2006.
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[…] fâche C’est Ben Bernanke qui a malencontreusement soulevé un coin de la carpette maudite du shadow banking dans la nuit de lundi à […]