▪ La dernière séance de la semaine a été placée sous le signe du raffermissement des indices boursiers et de quelques rachats à bon compte… lesquels ne se sont matérialisés à Wall Street qu’après la clôture des places européennes.
Faisant preuve d’un sens de l’anticipation remarquable, Paris a bénéficié d’un solide coup de pouce de 0,45% au moment du fixing. Il a propulsé le CAC 40 de 3 583 vers 3 598 points : l’indice affichait ainsi un gain de 1,27% et terminait au plus haut du jour.
La semaine s’achève donc sur une correction de -2,5% à Paris et de -2,25% sur l’ensemble des places européennes. Les opérateurs semblent s’être efforcés de limiter la casse en termes de performance hebdomadaire. A l’image des indices américains, qui avaient déjà enregistré un rebond technique de 0,8% la veille… avant de doubler la mise à la mi-séance vendredi (+1,5%).
La chronologie des faits n’est pas indifférente. Wall Street n’a pas manifesté d’euphorie débridée à la lecture des chiffres relatifs au marché du travail : après une ouverture hésitante le Dow Jones est passé dans le rouge vers 16h. Il s’est ensuite redressé timidement à partir de 17h30 puis s’est mis à accélérer à la hausse jusque vers 19h… sans que ce rally (+100 points en 90 minutes) puisse être relié à une actualité connue du grand public.
En Europe en revanche, les investisseurs avaient d’emblée accueilli positivement la réduction du nombre de destruction d’emplois au mois d’août (-216 000 après -276 000 en juillet). Ils se sont accommodés d’un bond de 0,3% du taux de chômage à 9,7%, cet écart résultant en fait d’une révision à la hausse des chifres publiés les mois précédents — elle ne traduit donc pas de soudaine dégradation le mois dernier.
Cela ne nous étonne guère, nous sommes habitué à des statistiques à géométrie variable concernant l’emploi… Vous ne nous ôterez pas de l’esprit que si le taux de chômage avait été annoncé à 9,6% début août (au lieu d’une rassurante stabilité qui nous avait intrigué), cela aurait pu tempérer l’euphorie ambiante et décrédibiliser la théorie d’une embellie générale de l’économie, s’appuyant sur une stabilisation du marché du travail aux Etats-Unis.
Certains économistes — et jusqu’à certains membres de la Fed — admettent que le taux de chômage réel serait plus proche de 17% que des 10% officiels… Et les pertes d’emploi se sont accélérées dans l’industrie, contrairement au tertiaire qui connaissait un ralentissement des compressions d’effectifs.
▪ Nous étions intimement convaincu que les chiffres de l’emploi américain n’auraient pas d’impact décisif sur les cours de bourse cette fois-ci : si l’optimisme avait prévalu, les indices boursiers n’auraient pas commencé par chuter de -4% de lundi à mercredi avant de réduire leurs pertes.
Les investisseurs se montraient encore prudents vendredi : la Bourse de Paris, qui affichait un gain de 0,8% avant le chômage américain, a grimpé jusque vers +1,2% et testé brièvement la barre des 3 600 points. Elle est ensuite revenue se positionner sur les niveaux antérieurs, jusqu’au singulier rebond de 0,45% survenu in extremis, au fixing de 17h35. Le CAC 40 est alors repassé d’un coup de 3 583 à 3 598 points… ce qui n’est pas tout à fait pareil !
La prudence initiale des opérateurs pourrait s’expliquer par la mise en garde de J.-C. Trichet vendredi matin : il estimait prématuré d’annoncer une sortie de crise. De son côté, l’économiste en chef de la BCE, l’Allemand Jurgen Stark, affirmait que le danger déflationniste était révolu. Les marchés en ont déduit que la BCE va maintenir une offre de liquidités importantes (car la reprise reste fragile) mais n’envisage plus de baisse de taux.
Dominique Strauss-Kahn s’attend à une reprise molle, avec de sérieux risques de rechute et appelle à une poursuite de l’effort de relance.
▪ L’économie ne se redresse qu’à coup d’expédients fiscaux et de coûteuses mesures de soutien au secteur industriel et immobilier… et pendant ce temps-là, les ménages se désendettent. Le tableau est certes un peu moins sombre qu’au printemps dernier ; il est logique que le FMI, s’alignant sur l’attitude de l’OCDE, revoie à la hausse ses prévisions de croissance pour les pays du G7 puis pour l’économie mondiale en 2009 et en 2010.
Le FMI table désormais sur une contraction de 1,3% du PIB mondial cette année, contre -1,4% au début de l’été. La croissance atteindrait +2,9% l’an prochain (révisé de +2,5%).
Pour nos économies développées, le FMI anticipe toujours une forte contraction de 3,7% (tout comme l’OCDE) cette année — soit un peu moins que les -3,8% prévus en avril. 2010 s’annonce plus prometteur avec une croissance estimée à +1% contre +0,6% initialement ; chacun sait que sous la barre des 2%, l’emploi ne redémarre pas.
Le FMI a relevé ses projections 2009 pour les Etats-Unis, l’Eurozone (dont principalement l’Allemagne qui connaitrait une récesssion limitée à -5,3% contre -6,2%). Il se montre toutefois plus sévère pour le Royaume-Uni qui connaîtrait une contraction de 4,5% (à comparer avec -4,2%).
Le principal moteur économique de l’Eurozone, l’Allemagne, ne sortirait pas de la récession en 2010. Son recul serait toutefois limité à 0,1% (au lieu de -0,6%)… mais cela augure mal du redressement de la conjoncture pour ses plus proches partenaires, la France, le Benelux, l’Autriche et certains ex-Pays de l’Est tels que la Pologne ou la Hongrie.
Ne parlons pas des pays scandinaves où la récession se montre aussi tenace et glaciale que la saison hivernale à proximité du Cercle Arctique : la Suède expérimente depuis début les taux d’intérêt négatifs (ils ont été abaissés à -0,25%), afin de pénaliser les banques qui ne prêtent pas les liquidités dont elles disposent.
Comme il n’existe guère de projets rentables à financer, comme les ménages sont fragilisés par le chômage, pourquoi ne pas investir dans les marchés financiers ? Ils ont démontré cet été qu’ils peuvent grimper bien au-delà de ce que les perspectives de croissance des bénéfices des entreprises cotées autorisent. La hausse appelant la hausse, il n’y a plus qu’à attendre que les économistes, qui ont souvent un train de retard, inventent la justification d’un mouvement qu’ils n’ont pas vu venir.
▪ Un peu à l’image de la télévision d’état nord-coréenne couvrant durant la totalité du journal télévisé l’inauguration d’une ferme modèle par le grand leader révolutionnaire tandis que la famine sévit dans le pays, les médias économiques occidentaux ont totalement occulté ce vendredi l’explosion des défaillances de remboursement sur les prêts prime aux Etats-Unis.
Le processus s’accélère à un rythme supérieur aux prêts subprime… Et il y a une nuance de poids : il s’agit de montants d’emprunts largements supérieurs aux crédits contractés par des emprunteurs à la limite de l’insolvabilité.
Il doit certainement s’agir d’une de ces informations anodines qui ne méritent même pas une ligne de commentaire dans le résumé hebdomadaire de la semaine écoulée… Un peu comme la chute de l’indice Baltic — ou celle du trafic aérien aux Etats-Unis cet été… ou encore le rebond de l’or au contact des 1 000 $ depuis le mercredi 2 septembre.
Nous, on vous en parle parce que nous avons une affection particulière pour les anecdotes sans intérêt… mais tellement distrayantes au milieu d’une actualité économique standardisée !