▪ Nous voici bien partis pour une treizième semaine de hausse, dirait-on !
A moins d’une rechute de 2,5% ce vendredi, les permabulls vont pouvoir continuer de parader, avec la même arrogance qu’un parieur qui vient de gagner 13 fois d’affilée en misant systématiquement sur le noir et qui plastronne en affirmant qu’il doit sa fortune à son seul flair. Cela n’est pas du tout lié au fait que la roulette est truquée et que le directeur du casino lui a indiqué qu’il fallait jouer de cette façon apparemment stupide.
Cela afin que sa bonne fortune facile attire le maximum de gogos — ou de muppets, pour reprendre l’expression des Goldman Sachs boys.
C’est ainsi qu’ils évoqueraient entre eux certains clients qu’ils s’ingénient à plumer — avec les compliments de la direction — si l’on en croit la tribune assassine et remarquablement bien documentée de Greg Smith. Ce haut dirigeant démissionnaire de GS a décidé de régler ses comptes avec Lloyd Blankfein, le numéro un de la firme, et peut-être de se mettre en paix avec une conscience lourdement chargée.
Dans un cas comme dans l’autre, il n’est question que manipulation, de tartufferie, de fausses vérités et de vraies tromperies.
▪ Les banques centrales ne font plus leur travail
Rien de nouveau sous le soleil, nous direz-vous… à cette seule nuance près : le « soutien » (la manipulation) des marchés financiers par les banques centrales — qui n’était que très exceptionnel et ponctuel jusqu’au tournant du XXIe siècle — est devenu systématique et permanent depuis l’automne 2008.
C’est la négation même de la fonction première d’un institut d’émission. Certes, en dernier ressort, il peut faire office d’acheteur lorsque les banques ne parviennent plus se refinancer. Mais normalement, il ne doit apporter aux marchés que les liquidités correspondant aux richesses que l’économie est capable de créer, comme le rappelait l’automne dernier un certain Alan Greenspan.
▪ Plus d’argent pour parier encore plus, mais pas créer de richesse
Or les banques centrales n’avancent pas l’argent destiné à être investi. Elles inondent les banques de liquidités totalement stériles qui n’ont comme seule vocation que de leur permettre de survivre aux pertes potentielles ou avérées sur les dettes souveraines qu’elles détiennent.
Comme le but premier des banques est de se renflouer au plus vite et sans risque (au lieu de financer sur du long terme les agents économiques qui en ont besoin), elles font du carry trade au jour le jour sur les emprunts d’Etat. Elles empruntent ainsi à 1% pour re-prêter à 5% pour quelques heures, quelques jours ou quelques semaines.
Elles font parallèlement du day trading sur les actions car elles disposent de toute la couverture nécessaire pour améliorer la sauce en vendant des options ou des dérivés indexés sur la volatilité, ce qui génère immédiatement du cash et dope le bilan.
Là encore, il ne s’agit pas d’investir sur les perspectives moyen terme du CAC 40 ou du S&P 500. Il s’agit plutôt de capter des écarts le plus souvent symboliques mais en répétant l’opération des milliers de fois par jour, par le biais du micro-trading haute fréquence.
Il s’ensuit une hausse des cours déconnectée aussi bien de la situation présente que des perspectives futures, et qui ne constitue que le reflet de la surabondance de liquidités.
Pour en revenir à la métaphore des lasagnes (empilage de nouvelles couches de pâte et de viande sur une première couche de dettes avariées qui est toujours là et qui contamine le reste), la banque centrale offre toujours plus d’argent pour acheter le même plat faisandé qui s’épaissit sans limite.
Et les marchés payent ! Et les prix flambent. Et les commentateurs s’extasient.
Rassurez-vous, ce ne sont pas ceux-là qui vont consommer au final les lasagnes toxiques. Le papier acheté termine sa course folle dans les fonds de retraite et les OPCVM action détenus par les épargnants (aux Etats-Unis, il s’agit du fameux 401k).
Tout comme pour les subprime en 2007/2008, les actifs survalorisés de 2012 — mais garantis sans risques puisque le VIX gravite autour d’un plancher historique de 15 — échoient toujours au même acheteur final. A l’investisseur lambda, on ne dévoile pas cette mécanique indécente et on ne lui demande surtout pas son avis.
Le marché qui se résume au bon vouloir de banques centrales hégémoniques est à la fois juge et partie ; les médias tentent de nous convaincre qu’elles sont capables de transformer le plomb en or.
Si la raison gouvernait leur stratégie, les flux de liquidités devraient être dirigés vers l’économie réelle. A partir d’un redressement effectif de la croissance, la hausse des actions devrait être la résultante, et non l’origine, de l’optimisme des marchés.
Plus que jamais, c’est la queue qui remue le chien, et le brave cabot est sommé de japper d’allégresse alors qu’on lui tend un os en plâtre et qu’on lui remplit sa gamelle de graviers.
Pour l’heure, le seul tintement familier du métal et la promesse virtuelle d’un estomac bien rempli suffit à son bonheur mais attendez qu’il découvre la supercherie !
▪ Des records indiciels basés sur… rien !
Les banques centrales et leurs alliés objectifs de Wall Street ou de la City s’acharnent à étouffer tout sens critique sous un déluge de records indiciels symboliques. Les places européennes ont somnolé durant près de huit heures, puis elles se sont réveillées vers 17h15 avec le franchissement des 1 400 par le S&P qui a ensoleillé les derniers échanges.
Le CAC 40 (+0,44%) en terminait donc au zénith du jour et inscrivait sa meilleure clôture de l’année à 3 580 points, au terme d’une septième séance de hausse consécutive — soit un acquis de 2,9% sur la semaine.
L’Euro-Stoxx 50 faisait mieux encore avec un gain de 0,75% dans le sillage de Francfort qui s’envolait de 0,9% à 7 144 points (soit 21,1% depuis le 1er janvier).
Jamais un indice européen majeur (tel que le DAX) n’avait gagné 21% en 10 semaines. A n’importe quelle époque et en n’importe quelle circonstance ces 15 dernières années, un tel écart serait jugé vertigineux… mais avec la force de l’habitude ces 13 dernières semaines, la hausse perpétuelle de la Bourse allemande fait désormais partie de la routine.
Wall Street semblait bien parti jeudi soir pour aligner une huitième séance de hausse consécutive. Une telle évolution présente toutes les caractéristiques d’une fuite en avant après l’alerte baissière du 6 mars dernier.
Cela nous évoque ce numéro de cirque chinois où des assiettes tournent au sommet de baguettes flexibles alors qu’un jongleur en rajoute une toutes les cinq secondes : et de six, et de sept, et de huit… et de 65, comme le nombre de séances du cycle haussier amorcé le 20 décembre dernier (le plus long depuis, devinez donc, le 14 juillet 1944 !).
Lorsqu’il n’en peut plus de courir de l’une à l’autre et que la première assiette tombe, c’est que le numéro est terminé et que toutes les autres vont finir par terre.
D’où l’acharnement des marionnettistes de Wall Street à entretenir les muppets dans l’illusion que le nombre d’assiettes en rotation peut tendre vers l’infini… et au-delà.
2 commentaires
je vous admire de rester optimiste , de part votre fonction… !!!
Gentiment
[…] 16 mar 2012 — Un marché noyé sous les liquidités pour que les banques puissent faire joujou […]