▪ Les marchés rentrent dans la dernière ligne droite. Il ne reste que cinq séances (dont les quatre qui vont précéder la séance des « Quatre sorcières » de vendredi) pour installer les indices boursiers sur des niveaux qui arrangent au mieux les affaires des plus puissantes institutions financières anglo-saxonnes.
Nous supposons que l’issue la plus favorable serait un statu quo d’ici le début de la trêve des confiseurs qui débute le week-end prochain. Wall Street terminerait ainsi à l’équilibre sur l’ensemble de l’année 2011, avec même de légers gains pour le Dow Jones et le Nasdaq 100.
Le second avantage — et pas des moindres — serait que tous les produits dérivés qui permettaient de miser sur du directionnel (une tendance haussière ou baissière à moyen terme) et qui arrivent à échéance le 16 décembre, expireront sans valeur.
Autrement dit, les institutionnels qui sont structurellement vendeurs de prime vont les encaisser intégralement et les acheteurs vont perdre symétriquement leur mise.
Il n’aura échappé à aucun gérant de portefeuille pratiquant une allocation internationale de ses actifs que les places européennes enregistrent un repli de 16% en moyenne sur l’année 2011. Elles affichent même 20% de handicap par rapport aux 100 plus grosses capitalisations cotées à Wall Street — qui vont jusqu’à 21% par rapport aux 30 industrielles du Dow.
Pas moyen de se consoler avec un effet devise favorable qui survaloriserait les actifs en dollar ; en effet, l’euro affiche en ce 12 décembre un cours de 1,3360 $ qui est strictement identique — à 0,01% près — à son score de clôture du 31 décembre 2010.
Mais les places européennes ne sont pas les seules à terminer l’année dans la douleur : Hong Kong et Shanghai affichent des scores similaires (-17%), Bombay chute de 20% et Taïwan figure comme lanterne rouge avec -22%.
Pour mémoire, seul Milan fait pire avec -23,5%… et très loin au sud, l’Argentine ferme la marche avec -27,5%.
Les places asiatiques se retrouvent en ce début de semaine à la croisée ses chemins. Shanghai évolue désormais au plus bas depuis le 1er janvier (et même juin 2010). Cet indice a souvent fait office de précurseur de la tendance sur les places occidentales tandis que Hong Kong réplique l’évolution de Wall Street ou de l’Eurotop 100 avec beaucoup de fidélité.
▪ Les Etats-Unis engrangeaient +1,75% en moyenne à la veille du week-end. La raison officielle est qu’il convient de se réjouir bruyamment des accords signés à Bruxelles vendredi matin, et d’oublier que les taux longs italiens affichent, depuis jeudi dernier, des rendements qui naviguent entre 6,6% et 7%.
A Paris, le jeu a consisté à ramener le CAC 40 au contact des 3 165 points (score de clôture du vendredi 2 décembre). Cela a pu avoir lieu grâce à un rebond inespéré de 2,48% ; l’indice en termine même à 3 172 points et ne recède pas un pouce du terrain engrangé la semaine précédente (10,4%).
Du point de vue psychologique, un gain hebdomadaire de 0,2%, c’est très différent de la baisse de 3,5% affichée vendredi au cours des premiers échanges — le CAC40 a même glissé jusque vers 3 060 points. Les financières ont fait pencher la balance du bon côté car deux valeurs sur trois ont clôturé dans le rouge (ou restent inchangées) la semaine dernière !
Les marchés ont ignoré les mauvaises nouvelles comme une déferlante sans précédent de menaces d’abaissement de notation sur les banques. Sont visés les assureurs (vendredi soir), les emprunteurs institutionnels (collectivités locales, réseaux ferroviaires) et les Etats.
▪ Les investisseurs interprètent cette occultation des avis négatifs des agences de rating comme le signe apparent d’une confiance revenue dans un avenir boursier plus souriant. Cependant, il ne faut pas oublier les anticipations de ralentissement conjoncturel tous azimuts : Allemagne, Chine, Brésil, Russie, ainsi que les sévères récessions au sud de l’Europe.
Les accords de convergence du sommet de Bruxelles n’indiquent à aucun moment comment les pays en déficit retrouveront le chemin de la croissance. La seule avancée porte sur l’instauration d’une « discipline de fer » (expression chère à Wolfgang Schäuble) qui mêle allègrement rigueur budgétaire, perte de souveraineté fiscale et sanctions automatiques.
Les commentateurs officiels (ministres de l’Economie ou du Budget) se réjouissent du succès du sommet de Bruxelles qui va rassurer les marchés.
Mais les marchés n’en ont rien à faire d’être rassurés — et encore moins de déclarations qui n’ont aucune pertinence économique avérée. Ce qu’ils veulent, c’est de la liquidité, toujours plus liquidité, afin de leur permettre de mener à bien leurs dernières opérations d’habillage de bilans pour la fin d’année.
▪ La Fed leur a fait une fleur le 30 novembre avec une extension des accords de swaps en dollar : pour faire simple, elle permet à la BCE de se procurer autant de dollars qu’elle le souhaite, sans limite de quantité ni de durée. Cela a aussitôt fait bondir les Bourses de 2,5% à 3% en une poignée de minutes.
Ce genre d’initiative n’est pris qu’en dernière extrémité et ne produit d’heureux effets que durant un laps de temps limité. C’est un emplâtre sur une jambe de bois, un bain de glaçons administré à un patient qui fait une poussée de fièvre.
Cela apporte de la liquidité mais ne résout en rien les problèmes de solvabilité. La meilleure illustration nous est fournie par la multiplication des opérations de ce genre du 18 septembre au 25 novembre 2008.
A chaque fois, Wall Street a rebondi de 10% à 15% ; à chaque fois les indices ont enfoncé leurs précédents planchers annuels dans la quinzaine qui a suivi.
A l’époque, les injections de liquidités (sous forme de swaps) étaient accompagnées d’annonces de plans de soutien aux banques ou à l’économie pesant des centaines de milliards de dollars.
En 2011, la seule forme d’accompagnement, c’est plus de rigueur.
Et une rigueur extrême risque de s’abattre sur les valeurs qui ont déçu les marchés d’ici vendredi — c’est le sort habituel réservé aux canards boiteux durant la période d’habillage des bilans. Mais il se pourrait qu’une variante permette à certaines d’entre elles d’échapper à un sort funeste… à condition qu’elles appartiennent au secteur bancaire et que leurs besoins de refinancement (renforcement de leurs fonds propres) soient modestes.