Par Jean-Claude Périvier (*)
Quelle ironie du sort ! Il y a quelques années, le recours à l’énergie nucléaire ne faisait pas recette. Hormis la France qui en a fait son cheval de bataille depuis le général de Gaulle, le nucléaire souffre d’une mauvaise image dans le monde : le souvenir d’Hiroshima, les accidents de l’usine de Three Mile Island aux Etats-Unis, puis de Tchernobyl en Ukraine ont effrayé l’opinion publique. Les organisations écologistes ont surfé sur cette peur, mettant en évidence les risques potentiels liés à ces infrastructures et la question épineuse de la gestion des déchets. Mais aujourd’hui, il y a presque tous les mois un nouvel État qui lance un programme nucléaire civil. Et on voit même le retour des pays qui avaient écarté le nucléaire pour diverses raisons.
Ainsi, les Etats-Unis ont commandé à Toshiba une centrale nucléaire. C’est la première depuis trente ans. Une trentaine est programmée d’ici 2030. L’Italie a conclu un accord avec la France pour un premier EPR (European Pressurized Reactor), trois autres suivront. La Grande-Bretagne a décidé de relancer son programme nucléaire, le rachat de British Energy par EDF devant faciliter la chose. Même la Suède, viscéralement anti-nucléaire pendant des décennies, qui avait décidé un arrêt complet des activités nucléaires pour 2010, vient de décider son retour dans cette énergie. L’Allemagne rouvre le débat sur la sortie ou non du nucléaire, mais les partisans de conserver et développer cette énergie sont de plus en plus nombreux. L’Inde, les Emirats, l’Afrique du Sud, la Chine, ont commandé des centrales. Et ne parlons pas des projets iraniens…
Bref, c’est une centaine de centrales qui devrait voir le jour dans les vingt prochaines années !
L’énergie nucléaire n’est cependant pas la panacée universelle. Voici ce que nous dit Anne Lauvergeon, présidente d’Areva : "cette énergie ne peut s’adresser qu’à un pays rationnel et stable, car les décisions relatives au développement du nucléaire doivent obéir à la raison, à la rigueur et au temps".
Une concurrence féroce parmi les leaders
Devant ce marché colossal, les appétits se déchaînent, mais la barrière d’entrée est particulièrement haute. Il s’agit en effet, vous vous en doutez, de projets industriels lourds, complexes et coûteux.
Curieusement, dans un domaine de si haute technologie, les Américains ne se taillent pas la part du lion, loin s’en faut. Pourtant Westinghouse avait construit le premier réacteur à eau pressurisée en 1957. Il faut dire qu’ils ont pris un retard considérable depuis 1979, mais les temps changent, et leur volonté est affichée de revenir dans la course, notamment sur des techniques innovantes pour l’enrichissement de l’uranium.
En réalité, il y a deux leaders mondiaux actuellement : Areva et Toshiba/Westinghouse. Areva (20% à 25% du marché mondial) a pris de l’avance grâce à la politique industrielle française, et paraît le mieux placé — en particulier parce que l’EPR est déjà en construction. Le second (15% à 20% du marché mondial) n’a une centrale de troisième génération que sur le papier, ce qui ne l’empêche pas d’en vendre, notamment à la Chine. General Electric fait aussi partie du club, associée à Hitachi, visant plutôt les réacteurs de moyenne puissance et la partie amont de la filière.
Nous verrons la suite et la fin demain…
Meilleures salutations,
Jean-Claude Périvier
Pour la Chronique Agora
(*) Parallèlement à sa carrière dans le conseil aux entreprises et l’intelligence économique, Jean-Claude Périvier s’intéresse à la Bourse et à l’investissement depuis 1986. Analyste de talent, il excelle à détecter et anticiper les tendances futures… pour en déduire les meilleures opportunités de gain dans sa toute nouvelle lettre d’information, Défis & Profits.