▪ Aux lecteurs qui se demandent depuis plusieurs semaines comment Wall Street fera face à l’expiration du QE2 fin juin, nous ne pouvons que leur répondre : « en tournant ostensiblement le dos à ce problème ».
Les marchés savent pertinemment qu’il n’y pas d’alternative. Personne n’a les moyens ni la volonté de se substituer à la Fed qui rachète depuis sept mois 70% des émissions du Trésor américain.
A tous ceux qui privilégient le scénario d’un QE3 — jugé incontournable –, il nous semble utile de rappeler que tout l’argent injecté par la Fed n’a pas suffi à soutenir la croissance ni l’emploi (les chiffres du mois de mai en témoignent).
▪ Depuis fin 2010, les Etats-Unis connaissent un passage à vide qui s’aggrave au fil des semaines. Un QE3 serait assimilé à une fuite en avant devant le risque de banqueroute des Etats-Unis. Il y aurait à la clé une nouvelle chute du dollar qui ferait flamber les matières premières et les denrées agricoles.
Il en résulterait un fort risque d’instabilité sociale et politique dans les pays émergents. C’est une perspective qui provoque des sueurs froides à Pékin ou à Delhi; il en va de même dans de nombreuses capitales arabes qui font face à des difficultés aiguës de financement depuis les bouleversements politiques survenus ces quatre derniers mois.
La mise en oeuvre d’un QE3 pourrait être pire que le mal qu’il est censé combattre (c’est-à-dire une récession) : un regain d’inflation aux Etats-Unis et en Chine s’étendrait rapidement à l’ensemble de la planète.
Wall Street tente de rester serein face à un déferlement de problématiques non résolues. Pensons, entre autres, à l’extension du plafond de la dette des Etats Unis au-delà des 14 300 milliards de dollars.
▪ Alan Greenspan (l’ex-patron de la Fed) avertissait ce vendredi : « un défaut de paiement n’est pas une option… mais ne pas prendre de mesure pour réduire la taille de la dette serait tout aussi irresponsable ». Sauf que « faire des économies et accroître les rentrées fiscales, cela impactera nécessairement — et négativement — la croissance ». L’exemple des cures d’austérité imposées aux pays périphériques de l’Europe le démontre sans contestation.
La forte baisse du dollar (qui revenait au contact des 1,4600/euro vendredi) a dopé les valeurs exportatrices américaines. Cependant, cette baisse ne constitue pas un signe de confiance dans la solution qui sera négociée entre démocrates et républicains au sujet de la dette.
Il n’existe aucune alternative satisfaisante — et surtout pas celle de l’austérité — alors que l’économie américaine n’a créé que 54 000 emplois au mois de mai, contre 232 0000 en avril. Cela n’est pas une grosse surprise dans la mesure où l’enquête ADP préfigurait un score médiocre dès mercredi.
Cela s’accompagne cette fois-ci d’une remontée du taux de chômage à 9,1% (+0,2%) qui démontre l’atonie générale de l’économie. Les créations d’emploi sont au plus bas depuis septembre 2010, juste avant la mise en oeuvre du QE2.
La déception causée par les chiffres de l’emploi US au mois de mai n’a été que partiellement contrebalancée par une hausse plus forte qu’anticipée de l’indice des directeurs d’achat compilé par l’Institue for Supply Management.
L’activité remonte à 54,6 le mois dernier, contre 52,8 en avril (le consensus tablait sur une progression plus modeste vers 54). C’est toutefois loin de chasser de nos mémoires le plongeon de sept points de l’ISM manufacturier ou le ralentissement constaté dans la plupart des régions où la Fed réalise ses enquêtes de conjoncture.
▪ Les chiffres économiques n’apparaissent guère meilleurs en France puisque l’indice PMI de l’activité globale se replie à 60,3 (contre 62,4 en avril). C’est un simple ralentissement de la croissance de l’activité du secteur privé français, cependant, et la tendance de fond demeure positive d’après la thèse reprise en coeur par les permabulls.
Paris terminait in extremis à l’équilibre vendredi (+0,02% dans un volume franchement modeste de trois milliards d’euros), après avoir cédé plus de 1% après les piètres chiffres de l’emploi du mois de mai aux Etats-Unis.
Le bilan hebdomadaire ressort en baisse de 1,5% ; c’est la cinquième semaine consécutive de repli et la perte cumulée atteint 6% depuis le 2 mai.
Le recul global aurait pu dépasser les 7% sans la dissipation très opportune du risque de défaut de la Grèce, grâce aux rumeurs concernant un accord de financement de 60 milliards d’euros.
▪ La restructuration serait évitée au prix d’une nouvelle cure d’austérité et de dénationalisations massives. Les institutions financières privées (banques, hedge funds) seraient incitées à poursuivre leurs achats d’emprunts grecs venant à échéance d’ici 2013, sur la base du volontariat.
Certaines bonnes volontés devront être encouragées : à quand la négociation de cadeaux fiscaux pour compenser les pertes en cas de défaut ?
A moins qu’il ne s’agisse de l’occasion de vider discrètement Bâle III de sa substance ?