▪ La parenthèse haussière de mercredi et jeudi s’est brutalement refermée vendredi avec un lourd repli des indices européens (-1,3%). Ils inscrivent ainsi une troisième semaine de baisse consécutive.
L’hypothèque grecque refait surface et vient jeter un voile d’incertitude sur la crédibilité de l’euro.
Un allongement de la duration de la dette souveraine émise par Athènes (pudiquement qualifiée de « réaménagement de la maturité ») risque d’être considéré comme un défaut de paiement déguisé.
C’est ce que soulignait abondamment l’agence Fitch qui vient de dégrader de trois crans supplémentaires la notation de la dette grecque.
Si Bruxelles et la BCE tentaient de nouvelles bidouilles pour repousser l’heure de la restructuration (peu importe qu’elle soit douce ou brutale), le Portugal et surtout l’Irlande pourraient être tentés de demander à bénéficier à leur tour des mêmes « facilités » ; ils pourraient également réclamer l’octroi de taux de refinancement plus avantageux.
L’Espagne, quant à elle, devra à un moment ou un autre faire face à la bombe à retardement des caisses régionales. Ces dernières affichent, à coup de renflouements ponctuels et jusqu’à présent salvateurs, un montant astronomique de créances douteuses liées à l’éclatement de la bulle immobilière.
Les banques privées espagnoles ne sauraient échapper longtemps au risque de contagion des séquelles de l’immo-bulle et devront se tourner vers l’Etat espagnol pour survivre. C’est le même scénario qui a lieu avec les banques irlandaises et britanniques 18 mois auparavant.
Toute la stratégie des emprunteurs en difficulté (les fameux « PIGS ») consiste depuis le début de la crise à gagner du temps et repousser le moment où il faudra s’attaquer pour de bon aux vrais problèmes. Tout est fait pour que la collision avec le mur de la dette ne survienne pas avant 2013 ; le temps pour les banques d’installer une panoplie d’airbags afin de pouvoir survivre au choc.
▪ Les Etats-Unis ne procèdent pas autrement : leur situation comptable n’a rien à envier à la Grèce. Ils disposent quand même d’un atout majeur pour repousser sans cesse les échéances : la planche à billets ! Toutefois, ce stratagème ne peut fonctionner que si les créanciers acceptent d’être réglés en dollar fraîchement imprimés par la Fed.
Wall Street reste globalement confiant 48 heures après les minutes de la Fed. Cette dernière continue de qualifier l’inflation de « problème temporaire » — ce qui signifie la poursuite du laxisme monétaire le plus débridé.
Malgré le trou d’air de la fin de séance en Europe, les indices américains ne perdaient plus que 0,35% en moyenne à la mi-séance contre 1% vers 17h00 et 0,75% vers 17h30.
▪ La Bourse de Paris a terminé pratiquement au plus bas du jour à l’issue d’une séance technique d’expiration des options et contrats sur indices.
Un repli limité de 0,92% en clôture ramène tout de même le CAC 40 sous les 4 000 points. Le bilan hebdomadaire ressort négatif de 0,7%.
La performance de l’Euro-Stoxx 50 s’inscrivait franchement dans le rouge (-1,4% sur l’ensemble de la semaine) ; l’indice chute d’un bon -5% depuis le début du mois de mai.
A l’exception du CAC 40 — qui bénéficiait d’un régime de faveur — cette séance de vendredi effaçait l’intégralité des gains de la veille, accumulés dans des circonstances plus que suspectes. La volonté de tirer les cours à la hausse envers et contre tout paraissait évidente, et ce malgré une série de mauvaises chiffres concernant l’ensemble des secteurs d’activité économique aux Etats-Unis.
▪ Aucune statistique n’étant au programme vendredi aux Etats-Unis, le principal souci des cambistes avait trait au dossier grec, avec des taux à 10 ans qui grimpent au-delà de 16,65%. Sans oublier la triple dégradation de la note grecque par Fitch évoquée en préambule.
Dans ce contexte peu porteur — le problème d’Athènes n’est plus de trouver des liquidités mais de prouver sa solvabilité –, l’euro a fini par lâcher prise face au dollar : -1% à 1,4160 $ contre 1,43 $ jeudi. Le baril de pétrole rechutait de son côté de 100 $ vers 98 $.
La question du plafond de la dette américaine (qui a atteint il y a une semaine la limite fixée par le Congrès US) reste également non résolue. Les agences de notation surveillent de près les mesures visant à réduire les déficits… et ne voient rien venir !
▪ Ceux qui attendent qu’une tendance se dessine depuis le 1er avril ne voient rien venir non plus. Le S&P 500(-0,77% à 1 318 points vendredi) a lâché 0,34% sur l’ensemble de la semaine, après -0,17% la précédente.
La variation de Wall Street est de -0,5% sur les 15 derniers jours et de 0% depuis le 4 mars dernier — malgré Fukushima et l’hyper-volatilité des matières premières. Un vrai cauchemar pour les détenteurs d’options et de warrants dont la valeur temps s’est désintégrée sans rémission.
Au final, c’est le nombre d’acteurs restant présents sur les marchés qui menace de se désintégrer. Les quelques super-ordinateurs qui génèrent 90% des transactions quotidiennes à Wall Street se retrouvent tout seuls à générer une sorte de réalité virtuelle, un marché hologramme.
Sans substance ni interaction avec le monde réel, Wall Street ne répond plus depuis deux ans à la définition d’un marché. Reste à lui trouver une nouvelle dénomination. Que pensez-vous de « holobulle » ?