** Sous couvert du scandale AIG, la Fed a fait quelque chose d’imprudent cette semaine.
* "Le plan de la Fed stupéfie les investisseurs", titrait le Financial Times hier matin.
* Nous devrions tous être stupéfiés. Mais nous commençons à nous habituer aux escroqueries coûteuses.
* Suite à la dernière décision de la Fed, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a chuté plus qu’à tout autre moment depuis qu’on a commencé à suivre les chiffres en 1962. De 3,01% il est passé à 2,48%.
* Le rendement a chuté parce que la Fed a annoncé le rachat de 300 milliards de dollars de dette gouvernementale. Bien entendu, la plupart des gens ne savent pas ce que cela signifie. Mais à la Chronique Agora, nous ne sommes pas nés d’hier. Et nous suivons cette histoire depuis 38 ans.
* Oui, cher lecteur, depuis que Richard Nixon a coupé le lien entre le dollar et l’or, le monde utilise un système monétaire qui est, pour utiliser le terme le plus aimable possible, expérimental. La dernière expérience de ce genre — d’une échelle comparable — a été menée au XVIIIe siècle. La Banque Générale avait été mise en place par un filou, John Law, pour racheter les dettes de la France — qui n’en manquait pas. Un plan similaire fut mis en place peu après en Angleterre — connu plus tard sous le nom de Bulle des Mers du Sud. Ces opérations ressemblaient à la situation actuelle dans le sens où la banque substituait des morceaux de papier — des actions dans le cas de la South Sea Company — à des dettes gouvernementales.
* Dans la version américaine en l’an de grâce 2009, la Fed utilise des morceaux de papier vert appelés "dollars" pour acheter la dette gouvernementale.
* Attendez une minute… d’où proviennent les dollars ? Oh, lecteur, du même endroit que celui qui a donné naissance aux actions de la South Sea Company… ou de la Compagnie du Mississippi (la version française) — on les a simplement imprimés !
* Et de nos jours, on n’a même plus besoin de les imprimer. Lorsque la Fed rachète la dette américaine, elle ne fait qu’une note électronique… comme une reconnaissance de dette qui disparaîtrait dès qu’on éteint l’électricité.
** Lorsque ces plans de rachat de dette ont été mis en place au XVIIIe siècle, le cours de l’action a commencé par grimper. Les actions de John Law rencontraient un tel succès que les dames l’arrêtaient dans la rue… la rumeur courait qu’elles offraient leurs faveurs les plus secrètes pour avoir l’opportunité d’acheter. Les actions de la South Sea Company, de leur côté, furent multipliées par 10 en une année.
* Les obligations américaines ont beaucoup grimpé aussi suite à la nouvelle — évidemment, puisque l’investisseur le plus riche de la planète venait d’entrer sur le marché, en annonçant qu’il achèterait pour 300 milliards de dollars.
* Et si ça ne marche pas… il achètera plus encore.
* "La Fed projette d’acheter 1 000 milliards de dollars de titres pour aider l’économie", rapporte le New York Times.
* "La Fed se lance dans un ‘assouplissement quantitatif’ massif", déclare William Poole, ancien président de la Fed de St. Louis.
* Pourquoi pas ? Les banques centrales d’Angleterre, du Japon et de Suisse rachètent toutes leurs obligations gouvernementales. Le FMI aussi.
* De plus, tous les renflouages et les plans de relance n’ont pas fonctionné jusqu’à présent. Au moins ce dernier plan semble-t-il un peu plus sensé. Le problème, c’est la dette, non la liquidité. En rachetant les titres de Fannie et Freddie, la Fed abaissera le coût de la dette hypothécaire. Cela donnera aux propriétaires une occasion — peut-être la dernière de leur vie — de refinancer leurs maisons à des taux bas. L’objectif, avons-nous entendu, se situe entre 3 et 4%.
* A court terme, si le propriétaire peut refinancer à des taux aussi bas, il réduit son fardeau de trésorerie mensuel et libère des liquidités pour d’autres choses (comme le remboursement de sa dette de carte de crédit). A long terme, s’il peut verrouiller ces taux bas, il verra presque certainement le fardeau de dette lui-même s’alléger considérablement — grâce à la hausse des taux d’inflation.
* Prêteurs, attention ! Les bons du Trésor américain sont attirants parce qu’ils sont sûrs. Mais ils pourraient se révéler être le garde-fou le plus risqué de l’histoire de la finance. Nous sommes à un moment où il vaut mieux être emprunteur que prêteur. Les Américains peuvent refinancer leur maison au taux fixe de 5%. Durant les premières années, payer ce prêt pourrait être aussi douloureux que d’aller voir un conseiller conjugal. Mais ensuite, lorsque le mariage finira par se briser… et que l’inflation prendra le chemin des 10%, imaginez combien ils se sentiront libres et soulagés ! En quelques années, leur prêt aura quasiment disparu.
* C’est si attirant que nous serions presque tentés de le faire. Mais nous n’avons pas contracté de prêt hypothécaire depuis 20 ans… et nous n’en voulons pas aujourd’hui.