Par Emmanuel Gentilhomme (*)
Même pendant la crise, les Chinois continuent de voir loin. Les voilà en train de ramasser des minières à la pelle. Après l’affaire Rio Tinto/Chinalco, écoutez l’histoire de Fortescue. Voilà qui en dit long sur la sécurisation de ses approvisionnements par la Chine, et ses conséquences sur les mines étrangères.
Un peu de mise en scène !
Le cadre : l’Asie-Pacifique.
Les protagonistes : à ma gauche, la Chine, qui produit des matières premières, mais dont les 1,3 milliard d’habitants industrieux en consomment plus encore. A ma droite, presque aussi vaste que la Chine, l’Australie et ses 21 millions d’habitants qui croulent littéralement sous les ressources naturelles.
La puissance de feu minière de l’Australie
Tenez : selon l’Australian Bureau of Statistics (ABS), le pays détient les plus importantes réserves mondiales prouvées de lignite — un charbon prisé des centrales électriques thermiques –, de plomb, de nickel, d’uranium, de tantale et de zinc.
Il est en seconde position pour la bauxite, le cuivre, l’or, l’argent, et on y trouve aussi du fer (11% des réserves et cinquième rang mondial).
En 2006/2007, les mines employaient 1,5% de la population active — elles sont ultra-mécanisées –, mais pesaient 7% du PIB et 37% des exportations.
En Australie, une société cotée sur trois est une minière.
Puissance minérale rime avec dépendance étrangère
L’ABS estime que 21% de l’économie nationale tourne grâce à des entreprises étrangères, proportion qui monte à 45% dans les mines. Un record !
Si ce pourcentage n’est pas près de baisser, il va cependant changer de coloration. En 2000, parmi les 169 minières australiennes détenues par des étrangers (d’abord américains, puis japonais et britanniques), seuls cinq l’étaient par des groupes chinois. Ce chiffre va grimper. Très vite.
En Australie, la Chine boxe le fer dans toutes les catégories
Depuis deux ans, selon UBS, 26 minières australiennes ont vu débarquer des Chinois à leur capital, grâce à des prêts souvent accordés par la China Development Bank — une banque d’Etat.
Plus de la moitié des "cibles" étaient des mineurs de fer, à commencer par des "petits" : Cape Lambert Iron Ore, Fox Resources, FerrAus, Jupiter Mines, Australian Bulk Minerals, Golden West Resources, Centrex Metals… Pour les amateurs de boxe (chinoise ?), ces acteurs seraient des "poids coqs".
Rapidement, notre boxeur pékinois monte en grade. Fin 2007, le "poids léger" Murchison Metals lance une OPA sur son compatriote ferreux Midwest Corp. Ni une ni deux, le Chinois Sinosteel — une entreprise d’Etat — surenchérit et remporte 100% de Midwest fin 2008, contre 1,1 milliard de dollars.
Nous verrons la suite dès demain…
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières & Devises.