** Le mois de décembre nous apportera-t-il un peu de réconfort ? Les gérants qui croulent sous les liquidités attendent-ils le tout dernier moment pour regarnir leurs portefeuilles ? Ils ont peut-être peur de se faire piéger par un improbable effondrement de 9%, à l’image du désastre boursier survenu ce lundi 1er décembre.
Nous n’avons toujours pas digéré ce minikrach car toutes les explications — souvent d’une effroyable banalité — que nous collectons à droite ou à gauche nous renforcent dans notre conviction que ce mouvement de cours n’avait rien de très naturel. Nous n’avions jamais vu un écart de -6% du CAC 40 se matérialiser dans des volumes inférieurs à trois milliards d’euros.
Comment une telle démission collective des acheteurs est-elle possible ? Pourquoi aucun institutionnel n’a-t-il jugé opportun de ramasser des titres qui chutaient de 10% à 15% alors que la principale raison résidait dans la minceur des carnets d’ordres — purgés ce week-end pour cause de changement de mois boursier –, et non pas dans une soudaine prise de conscience que les Etats-Unis sont en récession depuis un an — ?
Il nous paraît de plus en plus difficile, avec le recul, d’admettre que les cours aient pu s’effondrer dans de telles proportions sans que les acheteurs potentiels ne se soient donnés le mot pour laisser Wall Street replonger sous l’impact de quelques liquidations de hedge funds. Ceux-ci espéraient profiter des achats techniques de début de mois pour achever de solder — brader à n’importe quel prix serait plus exact — leurs positions… et le temps presse, il ne reste que trois semaines avant la fin de l’année.
** Le séisme de lundi a connu deux répliques en début de matinée mardi et mercredi, d’une amplitude de -3% à Paris et de -2,5% en moyenne à travers l’Europe.
Paris inscrit néanmoins une seconde séance de hausse consécutive à l’arrachée. L’indice phare rechutait rapidement de 100 points avant de trouver une zone de rebond ; un tel écart ne manque pas de nous surprendre — une fois de plus — au lendemain d’un rebond de 4% du S&P 500.
Wall Street était certes attendu en repli de 1,5% mercredi matin, mais il faut se méfier des manipulations de cours sur un marché aussi étroit que celui des futures sur les indices américains, où des écarts excessifs sont souvent provoqués délibérément afin de maximiser des effets de levier sur des positions détenues sur les indices européens.
** Les places du Vieux Continent n’ont cependant pas perdu 2,5% (en moyenne) pour ce seul motif. Les opérateurs ont été confortés dans leurs anticipations économiques les plus sombres par la chute de l’activité dans le secteur tertiaire au sein de la Zone euro au mois de novembre.
Selon l’institut Markit Economics, l’indice PMI des services est retombé de 45,8 en octobre à 42,5 en novembre, atteignant ainsi son plus bas historique. Les ventes de détail dans l’Euroland dévissent de 0,8% selon Eurostat, contre -0,3% anticipé.
** Les Etats-Unis ont également eu droit à leur lot de chiffres calamiteux ce mercredi, mais après le coup de massue de lundi, le phénomène de "fait accompli" s’est imposé. Le marché de l’emploi américain se dégrade à une vitesse vertigineuse : dans son enquête mensuelle, l’agence ADP a indiqué que 250 000 postes ont été détruits dans le secteur privé en novembre, dont 44 000 dans le seul secteur de la construction (-521 000 en 24 mois), 158 000 dans le secteur industriel, 92 000 dans le secteur des services et 118 000 dans le secteur manufacturier.
La séance s’annonçait périlleuse à Wall Street mais de façon assez paradoxale, les indices américains ont entamé leur redressement dès16h, sitôt publié l’indice ISM des services. Il recouvre 80% du PIB américain et ressortait en chute libre de sept points à 37,3 en novembre, contre 44,4 en octobre.
L’activité continue ainsi de s’enfoncer sous la barre des 50 points — un seuil qui marque la frontière technique entre croissance et récession –, ce que constate également la Fed dans son Beige Book publié mercredi soir.
L’activité économique d’ensemble a faibli dans les 13 régions où la Fed possède des bureaux depuis la parution du dernier Beige Book le 15 octobre.
Aucun secteur d’activité n’échappe à la récession. La distribution, le dernier bastion des créations d’emplois au cours des deux trimestres précédents, s’est également mise à débaucher au mois de septembre.
L’Europe n’étant pas mieux lotie, les investisseurs anticipent une baisse des taux ce midi. Au moment où vous lirez ces lignes, vous saurez si la BCE et la Banque centrale d’Angleterre ont décidé d’orchestrer un nouvel assouplissement des taux de 50 à 75 points de base. Inutile de vous rappeler que si J.-C. Trichet continue de donner le sentiment qu’il accepte de réduire le loyer de l’argent (de seulement 0,5%), c’est uniquement que parce qu’il sent une baïonnette politique lui agacer le bas des côtes, alors les marchés risquent de (lui) manifester avec virulence leur complète incompréhension.
Philippe Béchade,
Paris