** Après la chute verticale des indices boursiers, voici celle du moral des ménages américains — de 61,4 jusque sur 38, selon le baromètre du Conference Board — et français — -3 points en octobre à -47, soit son plus faible score depuis l’origine, qui remonte à 1987 indique l’INSEE.
"Achetez la rumeur, vendez la nouvelle" recommande un vieil adage boursier et voici le Dow Jones en hausse de 3% moins de trois heures et de 10% à la clôture après la publication des pires chiffres de l’histoire des Etats-Unis de l’après-Seconde Guerre mondiale.
Les opérateurs ont accusé le coup en Europe. Le CAC 40 est retombé en un quart d’heure de 3 170 points jusque vers 3 030 points. Le dollar a reculé sous les 1,2580 euro avant de se redresser vers 1,2490. Le pétrole, en revanche, n’a pas réussi à se maintenir au-dessus des 64 $ (à 63,5 $), ce qui n’a pas empêché Total, BP ou Royal Dutch de grimper de 5 à 6%.
De tels écarts peuvent-ils expliquer des gains de 2,7% sur l’Eurotop 100 ou de 3,9% sur l’Euro Stoxx 50 sachant que les banques ont subi des pertes collectives allant de 10,4% sur BNP-Paribas (revenu un moment sous les 47 euros) jusqu’à 13,4% sur le Crédit Agricole, en passant par les 12,2% de la Société Générale (31,35 euros au plus bas).
La bourse de Francfort enregistre une hausse historique de 11,3% et l’indice DAX 30 repasse en 72 heures de 4 015 à 4 820 points, soit une hausse de 20% alors que, au cours du même intervalle, le CAC 40 perdait 6% et l’indice Dow Jones Stoxx 50 7,5%.
Nous pensions avoir vécu beaucoup d’événements boursiers grandioses ou grotesques, ébouriffants ou pitoyables, incongrus ou surréalistes… mais si vous rassemblez tous ces épithètes et que vous essayez d’inventer un successeur au vocable "abracadabrantesque", vous risquez fort d’être encore en dessous de la vérité s’agissant du scénario que nous allons vous narrer dès le prochain paragraphe !
** Nous venons tout simplement d’assister au corner du siècle sur le titre Volkswagen ! Au départ, rien que de très banal : Porsche ramasse des titres VW depuis des mois et même des années. L’opération devait aboutir à un rachat majoritaire et avait été annoncée dès le 3 mars dernier. La prise de contrôle s’est effectuée en douceur, même si elle demeure controversée.
Porsche s’emparant de son ancienne maison-mère — même si aucune fusion n’est en vue –, cela aurait pu en rester au stade de l’anecdote sympathique, en forme de pirouette du destin capitalistique, pour ces deux marques qui ont une origine commune, vieille de près de 70 ans.
Et puis, comme si on avait placé un débutant aux commandes d’un bolide de 500 chevaux préparé pour les 24 heures du Mans, tout a soudain dérapé. Certains opérateurs se sont en effet mis à redouter que Porsche n’en vienne à orchestrer le rachat des minoritaires — en fait, de gros institutionnels et un gouvernement régional — et le retrait de la cote de sa filiale.
Et à partir de là, les portes de l’enfer se sont ouvertes pour nombre de spéculateurs qui avaient joué Volkswagen à la baisse en l’absence d’OPA et alors que les constructeurs automobiles voient leur cours s’effondrer partout dans le monde. Un tel arbitrage semblait refléter un certain bon sens sauf que tout a dérapé dès lundi matin. Parti de 201 euros, vendredi matin, Volkswagen a vu son cours dépasser les 1 000 euros au bout d’une heure de cotations mardi matin.
Le titre accédait ainsi au statut surréaliste de première capitalisation planétaire (318 milliards d’euros), devant Exxon (270 milliards d’euros "seulement") et loin devant Microsoft et General Electric (315 milliards d’euros à eux deux). La cause de tout cela ? Une panique à la hausse sans équivalent dans l’histoire de la bourse allemande, les vendeurs à découvert ne trouvant plus de papier pour se couvrir alors que le flottant est désormais réduit à 6%.
Dès mardi matin, beaucoup d’opérateurs redoutaient l’annonce de pertes abyssales sur des positions spéculatives (actions et options négociables) à la baisse sur VW. 23 millions de titres avaient alors changé de main entre lundi et mardi et le cours avait connu un écart qui avait atteint jusqu’à 800 euros en 48 heures. En clôture VW s’est inscrit à 901 euros, soit une hausse de 73,3% et le cours moyen pondéré — calculé sur la masse des 12 millions de titres échangés — s’est inscrit à 760 euros.
Cette situation extraordinaire s’est matérialisée parce que le système des prêts de titres s’est retrouvé complètement court-circuité par l’impératif de les conserver pour ceux qui en détiennent de très grosses lignes jusqu’à l’exercice d’une option d’achat par Porsche.
Les vendeurs à découvert n’avaient d’autre choix que de racheter des VW à tout prix. Avec une réouverture à 500 euros mardi contre un prix de vente moyen de 190 euros sur les six derniers mois, c’était la liquidation automatique et sans conditions de tous les autres actifs en portefeuille.
** Il en résulté une chute de 180 points du CAC 40 (soit -5,6%) au cours de la première heure de cotation. Les valeurs allemandes, autres que Volkswagen, ont subis le même sort — mais sans conséquence pour l’indice DAX qui prenait symétriquement +4%, +7% puis +10% !
Alors, la grande interrogation qui circule depuis lundi à travers les salles de marchés n’est plus "de combien la Fed va-t-elle réduire son taux ?" mais bien "qui a perdu 100 millions ?".
La journée de mercredi devrait être marquée par un abaissement de 25 points et plus probablement de 50 points du Prime Rate par Ben Bernanke. Il donnera le ton en matière de politique monétaire pour d’autres banques centrales comme la BCE, la Banque d’Angleterre ou la Banque Nationale helvétique d’ici une semaine.
Ceux qui se sont fait carboniser par le corner sur Volkswagen savent déjà qu’aucune baisse de taux ne pourra les sauver !
Philippe Béchade,
Paris