** Frank Holmes est le PDG de U.S. Global Investors, une société de gestion spécialisée dans le marché haussier des matières premières. J’ai dîné avec lui récemment, au Blue Water Cafe de Vancouver. Attablés devant du saumon et des encornets, sirotant une délicieuse bière blonde locale, nous avons une fois de plus discuté des grands thèmes des marchés d’aujourd’hui.
– Les investisseurs sont toujours à l’affût d’un nouveau gros coup. Vous savez, une de ces idées si forte et si durable que vous pouvez y placer vos investissements en toute confiance, et les laisser traverser les hauts et les bas que subissent les marchés. Holmes appelle ça des "méga-tendances mondiales" – "une augmentation importante et substantielle des dépenses d’investissement dans tous les pays et tous les secteurs".
– Holmes a offert plusieurs exemples. Il y a eu la croissance massive des infrastructures dans les années 1950 et 1960, qui comprend la reconstruction d’après-guerre en Europe et la construction d’immenses autoroutes aux Etats-Unis. Il y a eu la méga-tendance des années 1990, qui a entraîné une croissance massive des technologies de l’information et des communications de données. Et il y a la méga-tendance actuelle : "un changement sans précédent dans la croissance mondiale, entraîné par la mondialisation, l’urbanisation et la création de richesses, qui mène à un boom de l’infrastructure mondiale à très grande échelle — tout à fait impossible à gérer".
– C’est énorme, mais je pense que Holmes a raison. Holmes cite également un certain nombre d’études — l’une de Booz Allen Hamilton, ainsi que celles de World Energy Outlook, du ministère américain des Transports, de l’OCDE et autres endroits à consonance officielle. Mais la facture totale, à quelques milliers de milliards près, s’élève à environ 41 milliers de milliards de dollars d’ici 2030 — pour l’eau, l’énergie, les routes et les ponts, ainsi que la marine et les ports.
– C’est notre prochaine méga-tendance. Ne la ratez pas. Nous travaillons déjà sur quelques idées, mais jetons encore un oeil à certains points importants de cette thèse.
** Tout d’abord, de grands mouvements de population. D’ici fin 2008, la moitié des habitants du monde vivront dans des zones urbaines. 500 millions de Chinois et 540 millions d’Indiens montrent déjà la voie. Les villes du monde ne cessent de s’agrandir. Pékin est passé de 12 millions à 16 millions d’habitants en une dizaine d’années. Il y a également beaucoup plus d’âmes sur la planète — nous sommes aujourd’hui six milliards. L’année prochaine, la population urbaine mondiale totale dépassera la population mondiale totale de 1965.
– Cela contribue à la croissance économique. Le continent asiatique, par exemple, construit cinq fois plus de logements que les Etats-Unis. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la Chine à elle seul en construit 80%. Ces constructions nécessitent la consommation de nombreuses matières premières, dont certaines auxquelles on ne penserait pas forcément — comme le ciment. L’Asie (hors Japon) utilise près de 14 fois plus de ciment que les Etats-Unis. L’Asie (toujours hors Japon) a également dépassé les Etats-Unis en matière de production de métal. La production de métal asiatique est six fois plus importante que celle des Etats-Unis. La consommation électrique est de 32% plus importante que celle des Etats-Unis.
– Je pourrai continuer ainsi sur des pages et des pages… les chiffres sont tout simplement impressionnants. Mais je pense que vous avez compris. L’industrialisation d’énormes populations asiatiques a lâché un torrent de demandes en produits de base.
– Il y a eu de nombreuses discussions à la conférence de Vancouver pour savoir à quel point la croissance économique asiatique dépend des consommateurs américains. La réponse n’est pas claire, comme vous pouvez vous en douter. Mais il est clair que les routes commerciales sont florissantes en Asie. Je vous ai déjà parlé de la Nouvelle route de la soie. C’est l’un de mes thèmes préférés – la réouverture d’anciennes routes commerciales qui s’étendent à travers le Moyen-Orient, l’Inde et la Chine. Holmes avait un graphique qui prouvait que la partie asiatique de cette ancienne route était toujours prospère — malgré le ralentissement économique aux Etats-Unis.
– Le commerce asiatique est en plein essor, même si les exportations vers les Etats-Unis ralentissent. Ce n’est d’ailleurs pas la seule donnée qui va dans ce sens. En Asie, les ventes au détail sont sur la pente ascendante tandis qu’elles sont en chute-libre aux Etats-Unis. Je pense qu’il est un peu arrogant de la part de certains analystes d’affirmer que la Chine n’existe que pour satisfaire nos besoins en matière de jouets en plastiques et de sous-vêtements bon marché. De leur point de vue, un ralentissement aux Etats-Unis condamne la plupart des économies asiatiques dépendantes de l’exportation. Plusieurs preuves démontrent que ce n’est pas le cas, du moins pas pour l’instant.
– En réalité, la demande asiatique est en augmentation pour nombre de produits. En 2008, les ventes de véhicules en Asie (hors Japon) vont certainement dépasser celles des Etats-Unis. C’est la première fois que cela arrive. Un beau jour de 2008, pour la première fois également, il y aura plus d’abonnés à internet en Chine qu’aux Etats-Unis. C’est certainement une place que les Etats-Unis ne pourront plus jamais viser. Et il y a désormais quatre fois plus de possesseurs de téléphones portables en Chine qu’aux Etats-Unis.
– Tous ces points ont été tirés de la présentation de Holmes, qui a selon moi peint un panorama étonnant des véritables changements historiques dans l’économie mondiale.
– La demande en énergie des pays asiatiques augmente aussi rapidement que l’économie asiatique en général. Vous pouvez également vous attendre à une augmentation de l’utilisation de l’aluminium, du cuivre, du minerai de fer, du charbon et du nickel — tous les matériaux de base nécessaires aux infrastructures.
– Holmes a affirmé que, pour satisfaire la demande mondiale en cuivre, le monde devrait creuser autant de mines pendant les 25 prochaines années qu’il en a creusées jusqu’à aujourd’hui. Ces prédictions pourraient être complètement fausses. Mais même si elles n’ont qu’une partie de vrai, cela laisse présager un long marché haussier des matières premières.
– Comme on l’apprend très tôt au cours de n’importe quelle carrière d’investisseur, le marché évolue rarement en ligne droite. Des années peuvent séparer les causes et les effets. L’une des méga-tendances de marché les plus importantes d’aujourd’hui, ce sont les infrastructures et tout ce qui s’y rattache. Ne laissez donc pas la récente volatilité de la bourse vous aveugler sur les opportunités d’investissement à long terme.
– Il y a des moments où il faut entrer dans l’arène, et non pas tenter de s’en échapper.