2018 nous a été vanté comme l’année de l’euro mais les tensions politiques, la crise budgétaire italienne et le ralentissement de la croissance en fin d’année démentent ce pronostic.
L’avenir de l’euro paraît sombre et le futur président de la BCE aura du pain sur la planche.
La semaine du 29 octobre était truffée de fêtes et d’anniversaires. On avait d’abord les 10 ans de Bitcoin, placés sous le signe d’Halloween (le 31 octobre), c’est-à-dire le jour de l’année où les règles sont suspendues.
Heureux hasard du calendrier, ou intention délibérée de la part de celui qui aura bravé la règle de monopole étatique de la monnaie ? Satoshi Nakamoto n’étant pas là pour trancher, la question restera en suspens.
Puis est arrivé le 1er novembre, qui était le 25ème anniversaire de l’entrée en vigueur de Maastricht, le traité ayant officialisé la décision de créer l’euro. Amusante coïncidence également, puisque ce jour-là est aussi celui de la fête des morts.
Avec les velléités fédéralistes d’Emmanuel Macron – élu président de la République en mai 2017 -, et la réélection d’Angela Merkel en mars 2018, on nous annonçait l’année du sursaut européen.
L’axe Paris-Berlin promettait un leadership fort, lequel devait permettre la réforme de la Zone euro dans le sens d’une plus grande stabilité financière et d’une monnaie pérenne, à défaut d’être forte.
Au mois de juin, avec la sortie de la Grèce du plan d’aide européen, Pierre Moscovici nous vantait un « moment historique », « un point final symbolique à une crise existentielle pour notre monnaie unique » qui annonçait des lendemains qui chantent et autres jours heureux.
Comme le savez, les choses ne se sont pas vraiment passées ainsi.
Angela partie, euro au tapis ?
Emmanuel Macron n’a jamais fait le poids pour imposer ses vues aux pays du nord, et la réforme tant attendue de la Zone euro n’a pas eu lieu. Angela Merkel a annoncé début novembre qu’elle quittera dans tous les cas la chancellerie allemande en 2021, ce qui ne va pas vraiment dans le sens d’un euro fort.
Tout cela avec en toile de fond de fortes dissensions politiques au sein de l’UE sur deux éléments fondamentaux :
- L’arrivée au pouvoir de partis qui ne sont pas aussi bienveillants que monsieur Macron et madame Merkel vis-à-vis de l’immigration non qualifiée en provenance de pays culturellement très différents des nôtres ;
- Une montée des tensions entre les pays du nord et les pays du sud au sujet de la politique budgétaire, lesquelles ont atteint leur apogée le 23 octobre avec le rejet du budget italien par la Commission européenne (une première historique).
Les nuages continuent par ailleurs de s’assombrir dans le ciel économique et financier, avec :
- Un risque qui monte sur la dette publique italienne, alors même que le nouveau gouvernement a opté pour la fuite en avant budgétaire ;
- Un système bancaire européen farci de dette publique et autres créances douteuses ;
- Un Mario Draghi qui nous promet que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et que la BCE va poursuivre la normalisation de sa politique, tel que cela est prévu de longue date ;
- Des élites allemandes qui s’angoissent à l’idée de ne jamais revoir leurs 1 000 Mds€ de créances TARGET-2, et qui ont du mal à avaler les bobards de l’Italien à la tête de la BCE.
Sur ce dernier point, j’ai moi aussi du mal. Regardons donc de plus près quelle est la situation.
« Ce ne sera pas simple d’être le prochain président de la BCE »
Voilà ce qu’avance Natixis dans un Flash Economie en date du 24 juillet.
Le raisonnement est le suivant :
« Le prochain président de la BCE, à la fin de 2019, héritera d’une situation où :
- il n’existera aucune marge de manœuvre de la politique monétaire en cas d’affaiblissement de l’activité ;
- si la croissance diminue, les gouvernements des pays de la Zone euro reviendront à une politique budgétaire expansionniste, et, avec les niveaux déjà très élevés des taux d’endettement publics, la BCE pourra être obligée de monétiser ces déficits publics (de réouvrir donc le quantitative easing) ;
- la BCE pourra aussi être confrontée à des crises des dettes publiques, en l’absence de mécanisme de mutualisation du risque entre les pays de la Zone euro, avec le risque que certains pays mènent des politiques budgétaires anormalement expansionnistes ou bien soient dans une situation de crise politique avec l’Europe. La question se posera alors pour la BCE de soutenir ces pays, avec le risque de faire apparaître un fort aléa de moralité, ou de ne pas soutenir, avec le risque de faire exploser l’euro. »
Difficile de faire plus clair : si la croissance ne repart pas, la gouvernance monétaire de la zone euro risque de vilainement déraper. Mais à quoi peut-on s’attendre, sur le plan de l’activité économique ?
Si l’on s’en remet au consensus, les choses devraient bien se passer.
Fin juin, Natixis (1) rappelait que les prévisions étaient les suivantes :
L’équipe de recherche de Patrick Artus dressait le constat suivant :
« Les prévisionnistes sont donc relativement optimistes au sujet de la croissance future de la Zone euro, même si, au début de 2018, les différents indicateurs conjoncturels* se dégradent ».
(* indices PMI, ventes au détail, carnets de commandes et sentiment économique global)
Mi-septembre, lors de son point trimestriel (2), la BCE revoyait légèrement sa copie.
« La Banque centrale européenne table désormais sur 2% de croissance du PIB cette année et 1,8% l’an prochain, soit 0,1 point de moins », diffusait La Tribune.
Une inflation de 1,7% et une croissance entre 2,1% et 1,7% voilà qui n’est pas franchement dramatique, n’est-ce pas ?
Mais pourtant la BCE pourrait bien ne pas en avoir fini d’abaisser ses prévisions de croissance comme nous allons le voir…
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(2) https://www.ecb.europa.eu/pub/projections/html/index.en.html