▪ Rien de bien passionnant (mais très énervant pour moi du moins) mais depuis décembre 2012, j’essaie de fermer un compte que je possède dans une banque française, la LCL, pour ne pas la nommer.
Malgré mes demandes répétées, plus de 10 mois après mon courrier, après déplacement en agence et moult coups de téléphone avec mes gestionnaires, mon compte n’est toujours pas clos. Je me demande s’il le sera un jour — je soupçonne qu’il m’enterrera. Evidemment, entre temps, des frais de gestion de compte ont été prélevés dessus, si bien que je suis maintenant à découvert.
Passons sur mon cas (un peu trop) personnel… pour nous intéresser à la santé des banques françaises et européennes. Je dois vous avouer que mon premier réflexe devant l’obstination de la LCL à maintenir ouvert un compte bancaire inutilisé depuis presque un an, c’est de m’inquiéter pour la santé de ma future ex-banque. Il faut vraiment avoir des problèmes de fonds propres pour s’accrocher ainsi à ses clients, me suis-je dit.
Ce qui m’a donné envie de me pencher un peu sur les comptes de la LCL et de ses camarades français et européens. Or cela tombe bien, les banques vont à nouveau faire l’actualité.
Vous le savez, les banques sont le talon d’Achille de l’Europe. Leur dangerosité n’est plus à prouver — dans une précédente Quotidienne j’avais repris le classement fait par Goldman Sachs des banques européennes à plus fort effet de levier (donc les plus dangereuses). Vous pouvez le retrouver ici, mais sachez que parmi les cinq premières, trois sont françaises (Crédit Agricole, Natixis, Société Générale).
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Ce qu’une grand-mère chypriote peut vous apprendre sur la faillite de la France…
… et trois moyens de vous en protéger.
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Ce n’est pas complètement de leur faute — j’essaie de leur trouver des circonstances atténuantes malgré mon état actuel d’énervement –, elles ont été prises dans l’engrenage de leurs relations un peu trop proches avec les Etats. Je m’explique : les banques sont les principaux acheteurs de dette obligataire non seulement de leur propre pays mais aussi des Etats de la Zone euro.
Quand la crise de l’euro s’est déclenchée, ces obligations se sont avérées être de véritables bombes à retardement au coeur des actifs des banques. A cela se sont ajoutés les crédits immobiliers issus de bulles immobilières (je pense tout particulièrement à l’Espagne ou l’Irlande) et les défaillances d’entreprises ou de particuliers. Défaillances qui se sont multipliées avec l’explosion du chômage, l’effondrement de la consommation et la récession.
Les banques européennes ont déjà fait l’objet de plusieurs vagues d’aides. De leur Etat, de la Troïka ou encore de la BCE via le LTRO (Long Term Refinancing Operations).
Malgré ces aides, malgré les bons résultats des banques au premier semestre 2013. « Les grandes banques européennes sortent du long tunnel de la crise », titrait en août dernier Les Echos, publiant le tableau suivant :
Des résultats essentiellement dus à des activités de trading et qui n’ont toujours pas rendu les banques solvables. D’après le comité de Bâle, le besoin de fonds propres des banques de la planète se monte à 115 milliards d’euros. 115 milliards qui doivent leur permettre de satisfaire aux nouvelles règles dites de Bâle III fixant le ratio de solvabilité minimum à 7%.
Ce qui signifie que les banques doivent posséder en fonds propres 7% de leurs actifs… pondérés des risques (ces trois derniers mots sont importants). Voilà pour la théorie, car dans la pratique — et surtout si vous êtes un lecteur régulier de Mory Doré — vous savez que ce n’est pas si simple.
Pour faire vite et vous donner une idée de l’ampleur du risque que représentent les banques, disons que les actifs d’une banque sont pondérés selon un calcul de risque. Ainsi la dette souveraine d’un Etat est considérée comme pas du tout ou très peu risquée et ne « consomme » donc presque aucun fonds propres. Bon… tout est dit, non ? La crise de l’euro nous a prouvé qu’un Etat pouvait faire quasi-faillite. Cela a été le cas de la Grèce, qui n’a pas officiellement fait faillite mais qui a restructuré (beaucoup de jargon en ce domaine) une très grande partie de sa dette.
Ceci précisé, revenons aux banques européennes. Sur le total de 117 milliards de dollars de fonds propres que les banques vont devoir trouver très rapidement pour satisfaire à Bâle III, 61% concerne les banques européennes. A elles seules, elles doivent trouver 70 milliards d’euros d’ici 2019 (date limite fixée par Bâle III).
Les banques européennes sont donc confrontées à deux problèmes majeurs :
– trouver des liquidités pour satisfaire aux règles de Bâle III ;
– et purger leurs bilans des actifs douteux. Elles ont déjà évacué 2 900 milliards d’euros.
Mais il leur en reste 3 200 milliards d’euros au bas mot.
Comment vont-elles faire ? Augmenter leurs activités de trading, très certainement. Mais aussi attendre l’aide qui vient d’en haut… celle de la BCE.
▪ Des milliards, et vite !
L’institution de Francfort envisage en effet un nouvel LTRO, le troisième du genre.
Qu’est-ce qu’un LTRO ? Simone Wapler donnait la réponse dans sa Stratégie : « ces opérations (d’une durée de trois ans) consistent pour la BCE à créer de l’argent en acceptant en gage des créances pourries. Sont éligibles par exemple la dette souveraine portugaise, des prêts automobiles espagnols… Ces créances plus que douteuses sont apportées par la banque commerciale à qui la BCE va prêter de l’argent ».
Fin 2011 et début 2012, la BCE a ainsi lancé deux LTRO, pour un montant total de 1 000 milliards d’euros. Petite citation des Echos : « rappelant que les banques de la Zone euro ont remboursé une grande partie des deux premiers LTRO accordés fin 2011 et début 2012, Mario Draghi a jugé que cela constituait ‘d’un côté un bon signe car cela montre que les banques ne sont pas dépendantes du financement de la BCE’. » (Le gras est de moi).
Je me permets une petite parenthèse ironique. Que pensez-vous que représente « une grande partie des deux premiers LTRO » ? 50% ? 60% ? 80% ?
Non… 32,3%, soit 323 milliards d’euros (chiffres datant d’août dernier).
Les banques ont donc remboursé 323 milliards d’euros sur les 1 000 prêtés, et Mario Draghi envisage un nouveau prêt. Pourquoi ? Officiellement parce que « les excès de liquidités » s’assèchent sur les marchés. Ce qui veut dire qu’il y a de moins en moins d’argent (les banques remboursent les liquidités prêtées par la BCE) mais aussi que celui-ci circule moins. Ce qui nous ramène à ce bon indicateur de la santé des banques que sont les prêts interbancaires, et le taux auquel elles se prêtent entre elles.
Ces prêts sont à la base du fonctionnement des banques. Quand elles se montrent réticentes à se prêter de l’argent entre elles, ce n’est pas très bon signe. Or dernièrement ce taux est de nouveau en hausse.
Simone résume ainsi la situation : « les banques ont trop prêté. Faute de croissance, les créances deviennent de plus en plus douteuses. Pour masquer des pertes, on maquille une crise de solvabilité (la banque devrait s’asseoir sur ses mauvaises créances, quitte à faire faillite) en crise de liquidité (la banque a simplement une fin de mois difficile à passer) ».
▪ Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
– Nouveau prêt aux banques par la BCE
– Nouveau prêt à la Grèce
– Nouveaux risques au Portugal
– Remontée des taux obligataires dans toute l’Europe (ce qui risque à terme de peser sur votre assurance-vie)…
Le problème des banques européennes est très loin d’être réglé.
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