Par Sylvain Mathon
La Chine n’a qu’une envie : récupérer le juteux business des matières premières
Le raisonnement de Jim Rogers est simple : la Chine — qui accapare déjà un tiers de la demande mondiale en cuivre, un sixième du blé, un cinquième du soja — s’intéresse plus que jamais au trading de matières premières.
"Ce qui va se passer", explique-t-il à un journaliste de Bloomberg, "c’est qu’à Singapour, à Hong Kong, à Shanghai ou ailleurs, on sera très heureux de récupérer ce business ! Les trois places boursières chinoises où se négocient des commos sont en plein boom. A Dalian, on traite déjà plus de contrats soja qu’à Chicago — et ça, c’est avec une devise bloquée [le renminbi], sur un marché fermé…"
"Imaginez un peu ce qui arrivera dès lors qu’ils ouvriront ce marché à l’étranger… Mais ça va exploser !"
L’Amérique a toujours aimé les entrepreneurs… mais pas les financiers !
Par conséquent, les traders ont peut-être raison de ne pas trop s’inquiéter : la régulation, si elle parvient à voir le jour, sera difficile et périlleuse.
Pour autant, le milieu du trading en énergie traîne une sale réputation depuis le scandale Enron. Ses acteurs ont un poids économique indéniable. Du coup, ils ont tendance à se croire intouchables : mais je me méfie malgré tout de leur optimisme. L’Amérique, surtout en période de crise, a toujours aimé les entrepreneurs… mais pas les financiers !
Je ne sais donc pas qui va gagner. Tout me semble possible
Un coup de force du gouvernement Obama, un compromis acceptable pour les deux parties, ou encore des mesurettes qui donnent le change à l’opinion tout en laissant le champ libre aux opérateurs.
Quant à l’impact réel de ces plafonds, s’ils entraient en vigueur… Là encore, l’incertitude domine.
Une chose est sûre :
Le marché des dérivés matières premières va être dominé, dans les mois qui viennent, par les signaux, même ténus, qui émaneront du front réglementaire. Préparez-vous à entendre reparler de la FTC, de la CFTC, de la SEC et de la FSA… Et à voir les cours réagir vivement aux annonces.
Les opérateurs vont être rivés à l’actualité des régulateurs… Tout en surveillant de près le second levier du marché : le contexte fondamental.
La Chine et le dollar, au coeur des matières
Les regards du secteur commos sont naturellement tournés vers la "locomotive" des BRIC. J’ai mentionné en juin dernier les excellents chiffres de la croissance chinoise, qui ont fait l’effet d’une véritable injection de vitamines pour bon nombre de marchés d’actions.
Cette résilience des économies émergentes se conjugue à un phénomène non moins crucial : la dévaluation attendue du dollar, dont je vous ai parlé. Les plans de relance du gouvernement Obama sont coûteux ; ils tombent aussi dans un contexte où les cours pétroliers se rapprochent de leurs anciens sommets. Tout cela — si ces plans sont suivis d’effets — risque d’accentuer les pressions inflationnistes, tirant le billet vert à la baisse.
L’attentisme, voire la nervosité de beaucoup d’investisseurs tiennent à cette anticipation d’une "lame de fond" de dollars dévalués.
Mon avis sur l’avenir du secteur ?
Ces facteurs, haussiers pour le marché mondial des matières premières, sont accueillis diversement par les analystes ou les gérants.
Les précurseurs et les joueurs de court terme sont entrés très tôt, pour profiter du rebond : ils ont largement alimenté la remontée des cours à laquelle on assiste depuis quelques mois. Mais ils sont aussi les premiers responsables des prises de bénéfices, dès lors qu’un marché se redresse : et les incertitudes de l’évolution réglementaire ne les incitent pas à pousser leur chance.
D’autres — dont les investisseurs de plus long terme — redoutent carrément la reformation d’une nouvelle bulle spéculative : ils s’abstiennent d’entrer ou alors, ils le font dans des proportions très prudentes.
Tel est le paradoxe actuel du secteur : alors que tout le monde est à peu près d’accord sur la hausse du secteur à long terme, la crainte des spéculateurs les retient de miser à cette échelle ! Les opérateurs se regardent en chiens de faïence, tout en privilégiant les opérations à déboucler rapidement…
Meilleures salutations,
Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora
[NDLR : Retrouvez les analyses et conseils de Sylvain dans Matières à Profits — une lettre d’information spécialisée dans les marchés des matières premières… et les profits qui vont avec ! Il suffit de suivre le guide…]