▪ Les marchés occidentaux nous présentent leur nouveau ratio vedette : 85/15 en faveur de la hausse… même l’URSS n’aurait pas fait mieux !
Paris (+0,3%) a inscrit ce mardi 18 décembre sa meilleure clôture annuelle à 3 648,6 points. L’indice réalise par la même occasion un second exploit, historique celui-là : le CAC 40 vient d’inscrire 19 clôtures positives sur 22 séances.
Car il faut bien y inclure la séance de lundi : le cash n’a reculé que du montant du coupon détaché par Total, soit cinq points d’indice (ou -0,15%) tandis que la journée s’est terminée dans le vert pour les détenteurs de contrats à terme sur indice CAC (ou « PX1 »).
Cela représente un ratio de 85% en faveur des hausses sur un mois écoulé. C’est sans précédent… et aucune consolidation supérieure à 0,8% n’est venue dépareiller la série haussière, ce qui est — là encore — du jamais vu en 25 ans !
▪ Le CAC 40 obligé de faire du sur-place
Si le CAC 40 a bizarrement rétrogradé de 0,15% au moment du fixing (de 3 655 vers 3 648 points à 17h35), cela démontre de façon éclatante que la priorité des sherpas du marché n’est pas d’orchestrer un rally de fin d’année mais bien de maîtriser la volatilité par le biais de la fameuse camisole algorithmique (l’expiration du VIX, c’est demain). Cela interdit au CAC 40 de matérialiser le moindre écart de plus de 15 points en intraday depuis une bonne semaine.
Une camisole que la plupart des commentateurs font semblant de ne pas voir. Ce n’est surtout pas le moment d’attirer l’attention des épargnants sur le fait que le jeu est complètement truqué et que les cours sont délibérément maintenus à des niveaux artificiellement élevés afin de gonfler les bonus des brasseurs d’argent…
C’est ainsi qu’en l’espace de quelques semaines de hausses systématiques, un discours complètement uniforme et pré-formaté a séduit une écrasante majorité de gérants et de stratèges qui n’avaient pas vu venir le rally des quatre dernières semaines.
90% des professionnels récitent comme un mantra la leçon bien apprise : le risque systémique s’est envolé grâce à Mario Draghi — pour l’heure, il s’en est tenu à la « magie du verbe » — et comme les placements obligataires ne rapportent rien (cela fait juste quatre ans que nous en sommes là), la seule alternative sera l’achat d’actions, peu importe qu’il y ait ou non de la croissance en 2013, peu importe que les dividendes stagnent ou se contractent.
Tout le monde (ou presque) fait donc l’apologie de l’investissement par défaut ! C’est bien la preuve que les politiques monétaires non-conventionnelles subvertissent totalement les mécanismes de fixation du prix des actifs et rendent les marchés inefficients.
▪ Ah bon ? L’euro est sauvé ?
Le problème, c’est qu’il y a une erreur fondamentale — pourtant acceptée comme une évidence : on part du principe que l’euro est sauvé !
S’il ne vole pas en éclats dans l’instant (la Grèce était supposée quitter l’euro en 2012 ou 2013), c’est le modèle social européen qui se désintègre symétriquement. Après Mario Draghi cet été, c’est Angela Merkel qui l’a réaffirmé hier devant le Bundestag.
C’est une évidence : les ajustements compétitifs ne pouvant s’opérer via la devise, ils sont obtenus par l’effondrement des salaires, des retraites et des prestations sociales dans les pays en déficit.
En résumé, grand bond en avant pour les marchés, un grand bond en arrière pour les populations (victimes du chômage de masse et de l’effondrement de leur pouvoir d’achat).
Nous voici cependant bluffé par le scénario qui se déroule depuis le 19 novembre — il s’est donc écoulé 30 jours très précisément. Les précédentes périodes d’euphorie qui ont vu le CAC 40 afficher un maximum de 80% de hausses se sont matérialisées sur fond de croissance mondiale record et de hausse des bénéfices à +25% par an.
C’est tout le contraire de l’année 2012 et de l’année 2013… Mais la cohorte innombrable des permabulls qui ne jurent plus que par la hausse des actions affirment que nos multinationales vont voir leur fortune assurée par les pays émergents.
Car il ne fait aucun doute que les émergents sont totalement immunisés — on dit « découplés » chez les singes savants de la finance virtuelle — contre les effets d’une récession ou d’une activité anémique dans les pays développés (qui ne sont que leurs principaux partenaires et clients).
▪ Quelle issue pour la falaise fiscale ?
La prochaine explosion de hausse peut survenir à tout moment (entre ce 19 et le 22 décembre) car nous sommes dans l’attente de l’officialisation d’un compromis sur la falaise fiscale.
Barack Obama aurait ainsi proposé au président de la Chambre des représentants, John Boehner, d’augmenter les impôts uniquement sur les revenus annuels supérieurs à 400 000 $, alors qu’il avait fixé le seuil de la richesse à 250 000 $ auparavant. Rappelons que pour les républicains, ce seuil est fixé à un million de dollars.
Peu importe, car ce sont seulement 2% des Américains qui détiennent 50% des actions… et ceux-là sont largement au-delà du million encaissé par année en dividendes et plus-values boursières.
Ce sont donc ces 2% qui n’échapperont pas à un alourdissement de la fiscalité sur les valeurs mobilières. Ils vont éprouver très bientôt l’impérieuse envie de prendre des bénéfices qui ne sont taxés qu’à 15% (jusqu’au 31 décembre 2012) sur des actions qui ont vu leur cours multiplié par 5.
Il n’y a pas que des fusées interstellaires cotées à Wall Street, cependant. Il y a aussi certaines valeurs qui tutoient des planchers historiques… et parmi elles, il y a Alcatel-Lucent (ALU).
▪ La flambée d’Alcatel-Lucent
Le titre s’est envolé de 8,5% hier avec 100 millions de titres échangés (ALU représentait la moitié de la hausse du CAC 40). De nombreux hedge funds n’ont pas encore débouclé leurs positions short, qui constituent plus de 10% du flottant.
Ils espéraient pouvoir profiter de flux techniquement vendeurs générés par la sortie imminente du CAC 40. Mais ils ont tous joué ce même scénario en même temps, puis amplifié leurs positions à mesure que les cours s’effondraient — par le fait d’une spirale infernale auto-réalisatrice dont ils étaient les fauteurs.
Le débordement du palier des 1,02 euro met les vendeurs à découvert dans une position très inconfortable, avec aucune résistance repérable avant les 1,13 euro.
Avec l’envolée du Nasdaq (1,4% vers 3 050 points) et le retour en grâce de quelques mal-aimées (les dernières à être ramassées en fin de cycle haussier des marchés), il est fort probable que le dossier Alcatel continue de déchaîner les ardeurs des amateurs de volatilité, en cette période où tout est orchestré pour la faire disparaître du CAC 40.
Les derniers habillages de bilans de fin d’année se font en mode rally à Wall Street. Les opérateurs se fondent sur des rumeurs d’avancées dans les pourparlers autour de la falaise fiscale. L’hypothèse du compromis — auquel 95% des opérateurs adhèrent depuis le début, même s’ils jouent à se faire peur — constitue plutôt un prétexte qu’une raison objective d’arracher les indices à la hausse depuis une semaine.
▪ La dégringolade du dollar
Alors que l’on se rapprocherait d’un accord qui arrangerait tout le monde, le dollar, loin de se raffermir, accélère sa dégringolade face à l’euro. Le support des 1,3150 est enfoncé et un plancher de 1,3230 a été inscrit en milieu de soirée mardi.
La faiblesse du billet vert est un véritable dopant pour Wall Street ; la place américaine vient de combler en seulement 48 heures l’intégralité du terrain perdu sur les marchés européens depuis début décembre et se retrouve au plus haut depuis deux mois. Mais nous prenons le pari qu’avec changement d’échéance sur le VIX survenant ce mercredi, la gestion de la volatilité va s’avérer très différente au cours des prochaines semaines.