Et si la Chine n’était pas la superpuissance de demain, mais une société au bord du gouffre ?
Lorsque je parle d’effondrement de la Chine, je ne fais pas référence à un effondrement financier, mais à un effondrement social généralisé qui pourrait remettre en question l’autorité du Parti communiste chinois (PCC).
Pour comprendre la vulnérabilité de la Chine, il est utile de prendre en compte le discours contraire, selon lequel la Chine serait une grande puissance émergente. On dit depuis des décennies que le PIB de la Chine va dépasser celui des Etats-Unis et qu’elle deviendra la plus grande économie du monde.
Selon le dernier élément venu nourrir ces histoires de « super Chine », le pays serait en train de dépasser les Etats-Unis sur le plan technologique et de l’IA, et cette technologie appliquée à l’Armée de libération du peuple (ALP) confèrerait également à la Chine une supériorité militaire.
A partir de là, il n’y aurait qu’un pas pour que les Chinois s’emparent de Taïwan et que les Etats-Unis soient déboulonnés de leur position dans le Pacifique Ouest. A ce stade, le « siècle asiatique » aurait véritablement supplanté le « siècle américain » (1914-2008).
Toutes ces déclarations sont fausses
Je dis depuis des années que le PIB chinois ne dépassera jamais le PIB américain. Et ce pour la raison suivante : la Chine est prise au piège du revenu intermédiaire.
Le fait qu’une économie se hisse d’un faible revenu par habitant (environ 5 000 $) à un revenu intermédiaire (environ 15 000 $) est un accomplissement pour la Chine. Mais on ne se hisse pas d’un revenu intermédiaire à un revenu élevé (environ 24 000 $) de façon linéaire, grâce au seul temps qui passe. Il faut produire un effort extraordinaire pour s’échapper de ce piège du revenu intermédiaire.
Seuls quelques pays (le Japon, Singapour, la Corée du Sud et Hong Kong) y sont parvenus.
La clé, ce sont des technologies et une production à forte valeur ajoutée qui remplacent un type de production à faible valeur ajoutée, tel que l’assemblage. Et la Chine n’y est pas parvenue.
Les technologies chinoises ont surtout été dérobées à l’Occident. Cela ne suffit pas, car le pays à qui la Chine a volé ces technologies les détient déjà, et les a déjà appliquées avec efficacité.
Une croissance presque impossible
Le PIB chinois est souvent brandi comme un indicateur de réussite, mais le chiffre est exagéré de 100%, environ.
Les investissements représentent à peu près 45% du PIB chinois, par rapport aux 25% de la plupart des économies développées. Or plus de la moitié des investissements chinois sont gaspillés.
Je me suis rendu en Chine plusieurs fois, et j’ai vu ces villes fantômes désertes, ainsi que des gares ferroviaires monumentales et presque vides. Si l’on retranche ces investissements gaspillés, le PIB chinois chute de 5% à 3,6%.
Si l’on comptabilise honnêtement les créances douteuses des banques contrôlées par l’Etat, le PIB chinois chute à 2% – voire plus bas.
Le ratio dette/PIB du gouvernement chinois étant de 250%, la Chine ne peut enregistrer une croissance plus rapide que celle du fardeau de sa dette. Cette dynamique rend toute future croissance encore plus difficile.
L’autre obstacle à la croissance de la Chine est démographique. La population chinoise est en train de diminuer à un rythme inquiétant, en raison de la politique de l’enfant unique en vigueur de 1980 à 2010.
A présent, la Chine veut encourager les familles à avoir deux ou trois enfants. Mais les dégâts ont déjà été commis. Aujourd’hui, les femmes chinoises ne veulent pas fonder de famille en raison de nouvelles opportunités offertes par l’éducation, les emplois bien rémunérés et l’urbanisation.
La Chine va perdre 300 millions de citoyens en âge de travailler au cours des quarante prochaines années. Si le rendement s’entend comme la population en âge de travailler multipliée par la productivité, alors la croissance économique de la Chine est quasiment impossible.
La Chine n’est plus le pays le plus peuplé du monde. Elle a récemment été supplantée par l’Inde. Cet écart de population entre la Chine et l’Inde ne fera que se creuser au cours des années à venir.
En ce qui concerne la supériorité militaire, la Chine tente de construire une flotte de porte-avions, mais cette tâche extrêmement complexe pourrait lui prendre une vingtaine d’années.
La Chine menace d’attaquer les porte-avions américains avec un missile hypersonique chinois. C’est possible, mais la riposte américaine coulerait toute la flotte chinoise, un peu comme le Japon l’a infligé à la Russie en 1905, et les Etats-Unis à l’Iran en 1988. Une invasion de Taïwan n’est pas à l’ordre du jour, en dépit des menaces continuelles.
Des mesures désespérées
Tous ces obstacles géopolitiques et économiques s’accumulent depuis des années. A présent, les tarifs douaniers et la guerre commerciale de Donald Trump matraquent l’économie chinoise et pourraient la faire sombrer dans sa première récession depuis 2008.
Pire encore, les commandes perdues, les fermetures d’usines, les salaires impayés et les emplois perdus provoquent des troubles sociaux encore plus menaçants pour le PCC qu’un ralentissement de croissance et une récession.
Voici quelques informations rapportées par des observateurs sur place…
- De nombreuses informations circulent sur le fait que les usines n’arriveraient pas à payer leurs salariés. Dans certains cas, les arriérés de salaires remonteraient à six mois.
- Le chômage des jeunes aurait atteint 27%, dans le courant de l’année 2024. En réaction, le gouvernement chinois a cessé de publier les chiffres du chômage des jeunes.
- Le PCC a adopté une « loi anti-sanctions étrangères », en riposte, contre toute entreprise détenue par des Américains en Chine et appliquant les sanctions américaines contre des tiers. La Russie et l’Iran sont les principales cibles de ces sanctions. La pénalité, en cas de violation de cette loi, est la confiscation de tous les actifs situés en Chine.
- Lors du récent séisme, en Thaïlande, un seul bâtiment s’est effondré. Il s’agissait d’un immeuble de bureaux construit par la Chine et qui, selon le PCC, était doté de technologies antisismiques avancées. L’enquête révèlerait que le fer à béton était défectueux et que les poutres en béton n’étaient pas conformes au cahier des charges. Après l’effondrement du bâtiment, une équipe de chinois aurait franchi le périmètre de sécurité pour emporter tout un chargement de documents commerciaux. Quatre d’entre eux auraient été arrêtés.
- Beaucoup d’exportateurs chinois s’appuient sur l’exemption de droits de douanes et d’inspections douanières dont bénéficient les expéditions de marchandises directes aux consommateurs américains, et dont la valeur est inférieure à 800 $ par article. Shein et Temu sont les principaux bénéficiaires de ce « trou dans la raquette », mais il y en a beaucoup d’autres. Cette exemption a fait disparaître des centaines de milliers de petits commerçants, aux Etats-Unis. Et maintenant, elle a été supprimée. Les ventes de Temu se sont effondrées, et l’introduction en Bourse envisagée par Shein, à Londres, pourrait être retardée ou revue à la baisse, par voie de conséquence.
L’économie chinoise s’appuie sur l’exploitation par la Chine de son adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), de faibles tarifs douaniers américains et l’avidité de Wall Street, qui fournit à la Chine des capitaux alimentant son système de travail esclavagiste. Mais tout cela arrive à son terme.
Les tarifs douaniers de Trump vont démolir le rôle de l’OMC. La SEC pourrait annuler les dispenses de déclaration actuellement accordées aux entreprises chinoises cotées sur les marchés américains. Wall Street sera réglementé de telle façon que les capitaux afflueront vers de nouveaux investissements aux Etats-Unis et non en Chine.
Et tout cela portera un coup majeur aux ambitions de croissance économique de la Chine, et au financement de ses ambitions militaires.
La perte du « Mandat Céleste »
Si la Chine n’accepte pas rapidement l’agenda de Trump, l’impact sur le pays sera bien pire que le commerce anéanti par les tarifs douaniers.
Le président Xi Jinping perdra ce que l’on appelle « le Mandat Céleste », en Chine – source de la légitimité politique, dans le pays, quel que soit le type de gouvernement en place.
Si Xi perd ce Mandat Céleste, la Chine sombrera dans le chaos, les troubles et la décentralisation politique, comme cela s’est reproduit sans cesse au cours des 3 000 dernières années de civilisation chinoise. Les conséquences seront encore plus profondes que celles de la Révolution culturelle (1966-1976). Cela signerait la fin du parti communiste chinois et de l’ère de gouvernance chinoise actuelle.
1 commentaire
Réaliste ou pas cette analyse? En tout cas très intéressante, car il est rare d’en apercevoir de semblables. L’Histoire enseigne que la Chine existe économiquement, culturellement et politiquement, même dans l’anarchie, depuis plus de 3.500 ans. Peu probable que la plus ancienne et persistante civilisation unitaire du monde s’effondre. Mais peu probable aussi qu’elle cherche à dominer le monde comme l’Occident l’a fait.