Entre insultes, menaces et sondages en ligne, le duel Trump-Musk vire à la téléréalité, tandis que le parti républicain s’enfonce dans une crise existentielle.
Lorsque nous vous avons quittés vendredi, les bombes éclataient déjà dans l’air.
Trump avait ouvert les hostilités avec une salve bien sentie :
« Le moyen le plus simple d’économiser des milliards et des milliards de dollars, c’est de couper les subventions et les contrats gouvernementaux d’Elon. J’ai toujours été surpris que Biden ne l’ait pas fait ! »
Musk lui a répondu du tac au tac :
« Allez-y, faites-moi plaisir. »
Steve Bannon a alors suggéré que Musk soit expulsé et que ses biens soient saisis par l’Etat. Le magazine Jacobin, porte-voix du socialisme démocratique, a surenchéri :
« Nous devrions nationaliser immédiatement SpaceX et Starlink. »
Musk, de son côté, avait déjà dit à Bannon d’aller se faire voir… d’une manière particulièrement vulgaire.
Samedi, les échanges ont continué à dégénérer.
Interrogé sur la possibilité qu’Elon Musk bascule chez les démocrates, Trump a déclaré :
« S’il fait ça, il en paiera les conséquences… de très, très sérieuses conséquences. »
Newsweek rapporte que, dans le cadre de cette guerre des mots déclenchée jeudi, Musk a demandé à ses abonnés sur X si les Etats-Unis avaient besoin d’un troisième parti politique, capable de rivaliser avec les démocrates et les républicains. Résultat : plus de 80 % des répondants ont dit « oui ».
Trump a alors répliqué ceci : « C’est un grand toxicomane. »
Les humoristes ont rarement eu autant de matériel à exploiter pour leurs shows. John Oliver a résumé la situation dans son émission :
« […] Ces deux hommes sont de véritables candidates de téléréalité. Ils ont tous les deux des coiffures hors de prix, et pourtant ratées. Ils dirigent des entreprises douteuses. Ils passent bien trop de temps en ligne, et s’il leur arrive de ne pas être le centre de l’attention ne serait-ce qu’une seconde… ils en meurent. »
Nous nous demandons ce que les anciens républicains en auraient pensé. Qu’aurait dit Dwight Eisenhower ? Aurait-il même adressé la parole à des gens comme Musk, Bannon et Trump ? Ou les aurait-il considérés comme des moins que rien, indignes d’une conversation sérieuse ?
Aujourd’hui, pourtant, ce sont eux qui dominent le parti républicain. Et cela pose une question fondamentale : que représente encore ce parti ? A-t-il le moindre principe ? Ou n’est-il plus qu’un souffle creux de patriotisme de pacotille, de slogans sans substance, de politiques absurdes et de genoux qui tremblent au son des voix des immigrés ?
Sont-ils simplement des démocrates qui ne sont pas woke ?
Le parti républicain, aujourd’hui, se divise en trois grandes factions.
D’un côté, les Trumpistes MAGA, qui suivent le Grand Chef avec ferveur et voteront pour tout ce qu’il propose. Ensuite, les RINO – Republicans In Name Only –, si proches des démocrates qu’ils s’opposeront à toute coupe sérieuse dans les budgets sociaux ou militaires. Enfin, subsiste une poignée de conservateurs qui, dans le silence de la nuit, entendent encore résonner les voix qui prônent la réduction des dépenses publiques, le retour à l’équilibre budgétaire et à une dette contenue. Quelques-uns se souviennent peut-être même de cette phrase de Ronald Reagan :
« Le gouvernement n’est pas la solution à notre problème, le gouvernement EST le problème. »
Aujourd’hui, ces rares survivants se demandent combien de nouveaux problèmes sont soigneusement dissimulés dans les mille et quelques pages de la grande et abominable loi de Donald Trump.
A l’exception de ces « conservateurs », tous sont essentiellement des socialistes démocrates, prêts à donner à un chef élu tous les pouvoirs dont il a besoin pour reconstruire le monde comme ils l’entendent.
Mettre en place des barrières commerciales ?
Saisir une entreprise privée ?
Accumuler une dette de 60 000 milliards de dollars ?
Envoyer la garde nationale ?
Pourquoi pas ?
L’idée même d’un grand et beau projet de loi était une mauvaise stratégie : plus on y entasse de choses, moins on a de chances d’obtenir l’approbation de tout le monde. Et le problème immédiat auquel Trump est confronté, c’est qu’il a besoin de l’accord de presque tous les républicains. Sans cela, il ne passera pas au Congrès.
L’accord – comme tant d’autres promis par le président – n’est pas conclu. Pas d’accord à Gaza. Pas d’accord en Ukraine. Pas d’accord sur les tarifs douaniers « réciproques ». Pas d’accord budgétaire au Congrès. Et pas d’accord avec Elon Musk.
Ainsi, le choc des titans continue. Chronos contre Zeus… Indra contre Vritra… Staline contre Hitler.
Mais jusqu’à présent, cela ressemble davantage à une bagarre dans le couloir d’un lycée qu’à Gettysburg ou Stalingrad. Des cheveux sont tirés. Des vêtements déchirés. Et les camarades de classe restent plantés là, espérant apercevoir un peu de spectacle. Mais personne ne se blesse vraiment… tandis que la catastrophe des finances américaines se rapproche.