** Nous éviterons d’afficher trop ouvertement de notre satisfaction de voir nos récentes prédictions confirmées au-delà de nos espérances. Cependant, une série de coïncidences troublantes recoupe les arguments que nous avions martelés dès la fin mai en apprenant qu’une dizaine de très grandes banques américaines sollicitaient l’autorisation de rembourser par anticipation (alors que personne ne leur demandait) les sommes qu’elles avaient empruntées au TARP l’automne ou l’hiver dernier.
Nous avions émis l’hypothèse que la restitution de 69 milliards de dollars sonnerait le glas de la hausse des marchés. Ce d’autant plus sûrement que Bank of America a fini de boucler son programme de cessions d’actifs et d’émissions massives de titres de toutes natures (majoritairement obligataires) — idem pour State Street, Morgan Stanley ou Regions Financial.
Nous avions souligné le singulier paradoxe de cours boursiers aspirés vers des niveaux proches de ceux de début novembre ou mi-octobre 2008, alors que les volumes négociés se contractaient fortement.
Nous venons d’avoir la confirmation par le biais des réseaux bancaires que les derniers acheteurs les plus présents sur les marchés sont les particuliers (en France, la décollecte du Livret A est allée bon train au mois de mai). Les institutionnels, pour leur part, ont soit couvert leurs positions, soit renforcé leurs positions vendeuses (inversion du ratio call/puts).
** Beaucoup de liquidités ont déserté le secteur des bons du Trésor US ces dernières semaines. La raison officielle — et politiquement correcte — en est que la confiance est de retour. Toutefois, la véritable explication réside dans un arbitrage au détriment des actifs libellés en dollars et au profit des matières premières en général et du pétrole en particulier.
Avec le plafonnement sous les 72 $ mi-juin puis la perspective d’un changement d’échéance sur les contrats à terme s’amorce une vague de prises de profits qui ramènent le baril sous les 68 $. Nous parions sur un prompt retour vers les 65 $ avant fin juin.
L’heure de la fin de la récréation semble avoir sonné pour les indices boursiers… Les "jeunes pousses" sur lesquelles les médias se sont si complaisamment focalisés pourraient être victimes d’un sérieux coup de gelée.
Il finit toujours par se produire une descente d’air arctique qui grille impitoyablement les bourgeons d’arbres fruitiers lorsque l’été indien s’éternise et que l’automne fait mine de vouloir confirmer les thèses les plus extrêmes en matière de réchauffement climatique : rappelez-vous l’année 2006, où les terrasse des cafés parisiens étaient encore prises d’assaut par des consommateurs en bras de chemise à quelques jours de la Toussaint.
** Le premier semestre, même s’il se solde en Europe sur un quasi statu quo indiciel, s’est achevé dans la joie et la bonne humeur d’un second trimestre de hausse record pour le Nasdaq ou le S&P 500. Le second semestre, lui, débute — en guise de bienvenue ou de mise en condition — par une chute de 2,5% à 3% de Wall Street et des places du Vieux Continent.
Le plancher graphique du mois de juin, à 3 136 points, a été nettement enfoncé lundi soir sur le CAC 40 (-3,05% à 3 123 points). Le scénario était identique sur l’Euro-Stoxx 50 (-3,1%) : il s’enfonce sous les 2 365 points alors que Francfort dévissait de 3%, Amsterdam de 3,15% et la Bourse d’Oslo de 6,15%… Eh oui, ça fait un petit choc de voir ressurgir ce genre de scores que l’on espérait associés à un passé révolu !
** La correction qui affecte indifféremment les actions, le métal précieux, le compartiment des matières premières et le pétrole survient alors que la Banque mondiale vient d’indiquer hier matin qu’elle revoyait fortement à la baisse ses prévisions de croissance. Elle s’attend à une contraction record de 2,9% du PIB mondial en 2009, contre une précédente prévision de -2,1%.
Si elle juge qu’une reprise "plus robuste" est possible, l’institution souligne dans sa dernière étude que le scénario d’une reprise "bien plus faible" est également envisageable.
Que Wall Street prenne mal la chose n’est guère surprenant en l’absence de tout élément d’actualité pouvant être jugé favorable. Cependant, la contre-performance plus lourde encore des indices européens est d’autant plus paradoxale que le moral des entreprises a encore progressé en Allemagne au mois de juin.
Le baromètre mensuel du climat des affaires de l’institut économique IFO est ressorti à 85,9, après un score de 84,3 le mois précédent (contre 84,2 en estimation préliminaire) et de 83,1 en avril… mais les marchés n’entendent plus les "bonnes nouvelles".
** Se montreront-ils également sourds au discours du président de la République à Versailles prononcé ce lundi devant le Congrès ? Cela ne manquait pas de souffle et les (rares ?) députés et les sénateurs de gauche présents pour l’occasion auront clairement reconnu des accents et des tournures que n’aurait pas reniés l’illustre Jean Jaurès, abondamment cité lors de la campagne de 2007.
Parmi les annonces marquantes, la presse a déjà sélectionné ses extraits favoris : "j’affirme que tout licencié économique, je dis bien tout licencié économique, doit pouvoir garder son salaire et recevoir une formation pendant un an".
"Je dis qu’au lieu de se résigner à ce que la crise produise de l’exclusion, du désespoir, de la souffrance, il vaut mieux en profiter pour investir dans les hommes, dans leurs compétences, pour que demain ils travaillent mieux, qu’ils aient de meilleures perspectives de promotion, c’est l’intérêt de tous, c’est un investissement"…
Et nous ajouterons que ledit investissement sera financé par voie d’emprunt national dont le montant et les modalités restent à définir par l’Assemblée lors du prochain débat budgétaire — mais le principe, déjà proposé par la gauche, semble acquis.
Philippe Béchade,
Paris