▪ Nous déplorions hier (et nous ne sommes pas les seuls) le silence assourdissant de nos élites économiques et politiques face au risque de désintégration du système financier international. Nous avons été entendus puisque le ministre français des Finances, François Baroin, a fait une déclaration à la hauteur des enjeux : « il n’y a pas de raison de changer de stratégie face à la crise dans la Zone euro ».
Et d’argumenter pour renforcer son propos : « il n’y a pas de raison d’envisager une stratégie alternative dès lors que celle à laquelle nous croyons n’est pas encore en place ».
Mais au fait… pourquoi n’est-elle toujours pas en place ?
Deuxième interrogation : les marchés parient-ils que la stratégie qu’il évoque a la moindre chance de réussite ?
Troisième question : à partir de quel degré de catastrophe boursière, financière, économique nos élites vont-elles réaliser que c’est leur façon de gérer les problèmes — et non pas les problèmes en eux-mêmes — qui constitue la difficulté.
▪ C’est ce que suggérait en termes très diplomatiques Baudoin Prot, le PDG de BNP Paribas hier midi en direct sur BFM Business. Il a dû juger opportun de faire une apparition dans l’urgence pour dissiper certains malentendus véhiculés à dessein par la presse anglo-saxonne.
Au cours de son intervention, il a exhorté à plusieurs reprises les responsables politiques européens à mettre en oeuvre le plan de soutien à la Grèce convenu le 21 juillet dernier.
En ce qui concerne la solvabilité de la BNP Paribas, Baudoin Prot a formellement démenti que la banque cherchait à lever de fonds auprès de certaines monarchies du Golfe. Il a également indiqué que les fonds propres étaient suffisants pour absorber une éventuelle hausse des provisions en cas de défaut de la Grèce. Ce scénario s’avèrera à coup sûr nécessaire, car valoriser la dette grecque à 79% de sa valeur nominale n’est franchement pas réaliste.
Pour en revenir à François Baroin, pouvait-il se fendre d’un communiqué plus consternant ? Ce dernier a renforcé les marchés dans le sentiment que le déni de la réalité est la seule parade des politiques face à l’inquiétude qui gagne maintenant le monde des entreprises — après la communauté financière et les gérants des plus grands fonds de retraite de la planète…
Il aurait mieux valu qu’il déclare que vu l’ambiance, il était plutôt tenté d’aller faire un golf avec Wolfgang Schäuble, son homologue allemand.
Au moins les marchés auraient-ils pu imaginer qu’ils avaient des choses à se dire loin des oreilles indiscrètes, et que le couple franco-allemand avait bien conscience de son rôle moteur dans la résolution de la crise actuelle.
Ce que comprennent les marchés, c’est que l’Europe a décidé de s’en tenir à un plan de sauvetage « mort-né » — qui néglige un soutien sans faille au système bancaire — et à une stratégie qui consiste à jouer la montre, mais qui ne fonctionne pas depuis le début, c’est-à-dire novembre 2009.
Autant la crise des subprime semble avoir pris le monde politique (peu compétent en la matière) par surprise, autant la crise grecque est sur l’écran radar depuis bientôt deux ans !
Il a pourtant été impossible aux Européens de prendre la décision de faire atterrir — même sur un terrain bosselé — la dette pilotée par Athènes avant qu’elle ne finisse, à court de carburant, par se crasher sur la BCE et incendier la Zone euro puis toute la finance mondiale.
▪ Bien conscient du risque de contagion, Wall Street perdait pied à la mi-séance jeudi. Le Dow Jones a cédé plus de 475 points (-4%) et a enfoncé le plancher des 10 700 points des 9 et 19 août derniers. Quant au Nasdaq (-4% à 2 435 points) il a effacé en 48 heures tous les gains engrangés depuis le 25 août.
Le sentiment que Wall Street pourrait connaître le même genre de mésaventure que lors du 10 mai 2010 (les robots pourraient s’emballer si les récents supports annuels étaient enfoncés) a instauré un climat qui n’est pas loin de la panique.
Dévasté par une véritable capitulation boursière, le CAC 40 affichait sa seconde pire séance de l’année (après celle du 10 août dernier et ses -5,45%). Pour trouver trace d’un repli supérieur à -5,5%, il faut remonter au 1er ou au 5 décembre 2008.
Il ne faut cependant pas se laisser impressionner par les volumes d’échange. Ils ont été supérieurs à quatre milliards d’euros, mais c’est bien peu de chose en regard des écarts abyssaux (de -6 à -9,6%) dont ont été victimes plus de la moitié des valeurs du CAC 40.
Un rebond au-dessus des 2 800 points (et si possible des 2 900 points) apparaît urgentissime. En effet, le plongeon de 5% de l’Euro-Stoxx 50 (sous les 2 000 points), mais aussi de l’or (-4% à 1 725 $) et du pétrole (-7% sous les 80 $) prouve que l’on rentre de plain-pied dans un processus de liquidation contagieuse de l’ensemble des actifs financiers ; les opérateurs vendent ce qui reste vendable.
▪ Notons qu’à l’issue d’une séance de liquidation qualifiée de bain de sang et de capitulation massive, le Dow Jones (-3,5%) préserve en clôture le plancher annuel des 10 700 points (après avoir plongé de 530 points). Le S&P (-3,2% à 1 130 points) rebondit in extremis sur les 1 115 et le Nasdaq (-3,25% à 2 455 points) maintient un écart encore confortable par rapport à son plancher annuel des 2 350 points de la mi-août.
Considérant l’ampleur du repli de Wall Street (-6%) en l’espace de six heures de cotations, il semble évident que ce ne sont pas les petits épargnants, ni même les gérants d’OPCVM, qui ont subitement initié un mouvement de correction mercredi en découvrant au dos du communiqué de la Fed l’injonction « à 21h15 précise, vendez-tout ».
Des investisseurs qui ont permis au Nasdaq d’aligner sept plus hauts consécutifs en séance du 12 au 22 septembre ne basculent pas en quelques heures d’un optimisme béat vers un pessimisme insondable du fait d’éléments conjoncturels négatifs qu’ils connaissent déjà par coeur.
Il s’agit probablement d’une initiative de très grosses mains qui ont orchestré la baisse des cours à 45 minutes de la clôture mercredi. Elles n’ont pas laissé d’autre choix aux day traders que de liquider leurs positions longues, sans que personne n’ait le temps de comprendre le pourquoi du comment. Cette stratégie classique parfaitement théorisée et maîtrisée est baptisée « choc et effroi ».
Il n’est pas absurde d’y voir un message — et plus précisément une menace à peine voilée –d’instauration d’un chaos généralisé sur les marchés. Il balayerait la plupart des gouvernements en place si l’Europe ne prend pas d’urgence des mesures pour consolider le capital des banques et organiser un défaut ordonné de la Grèce.
1 commentaire
excusez ma naïveté, mais pourriez vous préciser de qui vous parlez quand vous citez de « très grosses mains » ?? merci