** "Wall Street, les banques centrales, les économistes, les politiciens — et la majorité des investisseurs — parient sur un atterrissage en douceur", nous disait un ami new-yorkais. "Le ralentissement de la croissance mondiale a allégé la pression pesant sur les prix des matières premières. Une croissance plus lente permettra de freiner l’inflation, dans l’ensemble. Et tant que l’inflation n’est pas un problème, la Fed n’a pas besoin d’augmenter ses taux — ce qui empêchera le ralentissement de faire trop de mal".
* Lundi, l’International Herald Tribune annonçait lui aussi la bonne nouvelle :
* "Les économies mondiales atteintes par le malaise US… La douleur du ralentissement se propage très loin, menaçant les entreprises et la croissance".
* La planète se développait au rythme de 5% environ en 2007. Elle devrait passer sous les 4% l’an prochain, avec une économie américaine à moins de 1% de croissance. Dans la mesure où la population US augmente de plus de 1% par an, cela signifie une baisse du niveau de vie pour le citoyen moyen — du moins en théorie.
* Bien entendu, les Américains doivent de toute façon accepter une baisse de leur niveau de vie. Ils vivent au-dessus de leurs moyens depuis longtemps ; désormais, ils doivent vivre au-dessous de leurs moyens pour corriger la situation. Dans une économie dominée par les dépenses de consommation, cela garantit presque une longue période de croissance paresseuse ou de récession — quoi qu’il arrive.
* Mais il serait bien plus simple de corriger les erreurs du passé dans une économie en croissance. La hausse des revenus donnerait aux consommateurs une plus grande marge de manœuvre pour réduire leurs dépenses sans trop de douleur. Réduire des dépenses sur un revenu en baisse, en revanche, fait doublement mal.
* Une correction est inévitable. La question que nous nous posons, à la Chronique Agora, est la suivante : de quel genre de correction s’agira-t-i ? La hausse des prix réduira-t-elle la valeur du dollar — laminant les revenus, l’épargne et les dettes des Américains ? Ou la récession mutilera-t-elle leurs revenus et la valeurs de leurs actifs ?
* Chaque fois que nous avons posé ces questions par le passé, la réponse que nous avons donnée était : oui — les Américains seront frappés à la fois par les crochets de l’inflation et les uppercuts de la déflation. Jusqu’à présent, c’est exactement ce qui s’est produit. Les prix grimpent tandis que les valeurs des actifs et les revenus baissent. Le consommateur lambda vacille sous les coups.
* Les derniers chiffres de l’inflation US montrent des prix à la consommation grimpant de 5,6%. Et les derniers chiffres des prix à la production montrent qu’ils augmentent de près de 10%.
** Le plus étonnant, c’est que même avec de telles statistiques sous le nez, les investisseurs continuent d’acheter des bons du Trésor US à 10 ans rapportant moins de 4%. En général, les investisseurs obligataires sont parmi les plus sophistiqués. Ils observent les chiffres de la croissance mondiale et pensent que les taux d’inflation baisseront aussi. Les Américains moyens s’attendent peut-être à une hausse des prix de l’alimentation et du carburant — mais les investisseurs ne semblent guère se faire de souci à ce sujet. On pourrait penser qu’ils voudraient au moins un rendement suffisant pour protéger leur capital… mais au rythme actuel, un investisseur en T-Bonds à 10 ans perdra environ 1,6% par an. Apparemment, il considère cela comme un prix raisonnable à payer en échange d’une protection contre la chute des actifs.
* Le pétrole a déjà dégringolé, passant de 147 $ à 112 $ il y a quelques jours. L’or est passé sous les 800 $. Et avec une économie mondiale morose, il n’y aura guère de poussée de la part des coûts de main d’œuvre, pense-t-il. Les investisseurs obligataires parient que les taux d’inflation reviendront aux niveaux qu’ils occupaient il y a quelques années de ça — à 2% environ.
* Ils ont peut-être raison. Mais cela nous semble être un mauvais pari. Où est la marge de sécurité ? Qu’arrivera-t-il si l’inflation ralentit, pour atteindre un taux annuel de 2% ? L’investisseur en obligations de long terme — s’il restait positionné jusqu’à maturité de ses titres — ne gagnerait jamais que 2,4% sur son argent. En revanche, s’il se trompe et que l’inflation reste au-delà de 4,4%, il ne gagne rien. Si elle augmente, il pourrait être ruiné en quelques semaines. Nous ne faisons que supposer… mais les chances de voir l’inflation passer au-delà des 6%… 7%… voire 10% au cours des 30 prochaines années sont probablement plus élevées que les probabilités de ramasser 4,4% durant trois décennies et en sortir gagnant.
* Nous examinons l’ensemble du tableau… essayant de deviner les grandes tendances avant qu’elles ne passent à la postérité. Nous n’avons jamais tout à fait maîtrisé l’art de voir les choses avant qu’elles se produisent, mais nous continuons de plisser les yeux, pour essayer d’y parvenir…
* Ce que nous voyons venir, d’une manière ou d’une autre, est une chute du niveau de vie. Cela peut se passer de deux manières : soit les gens perdent leur emploi et leur revenu dans un ralentissement déflationniste, soit l’inflation lamine la valeur de leur revenu et de leur épargne.
* Jusqu’à présent, "les deux" s’est révélé être la bonne réponse. Nous pensons que ça continuera comme ça.