D’un même souffle, Donald Trump a réussi à provoquer l’indignation mondiale et la panique à Wall Street.
Donald Trump a réussi vendredi, à quelques minutes d’intervalle, à se discréditer aux yeux de la planète entière — sauf peut-être aux yeux de quelques ultra-sionistes — en affirmant que 58 000 des 67 000 morts admis par Israël dans la bande de Gaza étaient des combattants du Hamas (15 000 « combattants » tués auraient donc moins de 7 ans, 30 000 moins de 15 ans, 5 000 plus de 75 ans… et 15 000 seraient des mères de famille), puis à faire plonger le Nasdaq de -3,5 %, le pétrole de -5 %, le Bitcoin de -13 % et l’Ethereum de -24 % (qui a ensuite repris +12 %).
En termes de destruction de valeur globale affectant principalement les actifs les plus performants en 2025, il faut remonter au 7 avril dernier pour retrouver des chiffres similaires : la séance du 10 octobre aura coûté 2 500 Mds$ aux investisseurs (actions + cryptos + pétrole).
Et ces deux séances ont en commun la thématique de la guerre commerciale à outrance entre les USA et la Chine, avec cette fois la menace d’une taxation à 100% des produits chinois dès le 1er novembre… et rencontre avec Xi Jinping potentiellement annulée en Corée du Sud fin octobre.
Une guerre commerciale à quinze jours d’une entrevue cruciale, c’était clairement le scénario le plus impensable à l’ouverture de Wall Street vendredi : la semaine se terminait de façon idéale avec deux nouveaux records absolus dès l’ouverture sur le « S&P » et le Nasdaq.
On assistait au prolongement d’une série de sept records en huit séances pour le S&P 500 et on se dirigeait tranquillement vers un 15ᵉ record de clôture depuis le 10 septembre, le 35ᵉ de l’année.
A 16H54, toujours aucun nuage à l’horizon, aucun discours contrariant de Powell attendu dans la soirée, donc plus rien à redouter d’ici la clôture.
Les marchés de taux restaient d’ailleurs bien orientés, une bonne nouvelle pour les « technos » : Nvidia pulvérisait un nouveau record absolu à 195,6 $, toutes les stars de la semaine ou du mois écoulé étaient au zénith (AMD, Intel ou Palantir, et bien entendu le « SOXX » des semi-conducteurs).
C’était le scénario parfait : zéro fausse note, zéro stress, même pas la moindre tentation de se « couvrir » avec quelques « puts ». Wall Street allait pouvoir partir en week-end sur un sentiment de mission accomplie, avec un « S&P » qui alignait une 10ᵉ semaine de hausse consécutive depuis le petit trou d’air de -2,5 % survenu début août.
Et pour achever de se convaincre que rien, mais vraiment rien ne pouvait mal tourner aux yeux des investisseurs, le VIX restait ancré sous les 16,50. Il a finalement explosé de +33 % en 45 minutes, jusque vers 22,20, son pire score depuis le 1er août, alors qu’il n’avait laissé transparaître absolument aucun signe de tension décelable depuis le 1er octobre.
Beaucoup se demanderont pourquoi Trump est venu gâcher ce rendez-vous plus que parfait avec les plus hauts historiques… et juste avant que le bal des trimestriels ne s’ouvre lundi, sans oublier que les marchés obligataires resteront fermés, car cette journée est semi-fériée aux États-Unis qui célèbrent le « Columbus Day ».
Alors certes, la Chine venait d’annoncer jeudi surveiller étroitement et soumettre à autorisation ses exportations de terres rares (ma chronique « L’inforruptible » de vendredi), mais qu’elle continuerait de « satisfaire les demandes légitimes » (est-ce que celles du Pentagone, de Lockheed Martin, Raytheon ou même de General Motors le sont encore ?).
Trump était au courant dès jeudi mais n’avait pas réagi. Il aurait pu décrocher son téléphone et menacer « en privé » les négociateurs chinois que le chantage aux terres rares allait mal se terminer, et leur laisser le week-end pour décider s’il fallait prendre ses menaces au sérieux (nous avons la réponse : c’était juste histoire de marquer le coup, les 100 % de « tarifs », c’était du flan).
Tout le monde se demande donc pourquoi il a choisi d’ameuter l’opinion publique américaine et Wall Street en plein milieu de la matinée de vendredi, à quelques heures du week-end, en menaçant la Chine de « droits de douane massifs » en réponse à son « attitude agressive » (alors même qu’il a lui-même interdit les exportations de « GPU » Nvidia haute performance et autres composants électroniques « sensibles », après avoir banni Huawei des USA à la fin de son premier mandat).
Trump a provoqué un brusque décrochage de l’ensemble des indices : le Nasdaq a plongé de -3,5 % vers 24 220, effaçant tous les gains engrangés depuis le 10 septembre et rendant caducs les 14 records établis dans l’intervalle. Sur la semaine écoulée, le S&P 500 et le Nasdaq ont perdu -2,5 % en moyenne : c’est la pire performance hebdomadaire depuis la semaine du 4 avril.
Le mois d’octobre, qui était encore positif de +2 % ce vendredi à 16 h 45, s’est soudain mis à justifier sa mauvaise réputation. Et le début de cette semaine, marquée par le coup d’envoi de la publication des trimestriels ce lundi midi, prend le contrepied de vendredi avec +2 % sur le Nasdaq en préouverture.
Nous ne comprenons pas le « timing » de la torpille que Trump a expédiée sous la ligne de flottaison de Wall Street en s’en prenant violemment à la Chine, pour ensuite déclarer qu’il n’en voulait pas à Xi Jinping, qu’il n’était pas fâché (en partance pour signer les accords de paix en Égypte).
Nous avons la désagréable sensation d’assister à un nouvel exemple de manipulation des marchés dont Trump est coutumier (cuivre, pétrole, armement), et qui n’a pas épargné le Bitcoin puisqu’une « baleine » douée d’un flair exceptionnel a balancé pour des centaines de millions de dollars de BTC quelques minutes avant le coup de gueule de Trump… ce qui soulève des questionnements sur un délit d’initié de la part de personnes de son entourage, très actives sur les cryptos.
Il y a certes un « listage » du BTC chez les plus grands acteurs de Wall Street et il existe toute une panoplie de produits dérivés aux États-Unis, mais cela reste un actif décentralisé, donc un délit d’initié n’est attaquable devant aucune juridiction. Il n’y a pas de « shérif » dans cet univers « non régulé », c’est la loi de la jungle qui s’applique : les auteurs ne risquent strictement rien.
Une piqûre de rappel pour ceux qui dénoncent les « manipulations des devises par les banques centrales » et jugent l’univers des cryptos plus « honnête » : question manipulation, les baleines opèrent à une toute autre échelle en termes de volatilité (le dollar a certes perdu 13 % en dix mois, mais l’Ethereum, c’était en dix minutes), sur le dos des particuliers, et avec un cynisme et un mépris total de toute forme d’éthique financière.
Et c’est une nouvelle démonstration que lorsque les sommes en jeu sont « considérables », rien n’arrive jamais par hasard, et les « non-initiés » constituent les innombrables victimes habituelles.
Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, lorsque le shérif Don Mac Trump pousse les portes du saloon, il intervient pour faire respecter la loi… du plus fort !

3 commentaires
Pourquoi les chiffres de Trump serient-ils plus faux que ceux du Hamas ?
Commentaires toujours très intéressants et surtout très acérés que je parcours avec beaucoup d’attention.
Très content de vous recevoir
Approche intéressante du délit d’initiés, « impunissable » au cas d’espèce des cryptomonnaies. Après tout personne n’est obligé d’en détenir à moins qu’une la monnaie numérique « à la chinoise » ne nous y contraigne.