Christine Lagarde s’est prononcée en faveur d’une union monétaire plus complète… mais, tout comme la BCE et la majorité des dirigeants européens actuels, elle a des années de retard.
Christine Lagarde n’est ni colombe, ni faucon, elle est une chouette ; elle porte une broche de chouette pour le rappeler. Hélas, elle n’en n’a pas les qualités.
Elle a prononcé mardi un discours au Parlement européen dans lequel elle a évoqué la nécessité d’une Union monétaire (UEM) plus complète, conformément à son accord avec Macron lors de sa nomination :
« Permettez-moi d’expliquer ce que je veux dire par une UEM plus complète… une union bancaire complète, soutenue par un régime commun d’assurance des dépôts ; une véritable union des marchés des capitaux qui oriente l’investissement vers des utilisations innovantes et productives ; et une fonction centrale de stabilisation comme ligne de défense commune contre les chocs.
Une UEM plus résiliente avec ces éléments ne contribuerait pas seulement à protéger nos niveaux de vie contre les développements nationaux et mondiaux défavorables. Elle soutiendrait également l’influence de l’Europe dans le monde, notamment en rendant l’euro plus attractif dans le monde. »
Une analyse superficielle, des mots creux, aucune vision, aucune dialectique, on reste dans le pur discours d’élite dépassée.
Rendez-vous compte de cette billevesée : « Soutenir également l’influence de l’Europe dans le monde, notamment en rendant l’euro plus attractif dans le monde. »
Alors que l’Europe est incapable de résister à l’overreach juridique américain, de s’opposer à ses embargos, qu’elle se couche quotidiennement devant l’OTAN et son secrétaire général Jens Stoltenberg, que ses banques mendient des dollars ! On croit rêver !
Toutes les conditions de la vassalité sont là et se renforcent… et notre chouette imagine qu’elle va re-fabriquer un euro raté en un fier euro souverain, influent, attractif sinon flamboyant.
Une monnaie avorton
J’ai déjà dit en son temps que le mandat de Lagarde vis-à-vis de Macron était l’harmonisation fiscale avec un eurobond. Tout ce qui est énuméré ci-dessus va dans ce sens, puisque ce sont les conditions de faisabilité d’un eurobond.
Ce n’est pas une adaptation au monde, c’est une tentative imbécile de corriger les erreurs du siècle dernier, les erreurs faites lors de la mise en place de cette monnaie avorton.
L’eurobond, c’est le regain d’un vieux mythe – lequel est maintenant dépassé, archi-dépassé comme toujours s’agissant de l’Europe. On a un train de retard, on résout les problèmes d’hier :
– le mythe de la convergence a cessé de produire effet. Ce qui compte, au contraire, c’est la diversité des solutions proposées/inventées pour l’adaptation au nouveau monde ;
– l’Allemagne n’est plus une locomotive ou un modèle, c’est l’homme malade de l’Europe, à nouveau ;
– l’eurobond existe déjà, dans les faits : c’est le portefeuille de la BCE, laquelle a prêté l’actif de son bilan pour créer un eurobond synthétique. On ne peut faire mieux sauf à changer l’étiquette sur le flacon.
Le problème que devrait affronter l’Europe, c’est la modification radicale de son environnement et sa conception de sa place dans la globalisation chancelante, stratégiquement belliqueuse.
Rien de tout cela n’est abordé : « ils » sont aveugles car monopolistiques et donc dépassés. A force de se surestimer, à force de regarder dans le rétroviseur, ils se fracassent contre le mur de l’avenir.
Christine Lagarde a un programme politique alors qu’elle n’a aucune des qualités requises pour en faire. C’est, comme Sarkozy, comme Macron, une femme du passé.
Lagarde comme Macron ne regarde pas le monde, elle a les yeux fixés sur l’Allemagne et veut s’adapter à ce que l’Allemagne exigeait du temps où Wolfgang Schäuble était ministre des Finances !
C’est cela avoir une vision d’avenir, des yeux de chouette ?
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]