La spéculation est savamment entretenue par une Fed qui sait ce qu’elle risque si la bulle éclate. Résultat : des excès comme on n’en avait jamais vus… tandis qu’un effondrement type URSS menace.
C’est une erreur de croire que la Fed peut maintenir des conditions financières ultra-souples quelles que soient les circonstances. Non, elle ne gère et contrôle facilement les conditions financières que tant qu’elle accepte le gonflement des bulles.
Si elle devait refuser le gonflement des bulles, il apparaîtrait qu’elle ne peut plus entretenir des conditions financières souples.
J’insiste, le contrôle de la Fed repose sur la formation et le gonflement de bulles. Pas de bulle, pas de contrôle. Tant qu’on accepte la bulle, on contrôle.
Pendant environ trois décennies, la Fed a entretenu, soutenu et solvabilisé la spéculation à effet de levier : le leverage est la force dominante qui soutient les conditions financières souples.
En mars dernier, nous avons eu la preuve que la réduction des risques et le désendettement débouchent sur l’illiquidité, sur la dislocation et donc la panique. Un effet de levier spéculatif sans précédent s’était accumulé sur les marchés mondiaux.
Il a fallu plus de 3 000 Mds$ de liquidités pour bloquer le deleveraging/désendettement. Un nouveau cycle spéculatif puissant a été déclenché.
Excès extrêmes
La réponse des banques centrales mondiales à la crise en 2020 a poussé la spéculation à effet de levier et les excès financiers à des extrêmes sans exemple dans l’Histoire.
La vitesse à laquelle les excès spéculatifs sont réapparu après la crise a été, est, extraordinaire. Il y a certaines similitudes avec le rally de sauvetage post-LTCM, qui est rapidement devenu la folie sur les actions technologiques de 1999 – avec moins de 18 mois entre le sauvetage en panique et un sommet du marché en mars 2000.
L’ampleur de la bulle mondiale actuelle dans toutes les classes d’actifs éclipse totalement 1999.
Jugez-en ! Entre septembre 1998 et fin mars 1999, l’actif du bilan de la Réserve fédérale est passé de 55 Mds$ à 580 Mds$. Cette fois-ci, pour ce cycle, l’expansion du crédit de la Fed atteint désormais 3 580 Mds$ en 69 semaines.
Il n’y a pas eu que les Etats-Unis, par ailleurs ; les autres blocs s’y sont mis également ! On en est au minimum à… 9 000 Mds$.
Chute monétaire
Pour compléter le tout – et surtout compenser la baisse d’efficacité économique du monétaire –, voilà que l’opinion mondiale se rallie à l’ide de rouvrir le gouffre des déficits.
Personne ne s’avise de se référer à l’Histoire qui nous dit que la chute de la monnaie n’est pas un phénomène monétaire ; la chute de la monnaie, c’est quand les créanciers du gouvernement cessent de croire à sa capacité à honorer ses dettes.
Au cours de l’année écoulée, de nombreux gouvernements ont enregistré des déficits dépassant 10% du PIB. Le déficit budgétaire des Etats-Unis a dépassé 3 000 Mds$, soit près de 15% du PIB.
Face à une offre sans précédent de nouvelles obligations et de nouveaux emprunts, les rendements du marché se sont néanmoins effondrés.
Les banquiers centraux ont complètement désactivé le mécanisme de fixation des prix des actifs financiers.
Tout est faux, tout est désajusté, tout est artificiel.
Nous sommes dans la même situation que celle qui a mené à l’effondrement de l’URSS : un système dans lequel tout est faux, rien n’est à son prix.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]