** Le signe moins, la couleur rouge, les tracas causés par de mauvais chiffres d’affaires trimestriels sont bannis des marchés depuis le 9 juillet. Bon débarras ! Cela va alléger nos chroniques de quelques paragraphes !
Nos détracteurs nous reprochent d’appuyer là où ça fait mal : ils ont trouvé le bon remède avec une cure de penthotal. Les banques qui continuent d’accumuler des créances douteuses (Morgan Stanley, Wells Fargo, Bank of America) pourraient couper un bras à l’économie que Wall Street ne sentirait plus rien. D’ailleurs, c’est déjà le cas.
Observons la situation actuelle : du chômage et du sous-emploi dans tous les secteurs (sauf à l’ANPE ou bureaux équivalents), des records de saisies immobilières, des fonctionnaires travaillant quatre jours sur cinq en Californie dans des uniformes qui ne sont plus remplacés… Face à de telles conditions, le cerveau du trader lambda a tendance à s’émouvoir et souffrir par empathie avec une économie occidentale qui reste bien mal en point après le coma de l’automne 2008.
C’est une coupable faiblesse que les ordinateurs sont en mesure de corriger — et ils le font très bien : voici enfin les cours de bourses désintoxiqués du réel. Rien n’est tout à fait noir ni tout à fait blanc, on se perd dans les nuances de gris ? Eh bien, il n’y a qu’à décréter informatiquement que tout est vert : voilà de quoi mettre tout le monde d’accord !
** Les ordinateurs ont dû mettre en place des correcteurs automatiques de trajectoire lorsque les indices virent au rouge. Un coup de pouce de dernière minute a ainsi permis au CAC 40 de passer de -0,17% à +0,07% au moment du fixing. L’indice clôture ainsi à 3 305 points dans un volume typiquement estival de seulement 2,2 milliards d’euros.
L’actualité du jour ne le justifiait pas forcément ; pourtant, les indices à travers toute l’Europe sont parvenus à aligner symboliquement une huitième séance de hausse consécutive. L’Euro-Stoxx 50, notamment, s’adjuge 0,35% grâce à Francfort et ses +0,55%.
Une telle spirale haussière ininterrompue n’avait plus été observée depuis la première décade du mois de novembre 1999 : presque 10 ans déjà… cela commençait à faire long. Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait attendre que la conjoncture redevienne aussi favorable pour battre de tels records. Après tout, qui se soucie encore de ces fichus fondamentaux, aujourd’hui ?
Le marché parisien (mais également Londres ou Amsterdam) semblait pourtant bien parti ce matin pour esquisser une consolidation dans le sillage de Wall Street. Les places américaines étaient attendues en repli jusqu’à 15h30… mais le S&P 500 n’a pas tardé à battre son record annuel à 960 points. Quant au Dow Jones, il a tutoyé à 0,5% près la barre des 9 000 points à la mi-séance.
Les marchés américains n’ont donc pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Le Nasdaq a immédiatement démenti les anticipations baissières de pré-ouverture en bondissant de 0,5%. Il a inscrit un nouveau plus haut annuel à 1 927 points (+1% à 1 935 vers 18h GMT).
Le Nasdaq semble disposer de tous les atouts pour aligner une 11ème séance de hausse d’affilée : voici un record absolu qui ridiculise ceux inscrits au plus fort de la bulle des dot.com.
** Nous ne comprenons pas très bien l’intérêt d’un tel exploit… mais il doit y en avoir un, avec de jolis gains à la clé. Quelque chose de plus alléchant qu’un quart de page dans le Guinness Book des Records, entre le plus grand nombre de hamburgers avalés en 10 minutes et la bûche de Noël pralinée de 161,80 mètres de long.
Mais si ingurgiter 11 hamburgers à la suite vous écoeure, assister à une série de 11 séances de hausse finit par vous dissuader de vendre. Et vous n’êtes pas davantage disposé à écouter ceux qui vous conseillent de prendre un peu de bûche pour faire passer le goût du ketchup et de la viande hachée.
C’est un peu ce à quoi nous assistons depuis une semaine : beaucoup d’opérateurs ressentent une sorte de nausée diffuse, comme celle que l’on éprouve dans un manège qui tourne trop vite.
Mieux vaut être à la place de ceux qui commandent la rapidité de la rotation car ils bénéficient d’un double avantage : ils ont encaissé votre monnaie et savent d’avance quand ils décideront de stopper la machinerie. Juste quand vous devenez vert !
Comme le marché ?
Philippe Béchade,
Paris