▪ Nous pensions les mauvaises nouvelles conjoncturelles largement intégrées dans les cours de Bourse et la parité euro/dollar : la séance de vendredi a fini par affaiblir cette impression.
Les doutes sur la pérennité de la croissance ont ressurgi avec une série noire de mauvais chiffres américains publiés les 3 et 4 juin. Elle se conclut par la pire statistique concernant l’emploi depuis l’automne 2009.
Cela ne pouvait tomber plus mal puisqu’il s’agissait du dernier chiffre de la semaine. Le CAC 40 a donc dévissé de 4% (-150 points) par rapport à ses meilleurs niveaux du jour et de -2,9% en clôture. La semaine s’achève sur une perte globale de 1,7%.
Alors que les volumes étaient modérément étoffés depuis le début de la semaine, ils se sont nettement gonflés ce vendredi avec cinq milliards d’euros sur le CAC 40. La journée s’est également terminée au plus bas depuis mars 2006 pour l’euro. Il a effectué une incursion sous le palier des 1,2000 $.
Le cas de la Hongrie (en faillite et sous perfusion du FMI depuis deux ans) a été évoqué pour justifier la baisse de la monnaie unique. L’argument n’est pas totalement pertinent puisque l’information n’est pas nouvelle… et la Hongrie n’appartient pas à l’Eurozone.
La Bourse de Vienne a cependant vacillé sur ses bases avec une perte de 4,8% : les banques autrichiennes ont de gros engagements chez leur partenaire historique. La Bourse de Milan a également plongé de 3,7% (les banques italiennes ont beaucoup investi dans les ex-pays de l’Est).
▪ Lorsque l’on observe le profil de cette journée, il apparaît assez clairement que les indices boursiers ont été victimes d’un double torpillage à la poupe puis la proue. Le premier projectile a frappé le CAC 40 (-80 points en ligne droite) vers 13h.
Il s’agissait de rumeurs alarmistes concernant d’éventuelles pertes qu’aurait subies la Société Générale — sur les produits dérivés ? En Hongrie ? Le 6 mai dernier à Wall Street lors du « flash krach » ? Aucune piste sérieuse n’émerge.
Le « sans commentaire » de la banque vendredi n’a cependant pas calmé l’inquiétude des marchés. Tout le compartiment financier a subi de lourds dégagements, avec des pertes moyennes dépassant les 5%.
La contagion de la peur a rapidement gagné l’ensemble du Vieux Continent. Il est de notoriété publique que les banques se prêtent peu entre elles depuis trois semaines, la BCE voyant affluer une masse inhabituelle de capitaux en quête de sécurité depuis fin mai.
▪ La seconde torpille sous la ligne de flottaison des marchés a explosé à 14h30 avec la publication d’un chiffre de créations d’emplois très inférieur aux prévisions aux Etats-Unis. Le chiffre brut de +431 000 est en lui-même décevant — le consensus tablait sur +515 000. Le montant des créations d’emplois dans le secteur privé (+41 000 contre 190 000 anticipés et +218 000 en avril) est quant à lui carrément consternant… et le secteur de la construction a encore détruit 35 000 postes tandis que l’industrie n’en a créé que 29 000.
Après la série de mauvais chiffres publiés la veille, l’emploi était attendu comme le lot de consolation mais ce fut en réalité un vrai « lot de désolation » !
Même le recul du taux de chômage de 9,9% vers 9,7% ne signifie rien dans la mesure où cette baisse reflète très mécaniquement l’impact des 41 100 personnes recrutées temporairement par le gouvernement pour le grand recensement de 2010.
La sanction a été terrible : le CAC 40, qui affichait +0,7% vendredi matin, a atteint les -3% peu avant la clôture, repassant de 3 593 points à 3 443 points — soit -150 points en moins de cinq heures.
Paris a reculé de 2,85% et l’EuroStoxx 50 de 3% — dans le sillage de Madrid qui chute de 3,8% et d’Athènes (-4%).
Les statistiques publiées par le département du Travail US à 14h30 auraient dû assommer le dollar. Cependant, c’est le phénomène d’aversion au risque — et de fuite vers la qualité — qui a nettement pris le dessus : l’euro coulait à pic, établissant un nouveau plancher annuel à 1,1990 $, et s’avérait ensuite incapable de se redresser à la veille du week-end.
▪ Comme une ultime preuve que tout ne pouvait qu’aller de travers en ce 4 juin, le Premier ministre François Fillon, qui s’exprimait devant des journalistes anglo-saxons, a indiqué « qu’il ne voyait que des bonnes nouvelles dans la ‘parité’ entre l’euro et le dollar »… ce qui a été interprété comme son souhait de voir les deux devises revenir à parité.
Il s’agissait bien sûr d’une allusion à la parité actuelle… mais le correctif de Matignon est arrivé trop tard : l’euro avait plongé sous 1,20 $ !