Les rendements moyens 2017 des fonds euro ont chuté moins que prévu mais la collecte a baissé. Cela met-il votre épargne à l’abri ?
Il aura donc fallu patienter jusqu’au 15 mars pour que la Fédération française de l’assurance (FFA) dévoile son estimation du taux de rendement moyen des fonds euros en 2017.
Lors de sa conférence de presse sur le bilan de l’année 2017 et les perspectives 2018 pour le secteur de l’assurance, Bernard Spitz, le président de la fédération, a enfin annoncé l’heureux évènement.
1,8% : c’est le chiffre dont se réjouissent la FFA et certains médias
Houra ! Il est vrai que face au 1,5% annoncé par le consensus, la pilule est moins amère que prévue ; il s’en est même fallu de peu pour que le rendement brut des fonds euros ne soit stable d’une année sur l’autre (1,9% en 2016). Votre assureur risque donc peut-être de bientôt débarquer chez vous tout sourire pour vous annoncer « la bonne nouvelle » : sa compagnie, grâce à la savante gestion dont elle a su faire preuve, a finalement battu le consensus !
Cependant, cher lecteur, avant que vous ne grimpiez au rideau, permettez-moi d’attirer votre attention sur quelques menus détails qui apparaissent sur ce graphique maison.
L’assurance-vie a-t-elle continué à procurer des « rendements performants » en 2017 ?
La courbe rose, c’est la fiction (le rendement brut moyen des fonds euros), laquelle suit tout de même une pente passablement décroissante même si certains voudraient faire passer le chiffre 2017 pour une bonne nouvelle.
La courbe violette, c’est la réalité, c’est-à-dire ce qu’il vous reste dans la poche une fois que les prélèvements sociaux ont été prélevés sur votre fonds euros (rassurez-vous, ça se fait tout seul, vous ne pouvez pas oublier de les payer) et que l’inflation est venue rogner votre pouvoir d’achat. Au final, en laissant votre argent sur un fonds euros en 2017, vous vous êtes enrichi en moyenne de 0,52%.
Par ailleurs, c’est la dernière fois que je fais le calcul avec 15,5% de prélèvements sociaux. L’année prochaine, ce sera 17,2%, ce qui aurait ramené notre rendement réel moyen à 0,49% si ce taux avait été appliqué sur les revenus 2017.
Certes, la performance est bien meilleure que si vous aviez laissé votre argent sous votre matelas, auquel cas vous auriez perdu 1% de votre pouvoir d’achat à cause de l’inflation.
Maintenant, de là à dire que les fonds euros ont continué à procurer des « rendements performants » ou que leur rendement a été « bon », il y a un pas que je ne franchirai pas.
Les contrats en unités de compte sauveront-ils à nouveau le rendement de l’assurance-vie en 2018 ?
Si vous avez lu attentivement le tweet de la FFA, vous avez peut-être noté que celle-ci joue sur les mots. En effet, elle parle du rendement de « l’assurance-vie », ce qui inclut donc le rendement des unités de compte (UC). Celles-ci ont en moyenne affiché 5% de performance en 2017, ce qui compense, en fonction de votre allocation d’actifs, la faiblesse du rendement de votre fonds euros.
Or en 2017, la part des UC dans les cotisations a augmenté de 35%, pour représenter 28% de la collecte, comme en témoigne le graphique suivant.
Vous pouvez ainsi constater le résultat des changements de politique des compagnies d’assurance. L’accès au fonds euros et à sa garantie en capital (et a fortiori aux fonds euros dynamiques) est de plus en plus restreint par les assureurs qui ont tendance à conditionner les versements sur ces compartiments à un versement connexe en UC.
Cependant, je me demande si l’année prochaine, dans l’hypothèse d’une performance moyenne négative des UC, la FFA se contentera de communiquer sur les fonds euros ou bien si elle publiera à nouveau un tweet indiquant la performance des deux compartiments…
La décollecte sur les fonds euros, favorable pour vous ?
Pour ce qui est du fonds euros, celui-ci a essuyé une décollecte de 12,8 Md€ en 2017. Le CGPI Guillaume Fonteneau y voit une bonne nouvelle pour l’épargnant futur en fonds euros. Sur Le Blog Patrimoine, il explique :
« Les perspectives [pour le rendement moyen des fonds euros en 2018] sont aussi plutôt favorables puisque 2017 marque une année de décollecte pour le fonds euros, cela signifie :
- Que les compagnies d’assurance-vie n’ont pas été obligées d’utiliser votre épargne pour investir dans des obligations dont les rendements sont médiocres ;
- Que les compagnies d’assurance-vie ont même pu réaliser quelques arbitrages pour se débarrasser des actifs aux perspectives de plus-values non significatives.
- Que les plus-values latentes bénéficieront à un nombre plus faible d’épargnants.
Bref, l’année 2017 n’est pas une nouvelle année de dégradation de la qualité intrinsèque du fonds euros ! Si la tendance devait se confirmer en 2018 (ce qui semble le cas pour le moment du fait d’une forte collecte en UC), les perspectives pourraient finalement s’avérer relativement favorables pour le fonds euros pour les prochaines années. »
Bien entendu, c’est tout le mal que je souhaite aux épargnants. Cependant, la question est de savoir si cette tendance mettrait définitivement votre épargne à l’abri par exemple d’un déclenchement de la loi Sapin II en cas de remontée brutale des taux longs sur la dette française.
Pour le moment, Bernard Spitz dit se réjouir de la remontée des taux d’intérêt qui a permis au secteur de limiter la casse sur le rendement servi. Sans doute son discours ne resterait-il pas le même en cas de véritable tension sur les taux. Si vous lisez régulièrement ces colonnes, vous savez que c’est un scénario qui nous sommes loin d’exclure.
Il est important que la mariée brille pour ne pas effrayer le chaland
Au total, à fin 2017, l’encours sous gestion en assurance-vie représente 1 676 Md€, soit une augmentation de 3% par rapport à 2016. L’encours détenu en fonds euros est resté stable (+1%) alors que l’encours détenu en UC a augmenté de 10%.
Là où le bât blesse, c’est au niveau de la collecte nette (les cotisations – les prestations). C’est en effet la deuxième année que le chiffre d’affaires s’affiche en baisse ; il est même en-dessous de son niveau de 2013.
Heureusement, la nouvelle année a commencé en fanfare avec 2,5 Md€ de collecte nette au mois de janvier.
« Survivre est donc impératif pour pouvoir continuer à se tromper »
Simone Wapler vous parle souvent de Jouer sa peau, le dernier livre de Taleb. Le philosophe explique qu’on ne peut sous-estimer un risque mortel. Comme remarque le blogger Franck Boizard à la lecture de cet ouvrage :
« Il y a un krach boursier environ tous les 15 ans. Si vous êtes paranoïaque et que vous croyez qu’il y en a un tous les ans, cela vous embête dans vos investissements mais sans plus. Si vous croyez qu’il y en a un tous les mille ans, vous perdez tout. Etre un peu vivant n’est pas le symétrique d’être un peu mort. Survivre est donc impératif pour pouvoir continuer à se tromper »
En somme, si vous détenez une part considérable de votre épargne en fonds euros, à vous de voir si vous pensez que le prochain krach obligataire est pour le prochain millénaire ou s’il y a au contraire des chances que vous l’expérimentiez au cours de votre vie. Dans le deuxième cas, peut-être le moment est-il venu de chercher une alternative à votre fonds euros.