Les banques centrales ont réduit la rémunération de l’épargne à zéro, forçant les particuliers à se tourner vers les marchés financiers… où ils se font tondre par des professionnels plus avertis qu’eux.
Comme une forcenée, la Fed continue de dévaloriser l’épargne tout en soutenant les valeurs fictives des marchés des valeurs mobilières et des produits dérivés.
Elle promeut une structure permanente d’incitations délétères à la spéculation et au gonflement des bulles de marché – surtout depuis l’inflation monétaire sans précédent de mars 2020.
Ce faisant, elle graisse les mécanismes qui exacerbent les inégalités tout en exposant des dizaines de millions de spéculateurs plus ou moins avisés à un risque majeur.
« S’ils perdent de l’argent, c’est de leur faute », déclare Neel Kashkari, président de la Fed de Minneapolis.
Cela peut coûter à un groupe d’acteurs du marché, qui est certainement le moins sophistiqué et le moins bien nanti, mais c’est bien pour la communauté des spéculateurs professionnels.
Un jeu inégal
Mon expérience me dit que l’argent va toujours des poches des moins sophistiqués vers celle des plus avertis et surtout des plus tricheurs.
Le marché des professionnels, comparé à celui du public, est initié. Il bénéficie des informations privilégiées données en langage codé par les banques centrales et les gouvernements. Il bénéficie des tuyaux des banques complices des banques centrales.
En Bourse, en finance, il y a un monde à plusieurs vitesses ; je ne crains pas de le dire, moi qui ai passé 60 ans sur les marchés, à produire de l’information, des conseils, à manipuler des marchés pour le compte de la Banque de France, de la Caisse des Dépôts, des grandes banques ex-nationalisées et des banques privées.
Le système est toujours celui de la diffusion inégalitaire de l’information, le système de la pierre dans la mare qui fait des cercles concentriques. Il a été rendu soft, non visible, mais c’est celui sur lequel fonctionne la Bourse. C’est le vrai système boursier, et je le démontre à tous ceux qui font semblant de le contester.
Ceux qui s’enrichissent sont ceux qui sont près des robinets du pognon et près des émetteurs d’informations, c’est-à-dire les kleptos, les politiciens pourris, les très grandes entreprises…
Tous ceux-là bonifient leurs gains en anticipant les réactions du public. La Bourse, la vraie, c’est la tonte institutionnalisée.
Plus d’une décennie d’inflationnisme – ainsi que les singeries de la Fed avec les marchés – ont tellement déformé les incitations et les perceptions du risque qu’il est impossible pour le public d’évaluer avec précision le risque de marché. Quand ils perdront des sommes sérieuses, ce sera de la faute de la Fed.
Un problème majeur
La spéculation sur les marchés est devenue un problème de société majeur, en particulier avec notre tissu social déjà effiloché et fragile.
Qui ose dire qu’il est immoral d’avoir réduit les taux de rémunération de l’épargne à zéro et forcé les épargnants à se tourner vers les marchés des valeurs mobilières surévalués et promis à la destruction ? Pas grand’monde…
Une décennie d’inflationnisme forcené a tellement déformé les incitations et les perceptions du risque qu’il est impossible pour le public d’évaluer les risques qu’il prend. Quand le public sera ruiné, ce sera de la faute des banquiers centraux et des politiciens qui, au lieu de faire leur travail de protection du public, auront au contraire contribué à sa spoliation.
Même les rachats d’actions, les buybacks, sont une forme de spéculation. Ce ne sont pas des investissements ou de la gestion, car ils reposent sur des raisonnements faux et une fausse conception du capital et de son coût.
Le capital a une fonction que l’on oublie, c’est ce que l’on appelle son pouvoir d’endettement. Le capital sert à assurer la sécurité et si on use son pouvoir d’endettement avec les buybacks, ce n’est pas de la bonne gestion, c’est du pillage.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]