Les banques n’ont pas dans leurs coffres l’argent que vous croyez y avoir déposé… et le marché boursier dans son ensemble est dans une situation similaire.
Je soutiens et je démontre que le marché financier est une colossale banque et qu’il en accomplit toutes les fonctions, en particulier la transformation.
Mais le marché est un pool colossal, donc sa destruction sera beaucoup, beaucoup plus lente que celle des banques. Mais elle sera irréversible, car les masses engagées n’ont aucun rapport avec ce que les banques centrales peuvent créer. Les marchés contiennent, en germe, toute la monnaie de base qu’il faudra – ou faudrait créer un jour – pour les sauver !
La pyramide d’Exter repose sur la pointe mais un jour pour la stabiliser il faudra que la pointe devienne, aussi large que le plafond. Sur cette illustration, le plafond, c’est la zone rouge.
Cette pyramide n’est cependant pas exacte dans le système moderne, car la pointe ce n’est plus l’or, c’est la monnaie de base.
Dans la panique, dans nos systèmes, ce que l’on demande quand il y a « run », ce n’est pas de l’or, mais de la monnaie de base. C’est ce que les banques centrales doivent fournir, et qu’elles fournissent à chaque fois.
Un jour la monnaie des banques centrales ne sera plus acceptée et ce sera peut-être l’or qui sera demandée et il retrouvera son rôle ; mais ce n’est pas le cas à notre époque.
Petits et gros paquets
C’est pour permettre au marché de décupler cette fonction bancaire colossale que l’on a dérégulé la finance et les Bourses. Cela permet d’élargir le pool, de noyer les insolvabilités et les pourritures, de créer des classes d’initiés qui tondent le public, d’entretenir l’esprit de jeu qui permet de financer moins cher les gouvernements et les entreprises tout en bonifiant les profits du capital.
Si vous préférez, le marché permet le Ponzi et la dissémination et la destruction des plus faibles et l’enrichissement des classes supérieures – enrichissement des princes, aurait-on dit dans l’Ancien Régime.
Le marché boursier est une sorte de lieu de d’empaquetage qui permet :
- de financer le « long » avec du « court » voire du très court ;
- de se passer de l’épargne ;
- de multiplier des promesses de plus en plus déconnectées de la réalité qui, fondamentalement, est la richesse économique réelle ;
- d’hypothéquer de plus en plus loin ;
- de nier le risque et de le remplacer par l’appétit pour le jeu.
Il n’y a pas que les banques qui n’ont pas l’argent que vous croyez y avoir déposé, le marché boursier dans son ensemble c’est la même chose. Il n’a pas, ni dans le présent, ni dans le futur, ce qu’il prétend avoir ou prétend qu’il va avoir. Présenté autrement, il permet d’anticiper de plus en plus loin, de reporter.
Le marché comme les banques n’est solide et résilient que si et seulement si, face à son entropisation, les autorités l’alimentent en continu avec de l’air chaud – de la hot money, c’est-à-dire de la monnaie nouvelle à la recherche d’opportunités spéculatives.
Le jour où vous aurez compris que le marché boursier est une gigantesque banque, avec les mêmes vices et défauts cachés multipliés au centuple, vous ne le verrez plus jamais du même œil.
Le mirage de l’autorégulation
La régulation par le marché est devenue impossible ont reconnu les autorités, puisque l’on ne peut plus ajuster librement, sans risque, le prix central du système, le taux d’intérêt. Il faut monter des usines à gaz, essayer de réglementer, de façon de plus en plus complexe, intrusive, serrée et finalement arbitraire. Il faut détourner les lois existantes.
Par exemple, on ne peut se débarrasser du mistigri des réserves excédentaires des banques, alors il faut que la nation leur verse une rente immorale, tombée du ciel, pour stabiliser ces réserves !
C’est une seringue : on ne peut plus en sortir car, si on en sortait, tout s’effondrerait. Il faut bétonner et rigidifier. Il faut s’écarter de tous les prix qui seraient fixés par les marchés. Il faut imposer ceux, les fausses valeurs, qui permettent de durer. Bientôt, il faudra passer au contrôle des prix des principaux biens et des services et à la politique des revenus.
Le maitre mot de la période c’est : encadrement.
C’est le cas bien sûr flagrant au niveau des comptabilités des inventaires des banques : on ne peut plus les évaluer au prix de marchés, aux prix mathématiques ou autres. Il faut les valoriser à ce que l’on appelle le « mark to fantasy », c’est-à-dire en fonction des besoins.
L’arbitraire règne en maître, comme par exemple sur la valeur d’un dépôt bancaire : est-il assuré ou non ? Plus personne ne le sait, les règles ont disparu.
Si tous les dépôts bancaires sont assurés, cela veut dire que l’on a transféré le risque ailleurs : où ? Bien sûr au niveau du couple maudit et de l’ensemble de la société, ce qui signifie que c’est la monnaie émise qui est viciée, qui vaut moins, car elle est susceptible lors de tout accident d’être jetée à la poubelle.
Il n’y a plus de phénomènes de rééquilibrages spontanés, les excès ne sont plus auto-correcteurs, car tous les opérateurs savent que les valeurs fondamentales, les valeurs d’usage, ne jouent plus et qu’elles sont devenues secondaires. Mieux vaut étudier les discours des gouverneurs de la Fed qu’étudier les bilans et l’économie.
Etudier les signaux ne sert plus à rien, puisque les signaux sont faussés plus ou moins délibérément. La fonction des autorités a cessé d’être d’éclairer l’avenir. C’est l’inverse : leur fonction est devenue de le brouiller afin de briser et d’empêcher les anticipations rationnelles de se former.
C’est le règne du moral hazard généralisé, de l’argent mal gagné, non mérité, non légitime.
En même temps, en rendant inutile tout véritable travail d’investissement et d’allocation efficace des ressources, les usurpateurs stimulent et justifient la spéculation. Il n’y a plus qu’elle qui donne des résultats.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]