A mesure que le stock de capital se détériore, les symptômes de la stagflation deviennent de plus en plus apparents.
A la fin des années 1960, Edmund Phelps et Milton Friedman ont remis en cause la théorie dominante selon laquelle il serait possible de réduire durablement le taux de chômage en contrepartie d’un niveau d’inflation plus élevé. En réalité, selon Phelps et Friedman, les politiques monétaires laxistes des banques centrales finissent par créer les conditions à la fois d’une croissance économique plus faible et d’un taux d’inflation plus élevé, autrement dit de la stagflation.
L’origine de la stagflation selon Phelps et Friedman
Imaginons une situation où le taux d’inflation réel est initialement égal au taux d’inflation anticipé et où la banque centrale décide de stimuler la croissance économique en augmentant le taux de croissance de la masse monétaire. En conséquence de cette décision, une plus grande quantité de monnaie entre en circulation dans l’économie et chaque individu a désormais plus d’argent à sa disposition.
Ainsi, les consommateurs ont l’illusion d’être devenus plus riches. Cela a pour effet d’engendrer une hausse de la demande et donc dans un second temps une augmentation de la production de biens et services, qui est elle-même à l’origine d’un accroissement des embauches. Par conséquent, le taux de chômage reculerait en dessous de son niveau d’équilibre, niveau que Phelps et Friedman ont qualifié de taux de chômage naturel. Une fois que le chômage est tombé en dessous du taux d’équilibre, des pressions inflationnistes commencent à se faire ressentir.
Par conséquent, les individus finissent par comprendre que la politique monétaire a été assouplie et que les gains de pouvoir d’achat qu’ils pensaient avoir engrangé ne font que s’amenuiser, ce qui les amène à anticiper une inflation plus élevée qu’auparavant.
Ces changements dans la psychologie des consommateurs participent à réduire la demande globale, ce qui entraîne un ralentissement de la production de biens et de services et donc à terme une hausse du taux de chômage. A ce stade, l’économie est revenue au niveau d’emploi où elle se situait avant la décision de la banque centrale d’assouplir sa politique monétaire, mais avec un taux d’inflation maintenant beaucoup plus élevé.
Dans une cette situation, une baisse de la production de biens et de services est alors inévitable, entraînant simultanément une augmentation du chômage et une accélération de l’inflation des prix, autrement dit, une stagflation.
De de cette observation, Phelps et Friedman en ont conclu que si l’augmentation du taux de croissance de la masse monétaire n’était pas anticipée par les agents économiques, alors la banque centrale peut réussir dans un premier temps à stimuler la croissance économique.
Cependant, une fois que les agents économiques ont pris conscience de l’augmentation de la masse monétaire et en comprennent les implications, ils réajustent leurs comportements en conséquence. Le coup de pouce apporté à l’économie par l’augmentation du taux de croissance de la masse monétaire finit donc nécessairement par disparaître.
Face à une telle situation, pour relancer la croissance économique, la banque centrale devrait prendre de nouveau par surprise les agents économiques en augmentant encore davantage le rythme de création monétaire. Toutefois, après un certain temps, ils se rendront compte de la situation et ajusteront à nouveau leurs comportements en conséquence. Ainsi, le stimulus économique résultant d’une accélération de la croissance de la masse monétaire n’est toujours que transitoire et le seul effet durable d’une telle politique est une augmentation du taux d’inflation structurel.
Partant de cette observation, Phelps et Friedman en sont arrivés à la conclusion que les politiques monétaires laxistes de la banque centrale ne peuvent générer qu’une croissance économique temporaire et qu’avec le temps de telles politiques entraîneront nécessairement une spirale inflationniste incontrôlable. Autrement dit, selon Phelps et Friedman, à long terme, il n’existe aucun arbitrage possible entre l’inflation et le chômage.
L’accroissement de la masse monétaire compromet toujours la croissance économique
Dans une économie de marché, les producteurs échangent leurs produits contre de l’argent, puis utilisent cet argent pour acheter les produits d’autres producteurs. Autrement dit, on échange des produits contre d’autres produits, la monnaie n’a qu’une fonction d’intermédiaire.
Cependant, les choses ne sont plus aussi simples lorsque de la nouvelle monnaie est constamment créée ex nihilo en raison des politiques laxistes de la banque centrale. Une telle situation implique que des produits peuvent être échangés contre quelque chose qui a été créée à partir de rien, détournant ainsi le capital des véritables créateurs de richesses vers les détenteurs de la monnaie nouvellement créée.
Le détenteur de la nouvelle monnaie créée ex nihilo a la possibilité d’acquérir des biens et services sans avoir lui-même contribué à la production de biens et services ou à la constitution du stock de capital. Cela implique que le capital accumulé par les producteurs de richesse est détourné au profit des détenteurs de la monnaie nouvellement créée. A cause de ce phénomène, le pouvoir d’achat et la capacité d’investissement des créateurs de richesse sont affaiblis, réduisant leur capacité à développer les capacités de production.
L’échange de monnaie créée à partir de rien contre des biens réels constitue un processus de détournement du capital, que l’augmentation de la masse monétaire soit anticipée ou non par les agents économiques. Cela signifie que, contrairement à ce que soutiennent Phelps et Friedman, même si une augmentation de la masse monétaire était anticipée, elle affaiblirait de toute manière la croissance économique.
Quelle est la cause première de la stagflation ?
Comme nous l’avons vu, l’augmentation de la masse monétaire implique l’échange de monnaie créée à partir de rien contre des biens réels, détournant ainsi le capital des créateurs de richesses au profit de ceux qui ne créent pas de richesses. De ce fait, la création monétaire affaiblit le processus de formation du capital et ralentit la croissance économique. Il faut également souligner qu’étant donné que le prix d’un bien correspond au montant d’argent payé pour ce bien, lorsque la nouvelle monnaie créée entre en circulation sur le marché, une plus grande quantité de monnaie est dépensée pour les biens disponibles, ce qui implique mécaniquement une augmentation des prix des biens.
Nous nous retrouvons donc dans une situation où l’augmentation de la masse monétaire compromet le processus de création de richesse, étouffant ainsi la croissance économique. Simultanément, la quantité de monnaie rapport au nombre de biens disponibles sur le marché augmente, ce qui fait monter les prix. Nous avons donc à la fois une hausse des prix des biens et une diminution de la croissance économique, ce qui correspond à la définition de la stagflation.
La stagflation est le résultat ultime d’un excès de création monétaire. Ainsi, chaque fois que la banque centrale adopte une politique monétaire laxiste, elle déclenche nécessairement un processus de stagflation dans les mois qui suivent. Le fait qu’avec le temps une augmentation de la masse monétaire ne se traduise pas toujours par une stagflation prononcée ne réfute pas notre conclusion. Ce qui importe pour la santé globale de l’économie, ce n’est pas la manifestation des symptômes visibles d’une stagflation, mais plutôt ses causes.
La gravité de la stagflation dépend de l’évolution du stock de capital. Si ce stock diminue, un déclin visible de l’activité économique est probable. De surcroit, compte tenu de la création monétaire antérieure et de l’accélération de l’inflation des prix, une stagflation est alors inévitable. Inversement, si le stock de capital continue de croître, l’activité économique est susceptible de rester également bien orientée. Compte tenu de la montée des prix, nous observerions dans cette situation une corrélation positive entre l’activité économique et l’inflation. Il est important de noter que c’est uniquement grâce au renforcement du stock de capital que les symptômes d’une stagflation ne sont pas visibles dans ce cas précis. Nous pouvons en conclure que si, en dépit de la création monétaire antérieure, les symptômes d’une stagflation ne se manifestent pas, cela implique nécessairement que le stock de capital a continué de se renforcer au cours de cette période. À l’inverse, si les symptômes d’une stagflation apparaissent, il est fort probable que ce stock soit en déclin.
Conclusion
L’augmentation de la masse monétaire implique l’échange de monnaie créée à partir de rien contre des biens réels, détournant ainsi le capital des créateurs de richesses au profit de ceux qui ne créent pas de richesses. Par conséquent, ce processus décourage la production de richesses et ralentit par ricochet la croissance économique. Ensuite, lorsque la nouvelle monnaie créée entre en circulation sur le marché, cela implique qu’une plus grande quantité de monnaie est dépensée pour une même quantité de biens disponibles. Cela veut dire que les prix des biens doivent nécessairement augmenter.
Ainsi, nous observons dans une telle situation à la fois une augmentation des prix des biens et un affaiblissement de la croissance économique. C’est précisément la définition d’une stagflation. Nous suggérons que le résultat d’un excès de création monétaire est toujours la stagflation, bien que ce phénomène ne soit pas toujours visible. À mesure que le stock de capital se détériore, les symptômes de la stagflation deviennent de plus en plus apparents.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.