Avec les rotations de la nouvelle année en Bourse, des signes de fêlures apparaissent par endroits. Certains secteurs ont plus perdu qu’attendu, et l’inflation est une fois de plus pointée du doigt. Pour savoir si réelle chute il y aura, il faut toutefois s’intéresser à de nombreux autres facteurs.
L’argent tourne, il est instable, il cherche un endroit où se fixer.
C’est le signe que les solutions anciennes ont cessé d’être perçues comme satisfaisantes ou sûres.
Sous l’apparente stabilité ou résistance des indices, il y a des glissements de profondeur, et j’ai l’impression que des plaques tectoniques bougent. On en verra les conséquences plus tard.
La rotation de la nouvelle année
La fin comme le début des années boursières se caractérisent par le mot « rotation ».
La rotation est un signe positif pour les autorités, c’est le signe que l’argent reste bien piégé dans le système et n’en sort pas. Mais c’est aussi un signe négatif, car il signifie que l’instabilité revient.
Depuis le début de l’année, on a ainsi délaissé les actions de croissance, les cryptos, les véhicules spéculatifs, les obligations, et les taux longs ont fortement monté.
Les actions dites « value » des grandes capitalisations ont surperformé les actions de croissance à grande capitalisation. Idem pour les petites capitalisations. Le rendement des bons du Trésor à 10 ans a fortement monté, de plus de 20 points de base, celui des bons du Trésor à 2 ans encore plus, la pente de la courbe des taux s’est accentuée de 13% et le rendement des TIPS (obligations qui protègent de l’inflation) à 10 ans a augmenté d’environ 50 points de base.
Le pétrole brut et le gaz naturel ont progressé de près de 12 et 14%, respectivement.
Je ne crois plus beaucoup aux messages ou à la sagesse des marchés financiers, pas plus que je ne crois à leur capacité d’anticipation. Mais, si j’y croyais, je dirais qu’ils jouent un scénario de croissance d’une part et de ralentissement de l’inflation d’autre part.
Tout le monde semble d’accord
En quelque sorte, les marchés « ratifieraient » le schéma de la Fed, qui agit pour calmer l’inflation parce qu’elle croit que la croissance est solide.
Le marché a laissé entendre ces dernières semaines que l’économie est ou sera meilleure qu’on ne s’y attendait au tout début de l’année.
La hausse des taux nominaux et réels est une indication de la hausse des attentes de croissance. Les taux réels augmentant plus que les taux nominaux, cela signifie que les anticipations d’inflation baissent. Une courbe de rendement plus raide et plus pentue est également associée à une croissance plus élevée.
Si l’inflation a culminé – si elle était vraiment transitoire – cela impliquerait que la récente inclinaison hawkish de la Fed est peut-être un peu trop précipitée et peut-être que les quatre hausses de taux en 2022 s’avèreront ridicules.
Personnellement, je n’attache aucune signification à toutes ces fluctuations. Les marchés de taux ont perdu leur efficacité : souvenez-vous de la remontée record de l’automne 2018, avant la rechute !
Des avis divergents
Les mouvements des actions « value » qui surperforment la croissance, cela veut dire qu’il y a amélioration des attentes de croissance. Pourquoi pas… Tout dépend non pas de la réalité, qui est en ce moment inconnaissable, mais des indicateurs et des gourous que l’on choisit. Les économistes mainstream voient la croissance, tandis que ceux que j’aime bien, les Rosenberg et Snider, voient des signes de faiblesse.
Il ne sert à rien d’essayer de prédire l’avenir, laissons cela aux charlatans qui en font leur métier, essayons simplement de comprendre le présent.
L’or chute modestement puis se redresse : cela ne veut rien dire. Le dollar a cessé de monter mais il ne s’effrite que marginalement : aucun intérêt.
Les démissions des salariés atteignent des niveaux record. Il s’agit principalement d’un phénomène qui concerne les bas salaires, qui ont les taux de démission les plus élevés notamment dans le commerce de détail, les services d’hébergement et la restauration. Les gens quittent ces emplois parce qu’il existe de nombreuses alternatives avec des salaires plus élevés.
Un écho des dot-com
La dynamique que j’observe me rappelle l’éclatement de la bulle « tech » en 2000.
Il y a en plus, en ce début d’année, des corrélations notables entre les actions technologiques en baisse et les cryptomonnaies – et certains indicateurs clés des conditions financières comme les prix des CDS ne trompent pas.
C’est comme si la peur commençait à s’installer : le marché commence à faire des liens entre l’effondrement de la bulle cryptographique – en rémission depuis maintenant deux mois – , l’industrie technologique surchauffée, l’ingénierie financière dominée par l’escroquerie des SPAC et de fonds comme Ark Invest, et le risque systémique latent.
Nous avons commencé à voir des corrélations qui mettent la puce à l’oreille.
Il va falloir observer de près les conditions financières. Si elles se resserrent, des dizaines d’entreprises se retrouveront sans accès à de nouveaux financements. Surveillez donc les oiseaux de beau temps comme Ark et ce que deviennent ses « actions memes ».
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]