▪ Les portes de saloon continuent de battre à toute volée sur les indices boursiers… De nombreux day traders se tiennent le nez, d’autres la nuque — tandis que les faux signaux haussiers ou baissiers s’enchaînent à un rythme infernal depuis le début de la semaine, avec parfois plusieurs renversements de tendance au cours de la même journée.
Les places européennes alignent une seconde séance de forte hausse consécutive. Cela après une entame où l’on sentait les vendeurs dans les starting-blocks, guettant tout signe de faiblesse de l’euro (et une nouvelle cassure des 1,20 $) pour précipiter le CAC 40 sous les 3 400 points et l’Euro-Stoxx 50 sous les 2 500.
Les pessimistes en ont été pour leurs frais : une émission de dette souveraine à trois ans en Espagne a reçu un excellent accueil, avec une demande trois fois supérieure aux montants proposés. Cela a provoqué une nette détente des rendements sur toutes les maturités classiques (5 et 10 ans).
La confiance a chassé la peur en moins de temps qu’il n’en faut à Angela Merkel pour annuler un dîner de travail avec Nicolas Sarkozy. Les vendeurs à découvert ont entamé le rachat de leurs positions short sur l’euro et les actions. Le mouvement s’est amplifié à partir de 15h30, avec une hausse de Wall Street deux fois plus forte qu’attendue au bout d’une poignée de minutes de cotation.
▪ Difficile d’attribuer aux statistiques du jour l’envolée initiale de 2% à 2,3% des indices américains : le déficit commercial US s’est creusé à 40,3 milliards de dollars en avril (après 40 milliards en mars), soit le plus mauvais chiffre observé depuis décembre 2008.
Le chômage hebdomadaire recule marginalement début juin (de -3 000 personnes, à 456 000). La moyenne mensuelle reste stable, mais dans de hautes eaux — ce qui ne surprendra personne vu le brutal coup d’arrêt subi par les créations d’emplois au mois de mai.
En Europe, l’actualité économique du jour n’avait rien de réjouissant avec le fléchissement surprise de 0,3% de la production industrielle en France au mois d’avril après une hausse de 1,3% en mars.
▪ Comme à l’accoutumée, la décision de la Bank of England et de la BCE de laisser les taux inchangés a été accueillie dans l’indifférence générale. Toute l’attention des opérateurs s’est focalisée sur la conférence de presse qui accompagne la fin du conseil de politique monétaire.
Les propos tenus par Jean-Claude Trichet ont d’abord été sanctionnés par un net fléchissement des indices européens, leur avance se réduisant des deux tiers en quelques minutes (Paris passant de +0,95% à +0,35%).
On a eu droit à la traditionnelle réitération de banalités concernant le niveau approprié des taux d’intérêt et le constat d’une reprise graduelle et laborieuse sur fond d’inflation bien maîtrisée. Les marchés ont mal accueilli l’annonce du maintien des mesures exceptionnelles de rachats de dettes souveraines à titre temporaire (sans injection de liquidités supplémentaires).
Le patron de la BCE s’est une nouvelle fois abstenu de donner la moindre indication sur la nature et l’origine des instruments financiers acquis depuis un mois sur le marché.
Côté prévisions, il s’est montré plus loquace : il revoit la croissance de l’Eurozone en hausse (+0,2% à 1% contre +0,8%) en 2010… Cependant, les auditeurs n’ont pas eu le temps de se réjouir puisqu’il abaissait dans la foulée son estimation pour 2011 de +1,5% à +1,2% — c’est un aveu implicite des effets négatifs des plans d’austérité sur la consommation et l’investissement.
Il presse malgré tout les gouvernements d’accélérer la réduction des déficits et de maintenir le cap de la rigueur car il en va de la crédibilité de l’euro… lequel a fait ses preuves comme devise de réserve depuis 11 ans et demi sans crise majeure.
C’est peut-être le ton plutôt serein et le visage détendu de J.C. Trichet, plutôt que le contenu de ses réponses, qui ont rassuré les marchés.
Le résultat est là : les cours de Bourse ont fortement remonté et la semaine redevient positive de +1,75%… mais rien n’est joué. Rappelez vous que le scénario était exactement le même la semaine passée, avec un écart comparable à la clôture des Bourses européennes le jeudi 3 juin — et la séance de vendredi s’était transformée en Bérézina suite à la publication des chiffres de l’emploi américain.
▪ Le CAC 40 a re-franchi les 3 500 points jeudi soir, dans un volume de 4,3 milliards d’euros qui apparaît un peu plus convaincant que les 3,8 milliards observés la veille. Malgré une hausse de 2%, la Bourse de Paris est encore loin de retrouver ses niveaux d’ouverture du vendredi 4 juin (3 568 points) — il s’en faut encore de plus de 50 points, soit 1,5%. Le problème, c’est que le CAC 40 n’est jamais parvenu à aligner plus de deux séances de hausse consécutives depuis le 15 avril dernier (vous pouvez vérifier).
Si la dynamique haussière devait se perpétuer à la veille du week-end, ce serait une grande première depuis deux mois. Les 3 630 points pourraient être re-testés avant la séance des « Quatre sorcières » du vendredi 18 juin.
Mais il va falloir au préalable refranchir l’oblique baissière court terme (3 525 points) unissant les zéniths des 16 avril, 13 mai et 3 juin. Une accélération à la hausse des valeurs cycliques et financières donnerait de la consistance au scénario de reprise en « tête/épaules » inversée. On aurait alors les 3 630 puis les 3 760 (MM100) en ligne de mire.
▪ Les chances de voir s’accomplir ce scénario ont singulièrement augmenté jeudi soir avec l’envolée de près de 3% des indices américains. Le S&P s’est en effet adjugé 2,95%, avec 495 titres sur 500 en hausse. Le Dow Jones engrange +2,75% (avec 29 titres sur 30 dans le vert). A la lumière de ces scores fleuves, la brutale rechute indicielle du début de la semaine s’apparente à un « bear trap« , un piège à baissiers imprudents.
Le piège semblait irrésistible pour beaucoup de vendeurs à découvert — les trois principaux indices américains étaient au bord de la rupture 48 heures auparavant, sur fond de pessimisme univoque concernant la croissance américaine et la survie de l’euro.
Le VIX (le baromètre de la peur) plafonnait mardi au-delà des 37,5 avant de replonger vers le palier des 30 ce jeudi.
Nous demeurons malheureusement convaincu que plus sa décrue en direction des 25 sera rapide… moins l’actuel rebond boursier sera durable. La seconde Grande Crise — celle des dettes souveraines — apparaît tellement insoluble sans l’adjonction d’une dose massive d’inflation que les arbitrages au profit de l’or et au détriment des actions vont continuer de rythmer l’ensemble du second semestre 2010.
Et nous espérons voir l’or rechuter le plus bas possible… sans illusions !