On ne peut pas rendre le capitalisme « politiquement correct » : il n’a pas de conscience, et son but n’est pas d’en avoir une. Toute tentative de changer cela n’est que manipulation.
Les bourses mondiales ont déjà perdu plus de 2 000 Mds$ – apparemment suite aux « inquiétudes sur la guerre commerciale ».
Chine et Etats-Unis ont augmenté les taxes douanières mais les négociations se poursuivent.
Tout cela n’est qu’une vaste perte de temps, du point de vue économique. Cela semble toutefois avoir aidé la cote de popularité de Donald Trump. Rien de tel qu’une guerre – même une guerre commerciale insensée – pour rallier les foules.
Ce qui ne contribuera pas à sa cote de popularité, en revanche, c’est un bon gros krach boursier prématuré. Trump veut rendre la Fed responsable de la récession/crise boursière à venir. Il ne peut pas se permettre qu’elle se déclenche maintenant.
Nous sommes d’avis que les investisseurs s’attendent encore à un accord avec la Chine. Nous sommes aussi d’avis que Le Donald s’assurera qu’ils en obtiennent un.
Nous verrons bien…
Un capitalisme politiquement correct
En attendant, revenons-en à Warren Buffett et Charlie Munger.
La sagesse a un prix, notions-nous vendredi : on prend de l’âge. Mais certains paient chèrement… et n’en ont pas beaucoup pour leur argent.
M. Buffett avait raison au sujet du temps et de l’amour. Ce sont-là les choses qui comptent vraiment. Mais Buffett et son partenaire de longue date Charlie Munger se trompent tous deux sur ce qu’ils affirment comprendre le mieux : le capitalisme.
Le capitalisme s’en est pris plein la figure, ces derniers temps. Naturellement, Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), Elizabeth Warren et Bernie Sanders sont contre. Ils récoltent des voix en promettant des choses gratuites. Or avec le capitalisme, on n’a rien sans rien.
Mais même les gens riches semblent s’être retournés contre lui. Ils ne condamnent pas le capitalisme. Ils veulent seulement le réparer… l’améliorer… le rendre plus gentil, plus doux et plus politiquement correct.
Nous n’avions pas réalisé à quel point ces sottises étaient devenues omniprésentes jusqu’à prendre la parole lors d’une conférence il y a quelques années. Les organisateurs voulaient un débat entre les manipulateurs – des gens qui croyaient au « capitalisme conscient » – et les capitalistes de la sorte inconsciente, brute, avide.
Ils s’étaient dit que votre correspondant ferait un bon représentant du capitalisme de la variété bestiale, si bien qu’ils l’ont confronté à l’archange John Mackey, fondateur et PDG de Whole Foods, pratiquement un saint capitaliste.
Nous avons rapidement réalisé que la bataille était perdue d’avance. Qui serait contre un environnement plus propre, un salaire digne de ce nom et une gouvernance responsable ? Et pourquoi les entreprises ne devraient-elles pas être « conscientes » de ces nobles objectifs et faire ce qu’elles peuvent pour les atteindre ?
Quel genre de monstre s’opposerait à de tels arguments ?
Eh bien… votre correspondant.
Réparer le capitalisme
Nous avons fulminé et tempêté, pouffé et blasphémé ; nous avons essayé les sarcasmes… l’indignation… et la moquerie. Rien n’a fonctionné.
Nous n’avons pas pu facilement expliquer pourquoi le capitalisme devrait être indifférent aux préoccupations et modes de la vie contemporaine.
Cela nous a mis en porte-à-faux non seulement avec Mackey mais avec tout le monde ou presque.
Rien que ces dernières semaines, en plus de Buffett, plusieurs des stars du capitalisme – dont Ray Dalio, Jamie Dimon, Bill Gates, Steve Schwarzman et Howard Schultz – ont tous lancé des appels à se réveiller et réparer le capitalisme.
Dans un éditorial pour le Wall Street Journal, par exemple, Buffett expliquait qu’il était pour une réduction plus importante des impôts sur le revenu afin de soulager le problème des inégalités. En d’autres termes, Buffett est « conscient » de qui devrait obtenir quoi. Au sujet de ceux qui ne reçoivent pas assez actuellement, il a déclaré sur Yahoo! Finance :
« Il faut qu’ils sentent qu’ils font partie du système […] à mesure que de plus en plus d’œufs d’or sont pondus, il faut qu’ils en obtiennent un peu plus pour leur propre part ».
Mais ce ne sont pas les « œufs d’or » du capitalisme honnête qui ont engendré la majeure partie des fortunes actuelles de ces milliardaires : ce sont les œufs pourris du capitalisme de copinage.
C’est effectivement réparable… non grâce aux largesses de la législature – qui distribue l’argent des autres aux groupes privilégiés du moment –, mais en laissant le capitalisme honnête faire à nouveau son travail.
A ce sujet, l’acolyte de Buffett, Charlie Munger, est plus proche de la vérité. En ce qui concerne les inégalités, elles « vont disparaître d’elles-mêmes », a-t-il dit. Il a raison sur ce point.
Que la Fed annonce, de manière crédible, que la survie de la bulle des actifs n’est plus sous sa responsabilité. En quelques heures, les riches perdraient la moitié, voire les trois quarts, de leur richesse.
Problème résolu !
A suivre…
4 commentaires
Excellentissime !
un pur régale
Oui, bravo, excellent !
Ceci dit, pour « réparer » le capitalisme, il n’y a pas d’autre solution que de réparer sa monnaie…laquelle est au coeur des
problèmes.
« Que la Fed annonce, de manière crédible, que la survie de la bulle des actifs n’est plus sous sa responsabilité. En quelques heures, les riches perdraient la moitié, voire les trois quarts, de leur richesse. »
Oui, évidemment.
Mais cela finira probablement par arriver, indépendamment de la volonté de la Fed…
Cher Bill,
Je viens de prendre connaissance de votre article et il m’interpelle.
Je partage votre point de vue sur la « réparation » du capitalisme. Il n’a en effet pas de conscience. Les gens qui vivent du capitalisme, c’est à dire la grande majorité de la population mondiale, en revanche ont une conscience. Et il s’avère que certains d’entre eux, parfois ceux auxquels le capitalisme a le plus profité, se voient soudainement pris de « cas de conscience ». Et cela leur fait soit remettre en cause une partie de leurs actions passées ou être pris du sentiment de devoir apporter leur pierre à l’édifice en imaginant qu’ils peuvent améliorer ou même changer les choses.
Là, contrairement à vous qui avez « fulminé et tempêté, pouffé et blasphémé » contre les arguments de ce bon vieux John Mackey, j’aurais tendance à dire : « pourquoi pas ? ». Cet homme a créé et dirige son entreprise Whole Foods. Qu’il veuille en faire un laboratoire au sein duquel il applique ses idées, aussi saugrenues qu’elles puissent nous paraître, libre à lui de le faire et éventuellement d’en payer les pots cassés ou d’en retirer les bénéfices ! En revanche, qu’il veuille imposer sa vision des choses à l’ensemble des entreprises du pays en incitant les politiques à faire une ou des lois est une attitude qu’il est nécessaire de combattre bec et ongles !
Je ne crois pas qu’il nous revienne de chercher à prouver que notre vision du capitalisme est meilleure que celle de notre voisin et d’argumenter à plus finir contre des sophismes et autres idées fallacieuses. Le marché des idées doit aussi subir la loi du capitalisme : que la meilleure, c’est à dire celle plébiscitée par le plus grand nombre, gagne !
Si la vision du capitalisme de John Mackey se voit être librement mise ne place par la majorité des acteurs du marché sans qu’elle ne soit imposée par la force à quiconque par quiconque, alors je dirais « Bill, même si je n’ai pas le même point de vue, c’est John qui a eu raison cette fois-ci… ».
Ne perdons pas notre énergie à lutter contre, à quoi bon ? Moi, Philippe Pagès, je ne suis pas d’accord avec la vision des choses que vous me proposez, point. J’ai le droit de penser que ce n’est pas la bonne voie, même s’il ne s’agit que d’une intuition parce que je n’ai pas les arguments techniques pour prouver le contraire, parce que je ne suis pas un érudit. Alors, merci de ne pas m’obliger à suivre votre voie et bonne chance à vous !
Malheureusement, telles que fonctionnent nos institutions au sein de nos démocraties modernes, j’ai bien conscience que ce n’est pas comme cela que les choses se passent et qu’il y a toujours quelqu’un qui réussi à imposer aux autres sa « vision » des choses… Et c’est cela qui est regrettable.
Merci de partager avec nous vos points de vue sur le monde !