Si les investisseurs historiques peuvent s’inquiéter pour la valeur réelle des actifs qu’ils détiennent, il peut être intéressant de se porter acheteur de parts de néo-SCPI dont le portefeuille est en construction.
Avec un rendement qui n’a pas suivi, bien au contraire, la progression de la rémunération de l’épargne sans risque, la pierre-papier commence à perdre les faveurs des investisseurs.
Nous vous mettions en garde dès l’année dernière sur le risque d’effet ciseaux défavorable entre la hausse des taux obligataires et l’inertie du marché immobilier : le voici qui se matérialise.
La rémunération nette de charges sociales et d’imposition sur le revenu de la plupart des SCPI s’affiche désormais largement sous le niveau de l’inflation. Même avec leur rendement bloqué à 3 %, le Livret A et le LDDS s’avèrent même plus rémunérateurs – alors que l’épargne qui y est versée reste garantie et disponible à tout moment.
La patience des investisseurs étant limitée, vient fatalement le moment où ceux-ci souhaitent profiter de la liquidité affichée de la pierre-papier pour se désengager et placer leurs économies dans d’autres véhicules, et ce d’autant plus que le marché sous-jacent commence à se contracter.
Tous supports confondus, le montant total de la collecte de la pierre-papier a été divisée par deux au premier semestre par rapport à l’an dernier. Après une année 2022 faste durant laquelle les SCPI avaient joué le rôle de valeur refuge, recueillant en valeur nette un montant record de 10,1 Mds€, le premier trimestre 2023 a été un signal d’alarme avec à peine 2,4 Mds€ collectés. Le deuxième trimestre a marqué une accélération de la contraction, avec une collecte nette tombant à 1,7 Md€, en baisse de 28% sur trois mois et de 35% sur un an.
Pour les particuliers disposant d’un patrimoine investi dans la pierre-papier, la vigilance est de mise… d’autant que, derrière les chiffres consolidés, se cachent deux univers bien distincts : celui des SCPI établies et celui des néo-SCPI. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, ce sont les acteurs implantés depuis le plus longtemps qui risquent de connaître les plus grandes baisses dans les prochains mois, tandis que les nouveaux entrants pourront profiter d’un marché de l’immobilier en tension pour se constituer un parc de meilleure qualité et à moindre coût.
Le lourd poids du passé
Si les SCPI ont connu un regain d’intérêt depuis la crise des subprimes avec leur promesse de rendement décorrélé des marchés actions, les plus anciennes d’entre elles ont débuté leur activité il y a plusieurs dizaines d’années. La plus vieille SCPI existante à ce jour, Epargne Foncière, est même née en 1968 – il y a plus d’un demi-siècle.
Cet héritage s’avère, dans le cas de l’immobilier, pesant. Vous n’êtes pas sans savoir que l’immobilier français fait face à une inflation normative incontrôlable. Accessibilité, performances énergétiques, équipements de conforts : la loi a imposé aux constructions neuves une montée en gamme drastique ces dernières années.
Parallèlement, les attentes des locataires – qui sont in fine les clients des SCPI – ont augmenté en conséquence. Les SCPI qui se sont constitué leur parc au siècle dernier ont donc dans leur portefeuille des actifs dont la désirabilité s’est progressivement érodée au cours du temps. Si leur valeur pouvait être considérée comme fixe en présence de locataires stables, la remise à plat du marché immobilier oblige les gérants à une opération-vérité quant au potentiel locatif de leur parc.
Bureaux, zones d’activités, commerces et même immobilier résidentiel : partout, la vacance locative change le rapport de force. Les nouveaux occupants refusent de s’installer dans d’anciens locaux alors que des constructions neuves sont vacantes – à moins que les moindres prestations s’accompagnent d’un effort sensible sur le prix demandé.
Les anciennes SCPI sont donc contraintes soit de baisser drastiquement les loyers pour attirer des locataires moins solvables, soit d’augmenter les prestations au prix de coûteux travaux. Dans les deux cas, à rendement locatif constant, c’est la valeur nette des biens – donc celle de la part – qui est revue à la baisse.
Déjà, Amundi a baissé fin juillet le prix des parts de trois de ses plus grandes SCPI. Edissimmo, plus la grande SCPI de bureau française, a vu son prix de souscription s’effondrer de 237 € à 204 €, soit une décote brutale de 14%. Il faut dire qu’avec une évaluation de plus de 6,3% supérieure à la valeur de reconstitution du patrimoine fin 2022, le gérant n’avait guère de choix pour rester sous le maximum légal de 10% de surestimation. La baisse est encore plus brutale sur Génépierre. Malgré sa diversification affichée, la SCPI aux 165 immeubles et aux 990 M€ sous gestion a vu sa valeur rabotée de 17,04%. Les souscripteurs voient ainsi la valeur de leur investissement revenir 14 ans en arrière. De quoi faire presque relativiser la décote de 12% de Rivoli Avenir Patrimoine…
Les déboires ne touchent cependant pas uniquement Amundi. Accimmo pierre, la SCPI aux 3,4 Mds€ sous gestion de BNP Real Estate, a également réduit son prix de souscription de 205 € en 2022 à 170 € cette année – un effondrement de 17,1%.
Entre la baisse des flux de souscription et l’effondrement des valeurs d’actifs, les gérants font face à un tableau qui n’est pas sans rappeler celui des banques régionales américaines fin 2022. Un cercle vicieux dans lequel baisse de prix et décollecte s’encourageraient mutuellement n’est pas à exclure.
Et, comme pour le système bancaire qui a vu les établissement « too big to fail » rafler la mise, la fuite des épargnants devrait profiter à une catégorie bien particulière de SCPI : les nouveaux entrants.
L’avantage injuste des derniers entrants
Le début des années 2020 a vu l’arrivée de nouveaux acteurs dans un paysage de la SCPI autrefois dominé par quelques grands noms. Certains, comme Iroko, en ont même profité pour lancer des offres sans frais de souscription, se rémunérant sur les flux de loyers et les opérations de gestion plutôt que sur les collectes.
Ces néo-SCPI, outre le dépoussiérage bienvenu qu’elles apportaient dans un secteur où les gérants avaient tendance à se servir allégrement dans l’épargne qui leur était confiée, ont à peine eu le temps de se constituer un patrimoine avant la crise pandémique.
En pleine croissance, elles ont la chance de voir les flux de collecte dépasser largement leur stock d’actif. Iroko, par exemple, a récolté 50 M€ en 2021, 150 M€ en 2022, et devrait atteindre les 250 M€ cette année. Cela signifie que ses achats réalisés durant cette seule année 2023 devraient valoir, en ordre de grandeur, autant que l’intégralité de ses biens détenus au 1er janvier. Avec un patrimoine qui double tous les ans, le poids du passé devient négligeable.
Ces nouveaux acteurs ont donc deux avantages par rapport aux SCPI établies. Non seulement elles achètent des actifs plus récents que ceux détenus par les SCPI historiques, donc plus à même de générer du rendement ; mais le calendrier favorable leur permet en plus de les acheter à bas prix.
Soyez le Warren Buffet de l’immobilier
Acheter pendant les phases de baisse est la base de la technique du « dollar cost averaging » si prisée des investisseurs fondamentaux comme Warren Buffet.
L’idée sous-jacente est d’accepter le fait que les marchés, quels qu’ils soient, passent par des phases de hausse et de baisse dont on ne connaît ni le début, ni la fin. Inutile, donc, de vouloir tout vendre lorsque notre intuition nous dit qu’un sommet s’approche et de ne surtout pas acheter tant que le creux n’a pas été identifié. Les marchés financiers sont chaotiques, et chercher à prédire leur évolution est un exercice futile.
Pour maximiser ses chances de plus-value, il est donc conseillé de lisser ses investissements avec des prises de positions de taille identique. Du fait de la variation des prix, l’investisseur achète donc moins d’unités lorsque les prix montent, et plus d’actifs lorsque les prix sont en baisse.
Mais cette technique ne fonctionne que pour des actifs fongibles comme des actions ou de la monnaie.
Une action achetée en 2010 est identique à une action achetée en 2023 ; de la même manière que les euros déposés sur votre compte en 2010 sont les mêmes que ceux déposés le mois dernier. Or, comme nous l’avons vu plus haut, rien n’est moins vrai pour l’immobilier.
Non seulement l’immobilier ancien peut être significativement dégradé si l’entretien n’a pas été correctement assuré et donc perdre en valeur, mais il peut même se retrouver dévalué du jour au lendemain lors d’évolutions normatives. Les propriétaires qui ont vu leurs biens locatifs qualifiés de « passoires thermiques » par le législateur, donc impropres à la location, connaissent bien ce phénomène de volatilisation de valeur des actifs immobiliers.
Aussi, les biens achetés en 2023 ont une valeur intrinsèque mécaniquement plus importante que ceux achetés il y a 10 ou 20 ans. Et, dans un contexte où les prix faciaux diminuent, acheter durant la baisse permet de profiter d’un double effet favorable : l’achat, pour moins d’argent, d’actifs de qualité supérieure.
La situation de l’investissement en SCPI est donc bien particulière en cette fin d’été 2023.
Si les investisseurs historiques peuvent légitimement s’inquiéter pour la valeur réelle des actifs qu’ils détiennent et peuvent à raison considérer une vente « à tout prix », il peut être paradoxalement intéressant de se porter acheteur de parts de néo-SCPI dont le portefeuille est en construction.